Pour une répression juste des propos racistes

—Par un COLLECTIF —

licra-2TRIBUNE La haine raciste ne doit pas être traitée comme un délit d’exception qui serait l’expression d’une simple opinion. Elle mérite une véritable réponse pénale, efficace et rapide.

Depuis son annonce par le gouvernement, le projet de sortir les délits de propos racistes de la loi sur la presse de 1881 pour les insérer dans le code pénal est l’objet de vives attaques, venant du camp même des antiracistes. Il s’agirait là d’une loi d’émotion, en réponse aux tragédies du mois de janvier, d’une atteinte à la liberté d’expression, d’une mesure inefficace. Aucune de ces critiques n’est pourtant fondée. En premier lieu, il faut rappeler qu’il ne s’agit pas là d’une réaction politique au traumatisme de Charlie. C’est notamment une revendication très ancienne de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui, dès les années 90, portait le projet de sortir de la loi de 1881 sur la presse pour mieux lutter contre le racisme.

En cause, la loi elle-même. Technique, complexe, d’un formalisme extrême immaîtrisable pour la plupart des juristes. Même si les efforts se sont accrus depuis plusieurs années pour renforcer la formation des magistrats sur la lutte contre le racisme, la réalité d’une juridiction non spécialisée – seules quatre juridictions en France comportent des chambres spécialisées en matière de «délits de presse» – c’est de voir trop souvent des procédures, relevant de la loi de 1881, échouer faute d’avoir respecté les chausse-trapes procédurales de cette loi. Ce qui signifie, au quotidien, nombre de victimes de racisme qui ne voient pas leurs affaires jugées par un tribunal.

Les hérauts de la liberté d’expression clament le caractère sacro-saint de la loi de 1881, parfait équilibre entre le respect de la liberté d’expression et la sanction de ses abus, équilibre qui serait ainsi rompu par le projet de loi en cause. Comment ne pas rappeler pourtant que la loi du 29 juillet 1881, intitulée «loi sur la liberté de la presse», était originellement destinée aux professionnels de la communication (presse, éditeurs, médias) pour encadrer leurs activités. Ainsi, elle s’adressait à des professionnels responsabilisés, encadrés par une déontologie. Les propos racistes émanent principalement de personnes qui ne sont pas des professionnels de la communication, mais par tout un chacun, dans la rue, sur son lieu de travail, à l’école, sur les réseaux sociaux. Or, la loi sur la presse n’a pas été conçue pour une expression publique généralisée. Elle n’est pas adaptée au contentieux de masse qu’Internet est de nature à engendrer, tout internaute devenant désormais un éditeur public potentiel. La protection particulière qu’elle accordait aux professionnels de la presse, caractérisée par le fait de restreindre de manière stricte les limites à la liberté d’expression, n’est plus justifiée, ni adaptée s’agissant de ses nouveaux adversaires.

Il est, en outre, essentiel que le gouvernement adresse un message clair à l’attention de l’opinion publique. La haine raciste ne doit pas être traitée comme un délit d’exception qui serait l’expression d’une simple opinion. Elle mérite une véritable réponse pénale, efficace et rapide. C’est pour cette raison que nous, avocats des victimes, demandons que le racisme puisse intégrer le code pénal, afin de constituer un délit de droit commun, en somme un «vrai» délit.

Parmi les signataires : Michel Bénichou Ancien bâtonnier de Grenoble, président honoraire de la conférence des bâtonniers, Michel Blum Avocat Paris, ancien président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Christian Charrière-Bournazel Ancien bâtonnier de Paris, ancien président du Conseil national des barreaux (CNB), Didier Dalin Avocat Paris, ancien président de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (Fnuja) Sabrina Goldman Avocate Paris, vice-présidente de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), Alain Jakubowicz Avocat Lyon, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), Michel Pezet Avocat Marseille, Francis Teitgen Ancien bâtonnier de Paris Francis Szpiner Avocat Paris, ancien vice-président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et Pierre-François Veil Avocat Paris.

Site :www.licra.org/fr/communique/100-avocats-victimes-racisme-sengagent-pour-faire-racisme-vrai-delit
Par Cent avocats