Alors que le Fespaco a fermé ses portes, comment se porte réellement l’industrie du film en Afrique ? État des lieux avec les acteurs du secteur.
— Par le correspondant du journal Le Point, à Ouagadougou, Bernard Kaboré —
Le Marché international du cinéma et de la télévision africain de Ouagadougou est devenu un salon professionnel réunissant des acheteurs, distributeurs, producteurs venus des quatre coins de l’Afrique et aussi d’Europe. © Issouf Sanogo / AFP
Le temps d’une édition du Fespaco, Ouagadougou a plongé dans une ambiance de fête. Cela relève d’une tradition. En effet, depuis plusieurs années, chaque édition de la biennale change quelque peu le visage de la capitale burkinabée : par-ci et par-là des rues marchandes qui ne désemplissent pas, des hôtels et restaurants qui débordent de clients tandis que le quartier général de l’événement, le siège du Festival, grouille de monde jusqu’à tard les nuits. Sans oublier ces longues files de cinéphiles devant les (quelques) salles obscures qui, les jours ordinaires, intéressent peu de gens… Dans l’imaginaire de certains, c’est cet enthousiasme qui sert de baromètre de succès d’une édition de Fespaco comparée à une autre. Au-delà, c’est ainsi qu’est jaugé l’état de forme-même du 7e art africain. Justement : dans quel état se trouve le cinéma africain ? Quels sont les défis auxquels il fait face ? Quelles perspectives ? Des questions qui méritent d’être posées, alors que, d’après l’Unesco, l’industrie du cinéma pourrait créer 20 millions d’emplois en Afrique et générer 20 milliards de dollars de revenus par an.
Sous un chapiteau géant dressé dans l’enceinte de la cour du Fespaco, le Marché international du cinéma et de l’audiovisuel bat son plein. Des stands juxtaposés les uns aux autres abritent des expositions de différents pays africains participant au Festival ainsi que des structures nationales et internationales intervenant dans le 7e art ou dans l’audiovisuel. Cet espace initié en 1983 est réservé chaque édition à la promotion du cinéma du continent, à des échanges entre producteurs, distributeurs, porteurs de projets et diffuseurs du Fespaco. Vingt et une édition après le premier Mica, des problématiques de développement du cinéma africain qui y sont généralement discutées restent d’actualité. En première ligne : la formation, les moyens techniques, le financement des productions, la qualité et la compétitivité des films africains hors du continent.
Abel Kouamé, participant du Mica, décrit un cinéma africain d’aujourd’hui qui fait face à « de multiples défis ». En termes d’ampleur, le premier, selon ce réalisateur-producteur ivoirien, est l’accès aux guichets de financement, gérés en majorité par l’État à travers des fonds d’appui à la culture ou à l’industrie cinématographique. « Il est difficile d’avoir accès à des guichets structurés et qui ont suffisamment de ressources pour aider les productions », avoue le responsable du studio Afrika Toon, producteur de six longs-métrages d’animation dont Pokou, princesse Ashanti et de plusieurs séries télé. Il explique que cet accès difficile est dû à la rareté, sinon à l’absence même de guichets : « En Afrique de l’Ouest par exemple, on n’a que quelques pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina et le Sénégal qui disposent de guichets de financement. Les autres pays peinent à en avoir. » Conséquence ? « On est très souvent obligé de revoir à la baisse plein de choses prévues dans la réalisation pour se conformer au budget obtenu », confie Isis Ismaël Kaboré, jeune réalisateur burkinabé. Et l’impact sur la qualité des films est sans appel. « Si la production n’a pas les sous, on va faire des films en bricolant », déplore Amath Niane, chef opérateur image sénégalais….