Dans une étude publiée ce mardi, plus de 4 joueurs de football professionnels sur 10 se déclarent hostiles à l’homosexualité. Un chiffre étonnamment élevé. Tentative d’explication.
« Quand j’étais joueur professionnel, c’était impensable d’avouer qu’on est homo. On n’en parlait même pas. » L’ancien international de football français Vikash Dhorasoo a beau avoir raccroché les crampons depuis cinq ans, la situation n’a guère changé. Selon une étude publiée ce mardi par le Paris Football Gay, la lutte contre l’homophobie s’est arrêtée au bord des terrains: sur les 363 joueurs de L1, L2 et National interrogés, 41% des footballeurs professionnels et la moitié des jeunes évoluant en centre de formation « ont déclaré des pensées hostiles envers les homosexuels ». Chez les professionnels, ils seraient même 15% à souhaiter qu’un coéquipier homosexuel quitte leur club.
Et la France n’est pas un exemple isolé: en Europe, le seul joueur toujours en activité à avoir fait son coming-out est le Suédois Anton Hysen. « Dans un club, tout le monde doit être hétéro! » assène Vikash Dhorasoo. Sous peine de discrimination. Dans les années 1990, le footballeur anglais Justin Fashanu en a fait la tragique expérience. Après avoir révélé son homosexualité dans la presse, il est ostracisé par son club: ses coéquipiers refusent de jouer avec lui, il est de moins en moins sélectionné et se fait huer par le public dès qu’il entre sur le terrain. Il se suicidera en 1998 après avoir été accusé d’agression sexuelle (une charge abandonnée faute de preuves).
Mais les discriminations ne touchent pas uniquement le milieu professionnel. Yoann Lemaire, footballeur amateur et auteur du livreJe suis le seul joueur de foot homo, Enfin j’étais, publié en 2010, a été victime d’insultes et de menaces après avoir fait son « coming out« . « Le coach m’a relégué du poste de titulaire à celui de remplaçant. Il ne m’adressait quasiment plus la parole. Quand je lui ai demandé ce qu’il se passait, il m’a expliqué qu’il ne me faisait plus jouer parce qu’un des joueurs ne voulait plus se doucher avec moi ». Les dirigeants du club laissent faire. Même lorsqu’un de ses coéquipiers l’insulte pendant une interview pour Canal et France 3. « Il m’a traité de ‘tarlouze’, de ‘sale pédé’. J’ai demandé aux dirigeants du club de lui faire la morale. J’avais peur d’être humilié à la télévision. Ils m’ont répondu ‘non, il a le droit de penser ça, on n’est pas des juges' ».
L’isolement des centres de formation mis en cause
Pourquoi le football est-il un milieu particulièrement intolérant envers les homosexuels? Selon Anthony Mette, le conseiller en psychologie du sport qui a supervisé l’enquête, ces discriminations s’expliquent avant tout par l’isolement des jeunes sportifs. « Dans le football en particulier, les joueurs sont très tôt enfermés en centres de formation, dans un contexte très difficile de compétition et d’agressivité, sans interaction avec l’extérieur. Et Vikash Dhorasoo d’ajouter: « C’est un milieu de gamins enfermés qui sortent peu, un milieu de testostérone, qui ne voient pas de filles, qui ne pensent qu’à la compétition, à la concurrence. »
Mais selon Yoann Lemaire, l’homophobie ne touche pas uniquement les terrains de football. En témoigne la vague médiatique provoqué par le coming out du joueur de basket, Jason Colins, aux Etats-Unis. C’est la première fois qu’un joueur de NBA encore en activité revendique son homosexualité. Les discriminations s’expliquent selon lui par l’esprit de compétition inhérant à tous les sports. « A partir du moment où il y a de la compétition, quel que soit le niveau, les joueurs ont tous un égo surdimensionné, estime-t-il. Ils veulent être des mecs virils, durs. Pour eux, un homosexuel est un mec fragile, sensible, qui ne sait pas se battre. L’opposé du sportif de haut niveau, en somme. » / ….
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