— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue—
22 articles du linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol publiés d’abord en Haïti dans le journal Le National et par la suite reproduits, à l’échelle internationale, sur le prestigieux site de L’Observatoire européen du plurilinguisme (OEP). L’Observatoire européen du plurilinguisme édite chaque mois sur son site Web « La Lettre d’information de l’OEP » destinée à ses 20 000 abonnés. La Lettre d’information de l’OEP, qui a diffusé de 2005 à 2022 plus de 15 000 articles reproduits dans plusieurs langues, est désormais traduite bénévolement en allemand, anglais, arabe, bulgare, croate, espagnol, grec, italien, polonais, portugais, roumain et russe.
L’Observatoire européen du plurilinguisme est une structure de mutualisation et de coopération entre acteurs du plurilinguisme, il est né des 1ères Assises européennes du plurilinguisme qui ont eu lieu à Paris les 24 et 25 novembre 2005. Réunissant décideurs, chercheurs et représentants de la société civile autour d’une Charte européenne du plurilinguisme, pour répondre aux questions linguistiques fondamentales de l’Europe dans leurs dimensions politiques, culturelles, économiques et sociales, L’Observatoire européen du plurilinguisme a pour objectif de promouvoir l’emploi des langues vivantes et de préserver la diversité linguistique et culturelle, valeur d’échange et de créativité. L’OEP mène des actions ciblées en profondeur visant plusieurs secteurs stratégiques : la recherche et l’enseignement supérieur, l’éducation et les entreprises. L’Observatoire européen du plurilinguisme privilégie une vision partenariale du plurilinguisme axée sur une conception rassembleuse de la langue, la « Langue outil – Langue milieu », la « Langue de service – Langue de culture » et la « Langue de communication – Langue historique, accomplissement de la pensée ».
Le présent document est destiné à toute personne qui s’intéresse à l’aménagement des deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français, conformément à la Constitution de 1987. Amplement documentés, les articles répertoriés sont directement accessibles sur le site de L’Observatoire européen du plurilinguisme et, au format papier, ils figurent parmi les textes regroupés dans le livre à paraître en juin 2023, « Haïti – L’œil de la parole / Chroniques linguistiques » (par Robert Berrouët-Oriol, Éditions Zémès, Port-au-Prince et Éditions du Cidihca, Montréal, 576 pages). Il y a lieu de rappeler que les articles de Robert Berrouët-Oriol initialement parus en Haïti dans Le National sont ensuite reproduits sur les sites suivants : Rezonòdwès (États-Unis), Médiapart (France), Fondas kreyòl et Madinin’Art (Martinique). Certains d’entre eux ont été republiés par Academia.edu, Mondesfrancophones.com, et par Haiti-Reference.com.
Les articles de Robert Berrouët-Oriol reproduits sur le site de L’Observatoire européen du plurilinguisme (OEP) sont indexés (classés) selon les critères typologiques de l’OEP : « Terminologie – Lexicographie – Bibliographie », « Francophonie », « Bilinguisme et plurilinguisme », « Politiques et droits linguistiques », « Diversité culturelle et linguistique », « Politiques et droits linguistiques », « Langues, traduction et interprétation », « Éducation et diversité culturelle », « Dynamique des langues et variations linguistiques ».
