Le Mardi Gras, jour de festivités riches et symboliques, plonge ses racines dans d’anciens rituels agraires visant à rééquilibrer l’ordre du monde vers la nouvelle année. Des pratiques païennes comme les Sacées babyloniennes et les Saturnales romaines marquaient cette période de renversement symbolique. Esclaves en liberté temporaire et somptueux banquets étaient au rendez-vous.
Historiquement, le Mardi Gras s’ancre dans l’Antiquité romaine, lié à l’arrivée du printemps et à la transition de l’hiver à l’été. Les Calendes de mars étaient une période de déguisements, de transgressions et de festivités annonçant le printemps. Intégrées au calendrier chrétien, ces festivités deviennent la veille du Mercredi des Cendres, inaugurant le Carême, période de jeûne et d’abstinence.
Bien que lié au christianisme, le Mardi Gras n’est pas une fête religieuse à part entière, ne figurant pas dans le calendrier liturgique comme le Mercredi des Cendres. Cette dualité, entre origines païennes et intégration chrétienne, contribue à la richesse symbolique de cette célébration transcendant les frontières culturelles et religieuses.
La date du Mardi Gras varie selon Pâques, situé 47 jours après, incluant la période de Carême et les six dimanches. La connaissance de la date de Pâques, toujours le premier dimanche après la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps, est essentielle.
Le Mardi Gras autorise les excès alimentaires avant le Carême, incitant à savourer les plaisirs culinaires et à participer aux traditions festives. Marquant la fin des sept jours gras, le Mardi Gras précède le Carême, période de privation alimentaire, de jeûne et d’abstinence, durant les 40 jours symbolisant le temps passé par le Christ dans le désert. L’étymologie du mot « carnaval, » dérivant de « carne levare » en latin médiéval, souligne le retrait de la viande pendant le Carême.
Bien teinté d’influences païennes, le Mardi Gras conserve une dimension chrétienne, mettant temporairement entre parenthèses l’austérité du Carême avec le carnaval, joyeuse célébration du « Carême-entrant. » Certains jours gras, comme le « jeudi gras » et le « dimanche gras, » sont célébrés selon certaines traditions.
Le carnaval antillais a vu le jour au XVIIe siècle, lors de l’arrivée des colons en Martinique et en Guadeloupe. Cette tradition païenne européenne visait à permettre aux catholiques de faire la fête avant les restrictions du Carême.
Au début de l’esclavage, les esclaves étaient exclus des festivités carnavalesques, observant de loin les colons s’amusant lors de réceptions masquées dans les habitations. Au fil du temps, les esclaves ont décidé d’imiter leurs maîtres en organisant leurs propres célébrations dans leur quartier, y intégrant leur culture (masques, chants, danses, couleurs), leurs croyances et leurs instruments de musique (tambour, ti-bois, cha-cha). Ce moment de liberté était accordé par le maître, autorisant les esclaves à réaliser des cortèges et défilés musicaux uniquement à l’intérieur de la propriété. Jusqu’à l’abolition de l’esclavage, il leur était interdit de défiler à l’extérieur de la propriété de leur maître.
Pour les colons, le carnaval était un moyen de mieux préparer l’abstinence du Carême. Pour les esclaves, c’était une période permettant de se réapproprier leurs coutumes africaines sans contrainte.
Tout au long du XVIIIe siècle, le carnaval a fait l’objet d’interdictions, n’atteignant son apogée qu’à l’abolition de l’esclavage. Les anciens esclaves pouvaient enfin défiler dans les rues, chantant des chansons sarcastiques sur ceux qui les avaient gouvernés.
En Martinique, cette tradition commémore la période esclavagiste. Les festivités, imprégnées de chants, danses et déguisements, offrent une façon de raviver la mémoire collective et de dénoncer les réalités quotidiennes. De nos jours, les préparatifs débutent à la fin des fêtes de Noël, et le carnaval se déroule du dimanche au mercredi des Cendres dans toute l’île. Une figure emblématique, « Vaval, » symbolisant le roi du carnaval et les malheurs de l’année écoulée, est traditionnellement brûlée le mercredi des Cendres. Cette coutume témoigne de l’évolution du carnaval, fusionnant des éléments païens avec des contextes historiques et culturels spécifiques.
Le Mardi Gras, bien plus qu’une simple journée avant le Carême, est donc une célébration ancrée dans l’histoire, mêlant origines païennes et influences chrétiennes. Témoin vivant de l’évolution des traditions, il unit les gens à travers les frontières pour célébrer la vie, la diversité et la joie. Le Mardi Gras, symbole de débauche temporaire avant la période de privation, reste une célébration vivante, reflétant la richesse de l’histoire et de la diversité culturelle de cette festivité exceptionnelle.