Listage des articles de Robert Berrouët-Oriol reproduits sur le site de L’Observatoire européen du plurilinguisme
- « Droits linguistiques » et « droit à la langue » en Haïti, la longue route d’une conquête citoyenne au cœur de l’État de droit », 11 avril 2023. (Politiques et droits linguistiques)
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« La problématique linguistique haïtienne sur le site de L’Observatoire européen du plurilinguisme », 30 mars 2023. (Dynamique des langues et variations linguistiques)
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« La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette », 30 mars 2023. (Terminologie – Lexicographie – Bibliographie)
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« Le partenariat créole-français, l’unique voie constitutionnelle et rassembleuse en Haïti », 14 mars 2023. (La francophonie)
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« La longue route des terminologies scientifiques et techniques en créole haïtien », 22 février 2023. (La francophonie)
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« La lexicographie créole, incontournable auxiliaire de l’aménagement linguistique en Haïti », 5 janvier 2023. (La francophonie)
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« Le créole et le français dans l’École haïtienne : faut-il aménager une seule langue officielle en faisant l’impasse sur l’autre ? », 21 janvier 2023. (Bilinguisme et plurilinguisme)
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« L’aménagement du créole doit-il s’accompagner de « l’éviction de la langue française en Haïti » ? », 11 mai 2022. (La francophonie)
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« De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? », 25 janvier 2022. (La francophonie)
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« Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique », 25 décembre 2022. (La francophonie)
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« Amendement de la Constitution de 1987 en Haïti et politique linguistique nationale : lettre ouverte au député Jerry Tardieu », 13 octobre 2018. (Politiques et droits linguistiques)
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« Le créole, « seule langue officielle » d’Haïti : mirage ou vaine utopie ? », 15 janvier 2018. (Diversité culturelle et linguistique)
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« La « didactisation » du créole dans les prestigieux Cahiers internationaux de sociolinguistique », 24 janvier 2022. (Parutions 2021)
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« Pour mieux comprendre la dimension linguistique de la qualité de l’éducation en Haïti », 27 octobre 2017. (L’école face à la diversité culturelle)
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« La notion de « droits linguistiques » sous la loupe du linguiste Giovanni Agresti », 3 mars 2022. (Politiques et droits linguistiques)
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« Recension du livre « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », 24 mars 2022. (Parutions 2021)
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« L’aménagement simultané du créole et du français en Haïti, une perspective constitutionnelle et rassembleuse », 27 novembre 2020. (La francophonie)
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« Droits linguistiques en Haïti : le « nationalisme essentialiste » est-il un choix légitime ? », 23 octobre 2017. (Politiques et droits linguistiques – Bibliographie)
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« Droits linguistiques et droits humains fondamentaux en Haïti : une même perspective historique », 23 octobre 2017. (Politiques et droits linguistiques – Bibliographie)
- « Les grands chantiers de la tradution en créole haïtien », 18 novembre 2016.
(Langues, traduction et interprétation)
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« Les « droits linguistiques des enfants » en Haïti : mal-vision et aberration conceptuelle à l’Akademi kreyòl », 25 septembre 2016. (L’école face à la diversité culturelle)
- « L’école en créole, en français, dans les deux langues ? État de la question et perspectives », 3 janvier 2012. (Langues et cultures régionales et minoritaires)
(Diversité culturelle et linguistique)
Publiés en Haïti au fil des ans dans Le National, ces articles amplement documentés couvrent une variété de sujets qui contribuent à une créolistique innovante : l’aménagement simultané du créole et du français en Haïti, le droit à la langue maternelle créole dans le système éducatif haïtien, les fondements constitutionnels de l’aménagement des deux langues officielles d’Haïti, les droits linguistiques, la didactisation du créole, la méthodologie de la lexicographie créole et de la terminologie créole, un Plaidoyer pour le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » en Haïti, des dossiers terminologiques, un Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique, l’examen de l’impasse du monolinguisme créole, les errements et le très maigre bilan de l’Académie créole, la nécessité d’une politique linguistique éducative en Haïti, l’examen critique de plusieurs lexiques et dictionnaires créole-français ou unilingues créoles, ainsi que des « Remarques sur le français haïtien ». Ces articles témoignent de la constance d’une démarche analytique au creux des sciences du langage et de la jurilinguistique, et ils sont en lien avec la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996 et la Constitution haïtienne de 1987.
Par-delà le constat que la reproduction des articles de Robert Berrouët-Oriol sur le site de L’Observatoire européen du plurilinguisme est une marque publique de confiance envers l’auteur et envers la crédibilité de la démarche analytique consignée dans ses textes, leur présence sur ce site interpelle surtout une problématique de premier plan : à l’échelle nationale et internationale, la créolistique se doit d’être rassembleuse et innovante, elle doit maintenir le cap d’un discours où le statut scientifique de sa production est étayé avec constance. Car une créolistique rassembleuse et innovante ouvre la voie à des perspectives durables, elle permet aussi de se démarquer rigoureusement des dérives idéologiques auscultées notamment par le sociolinguiste et sociodidacticien Bartholy Pierre Louis dans sa thèse de doctorat où il aborde l’« idéologie linguistique haïtienne ». Bartholy Pierre Louis, ancien étudiant de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, est en effet l’auteur d’une thèse de doctorat soutenue avec succès en 2015 à l’Université de Rennes 2, « Quelle autogestion des pratiques sociolinguistiques haïtiennes dans les interactions verbales scolaires et extrascolaires en Haïti ? : une approche sociodidactique de la pluralité linguistique ». Il explore au chapitre 4.3.1.3 de sa thèse (page 201 et suivantes), « L’idéologie linguistique haïtienne : pour ou contre le français ? ». Ses observations de terrain et son analyse permettent de mieux comprendre ce qu’il nomme très justement « l’idéologie linguistique haïtienne » qui se caractérise, pour l’essentiel, par la primauté des poncifs de l’idéologie sur l’analyse basée sur les sciences du langage. « L’idéologie linguistique haïtienne » est alimentée par les promoteurs de la vision du monolinguisme créole sectaire et dogmatique qui, tout en tournant le dos à la Constitution de 1987, militent pour la survenue en Haïti de « Yon sèl lang ofisyèl » (« Une seule langue officielle ») et cette vision inconstitutionnelle traduit, surtout, le rachitisme de la « pensée linguistique » des Ayatollahs du créole. En gardant le cap d’une démarche critique tout en étant rassembleuse, la créolistique offrira des repères sûrs et à contre-courant des errements sectaires et dogmatiques des Ayatolahs du créole, qui prêchent en vain une chimérique fatwa contre la langue française en Haïti –promue par leurs soins au statut stigmatisant de « langue coloniale », de langue de la « gwojemoni neyokolonyal »–, et qui font la promotion de la « lexiocographie borlette » au détriment d’un véritable aménagement du créole aux côtés du français (voir nos articles « Le créole et le français dans l’École haïtienne : faut-il aménager une seule langue officielle en faisant l’impasse sur l’autre ? », Le National, 21 juin 2022 ; « Le partenariat créole-français, l’unique voie constitutionnelle et rassembleuse en Haïti », Le National, 14 mars 2023 ; et « La Constitution de 1987 est au fondement du ‘’bilinguisme de l’équité des droits linguistiques’’ en Haïti », Le National, 25 avril 2023). Il faut prendre toute la mesure que l’« idéologie linguistique haïtienne », qui nie le caractère bilingue créole-français de notre patrimoine linguistique historique, fonctionne de manière générale sur le mode du prêche clivant, guerroyant et compulsif. Dans ses différentes variantes, l’« idéologie linguistique haïtienne » enferme la problématique de l’aménagement du créole dans une chimérique fatwa contre la langue française en Haïti. Celle-ci est à leur yeux un « virus mental », un « sentòm gwojemoni neyokolonyal » affectant ausssi bien les locuteurs haïtiens que, par exemple, le Bureau de l’UNESCO en Haïti, celui-ci étant présumément une sorte d’officine anti-créole : « UNESCO (…) ap plede ankouraje pratik anti-kreyòl mi wo mi ba » a récemment criaillé l’un des Ayatollahs du créole, fervent promoteur de la « lexiocographie borlette…
Une créolistique rassembleuse est une créolistique qui invite à la réflexion critique et constructive –y compris face aux dérives de l’« idéologie linguistique haïtienne »–, tout en offrant à l’aménagement du créole des perspectives crédibles, loin des mirages et des sirènes du catéchisme des « créolistes » fondamentalistes. Sur le plan épistémologique, les linguistes créolistes, les professeurs de créole et les rédacteurs de manuels scolaires créoles ont la liberté de cheminer avec la pensée d’Édouard Glissant, romancier et philosophe martiniquais. Avec rigueur et hauteur de vue, il nous enseigne qu’« On ne peut plus écrire son paysage ni écrire sa propre langue de manière monolingue. Par conséquent, les gens qui, comme par exemple les Américains, les États-Uniens, n’imaginent pas la problématique des langues, n’imaginent même pas le monde. Certains défenseurs du créole sont complètement fermés à cette problématique. Ils veulent défendre le créole de manière monolingue, à la manière de ceux qui les ont opprimés linguistiquement. Ils héritent de ce monolinguisme sectaire et ils défendent leur langue à mon avis d’une mauvaise manière. Ma position sur la question est qu’on ne sauvera pas une langue dans un pays en laissant tomber les autres. » (Lise Gauvin : « L’imaginaire des langues – Entretien avec Édouard Glissant », revue Études françaises, 28, 2/3, 1992 – 1993, Presses de l’Université de Montréal, 1993.)
Rassembleuse et innovante, la créolistique dont nous faisons le plaidoyer poursuit son élaboration entre autres dans le cadre de deux revues universitaires récentes, « Kréolistika » et « Rechèch etid kreyòl ». Mis en chantier en 2021 par le CRILLASH (Centre de recherches interculturelles en lettres, langues, arts et sciences humaines, Université des Antilles, Pôle Martinique), la revue « Kréolistika » paraît aux Éditions Scitep, en France (voir l’article de Raphaël Confiant : « Revue « kreolistika » : un nouveau départ pour la créolistique à l’Université des Antilles », Montray kreyòl, 6 mai 2021). Le deuxième numéro de cette revue a été coordonné par le linguiste haïtien Renauld Govain et il a pour thème « Rationalités et imaginaires créoles / Pratique, expression et usage » (voir la présentation que nous en avons faite dans Le National du 3 mai 2023, « Rationalités et imaginaires créoles sous la loupe de la revue Kréolistika ». Pour sa part, la revue « Rechèch etid kreyòl », dirigée par le linguiste Renauld Govain et dont le premier numéro est consacré à la graphie du créole, est parue en octobre 2022 et elle est l’une des deux plus jeunes revues de la créolistique. Elle s’élabore dans un cadre institutionnel, le « Laboratwa lang, sosyete, edikasyon (LangSE) » de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti et elle est éditée par JEBCA Edisyon ; nous en avons fait une présentation dans Le National du 3 mai 2023, « Rationalités et imaginaires créoles sous la loupe de la revue Kréolistika ». Dotée d’un comité scientifique, cette revue universitaire a introduit une innovation majeure dans le champ de la créolistique : elle est publiée en créole haïtien. Cette politique éditoriale –qui marque un tournant de premier plan dans l’élaboration en créole d’articles scientifiques traitant du créole–, est formulée comme suit : « Rechèch etid kreyòl » ap pèmèt rechèch ki te fèt oubyen ki ap fèt sou lang kreyòl kapab pibliye an kreyòl. Epitou, moun ki enterese nan lanng kreyòl kapab jwenn bon jan zouti akademik pou apwofondi konesans yo nan lanng kreyòl la menm ». L’orientation éditoriale de la revue « Rechèch etid kreyòl » répond certainement à la nécessité de produire en créole une réflexion académique multifacettes sur la langue créole elle-même là où la créolistique jusqu’à présent avait élaboré sa production scientifique principalement en français et en anglais. Une telle orientation éditoriale comporte en amont des exigences et de grands défis : (1) il faut outiller en créole un discours savant sur le créole –étape de la didactisation de ce discours–; (2) sur le plan lexical et terminologique il faut dénommer en créole les notions et les concepts produits dans une autre langue –étape de la constitution d’un vocabulaire créole dédié où l’on peut au besoin recourir aux emprunts et/ou à la création de néologismes créoles. Les exigences et les grands défis d’une telle orientation éditoriale sont d’autant plus élevés que la lexicographie haïtienne n’a pas encore élaboré un dictionnaire unilingue créole conforme aux normes de la lexicographie professionnelle ni produit des vocabulaires sectoriels scientifiques et techniques en créole. Il faut prendre toute la mesure que cette orientation éditoriale majeure de la revue « Rechèch etid kreyòl » aura sur le moyen et le long terme des effets dans les domaines clés de la traduction créole, de la didactique créole et de l’élaboration de manuels scolaires de qualité en créole. Sur le plan cognitif –celui du processus de l’apprentissage et de la diffusion des connaissances et qui comprend aussi le développement du langage–, la revue « Rechèch etid kreyòl » sera d’un apport de premier plan : elle contribuera à l’émergence et à la consolidation, chez les enseignants-chercheurs, d’une démarche analytique qui se pense et s’exprime en premier lieu en créole. Elle contribuera ainsi au développement des habilités cognitives en créole, et cela aura des effets sur le long terme sur l’ensemble des processus d’apprentissage scolaire en langue maternelle créole.
Il y a lieu de saluer, sur le registre d’une créolistique rassembleuse et innovante, le maillage institutionnel qui conjoint les compétences des linguistes créolistes haïtiens, martiniquais et guadeloupéens, en lien avec les linguistes créolistes d’Europe et des aires américaine, indiaocéanique et pacifique, dans le droit fil de l’œuvre pionnière des éclaireurs regroupés dès les années 1978 dans les revues « Études créoles », « Espace créole », « Mofwaz » et « Textes-Études-Documents (TED) ».
Montréal, le 4 mai 2023
Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue—