— Par Pierre-Alex Marie-Anne —
A l’heure où la CTM se met en place, avec ses pêchés originels : mode d’élection et organisation du pouvoir peu démocratiques, moyens d’action d’autant plus limités que grevés par le poids de la dette cumulée des deux assemblées précédentes, il n’est pas inutile de s’interroger sur la pertinence de l’orientation suivie jusqu’alors en matière de Développement .
En gros , la priorité à été donnée à l’aire géographique couverte par la CACEM, autrement dit la conurbation centrale FdF ,Lamentin, Schoelcher, Saint-Joseph où tout se trouve hyper-concentré.
On en voit les conséquences ,en particulier dans le domaine du transport dont les flux en provenance du reste du territoire sont menacés d’asphyxie et risquent fort de le rester en dépit des investissements considérables actuels où futurs inhérents au TCSP ; si bien que certains, particulièrement inspirés , par la découverte dans leur songes de l’endroit où est enterrée la fameuse jarre d’or remplie à milliards de nos contes et légendes créoles ,rêvent d’ un gigantesque pont , à défaut d’un viaduc , enjambant -excusez du peu ! -une des plus belles baies au monde.
Et si on se posait la vraie question ? n’est-il pas temps , à l’aube de ce changement institutionnel majeur , de renverser les priorités. En clair , cesser d’engraisser le mammouth foyalais à coup de perfusions financières de la Région et concentrer les efforts sur le SUD et le NORD pour les revivifier et rééquilibrer le développement de l’île ,seule moyen efficace d’éviter la congestion progressive de l’agglomération centrale.
Il ne s’agit nullement de pénaliser la‟ ville capitale ″et les communes avoisinantes car celles-ci disposent toutes ensemble de magnifiques atouts qu’il convient d’exploiter au mieux. Qu’on en juge :
Une position stratégique au cœur de l’arc antillais et du bassin caraïbe , un port en eau profonde ,en phase avec les évolutions du trafic maritime attendues de l’ouverture du nouveau jeu d’écluses du canal de Panama et situé à faible distance d’un aéroport international lui-même en plein développement , une façade maritime remarquable, idéales pour toutes les activités nautiques prolongeant un Centre historique richement doté en équipements et structures patrimoniales : Cité administrative et judiciaire complète , Structures hospitalières de pointe, Siège sociaux de référence des entreprises ,associations et syndicats ,principales zones industrielles et artisanales reliées par autoroute et bientôt le TCSP , offre commerciale complète et diversifiée bénéficiant d’une zone de chalandise à fort pouvoir d’achat , Une jeunesse entreprenante formée par un appareil éducatif et de Formation professionnelle de niveau européen conforté par une Université des Antilles ouverte à tous les partenariats et joint venture caribéen avec son environnement, potentialités culturelles , artistiques et sportives d’une grande richesse appelées à être encore boostées par les technologies de l’information et de la communication et les grands équipements de création et diffusion mis en place, possibilités de rénovation urbaine induites par les infrastructures routières majeures de la Rocade et du TCSP ( Bishop sera-t-elle, dans la continuité du Bvd Gal de Gaulle , avec au milieu la Place F.Mitterrand élargie à l’îlot F-A en guise de Place de la Concorde , les Champs-Elysées de demain ?)…
On voit donc que le Centre ne manque pas d’atouts pour son développement qui dépend en réalité principalement du dynamisme et de l’esprit d’initiative et de créativité dont sauront faire preuve ses édiles pour accroître son attractivité et sa richesse.
Par contre les régions Sud et Nord souffrent d’être les laissés- pour- compte des politiques de développement ce qui entraîne de graves dysfonctionnement de la société martiniquaise . A l’évidence ,on ne pourra pas y remédier sans une puissante action volontariste de rééquilibrage à leur profit des dites politiques .
Il apparaît nécessaire de massifier les investissements publics et privés sur ces deux zones géographiques, pour sinon inverser du moins stabiliser les migrations circulatoires quotidiennes .
Cette orientation se justifie d’autant plus que ce sont ces zones qui détiennent l’essentiel des ressources qui compteront dans l’avenir :
L’eau, le soleil et les plages, clés du développement urbain ,du Tourisme et des énergies renouvelables, la mer domaine privilégié du nautisme et de toute une ‟économie bleue‟ basée notamment sur la recherche appliquée , l’aquaculture et l’exploitation du sous-sol marin , la nature et les paysages, sanctuaire de la biodiversité et principal pourvoyeur de l’industrie agro-alimentaire comme de la diversification agricole ,un climat exceptionnel qui attend d’être valorisé dans le domaine de la santé et du bien-être et pour couronner le tout les promesses du numérique qui abolit les distances et révolutionne les conditions de la création , dans de multiples domaines.
Mais pour cela ,il faut changer l’optique de nos décideurs trop exclusivement focalisée sur leurs seuls intérêts municipaux . le meilleur exemple en est fourni par le Centre Caribéen de la mer au Robert, seul équipement majeur du Contrat de Plan qui vient de s’achever cette année à ne pas avoir vu le jour malgré ses nombreux avantages : attraction majeure pour les visiteurs touristiques comme pour la population ,rôle éducatif essentiel notamment pour les scolaires sur le milieu marin, de plus il offrait l’opportunité rare d’un couplage avec l’IFREMER , acteur essentiel de la connaissance de cet univers primordial , (à l’heure où le problème des sargasses devient préoccupant ), permettant du même coup d’entrevoir une piste sérieuse et combien prometteuse de décentralisation universitaire . Un zéro pointé pour ceux qui sont à l’origine de ce fiasco, incapables de mener à bien ne serait-ce qu’un dixième des réalisations marquantes de l’île-sœur.
Un autre exemple de l’aberration actuelle ,la carte hospitalière ; certes le déficit criant des régimes de Sécurité Sociale impose la recherche d’ économies de fonctionnement mais cela doit-il aboutir à accentuer les déséquilibres régionaux actuels et à pénaliser les malades obligés d’ entreprendre des déplacements longs et coûteux pour la moindre intervention chirurgicale ? une correction de trajectoire s’impose d’urgence.
On ne peut que déplorer la relative indifférence des responsables politiques locaux devant ce qu’il faut bien qualifier de dérive bureaucratique.
Il est donc fondamental de changer de politique de développement et de s’orienter résolument vers l’affirmation de pôles majeurs d’activités aussi bien dans le Sud que dans le Nord .
Les points d’appui principaux pourraient en être : le nautisme ,le Tourisme intégrant un Centre de congrès et les équipements de loisir afférents , une piste pour l’aviation légère ,l’exploitation du sous-sol marin, et des énergies renouvelables ,en particulier le solaire, d’un côté et la transformation agricole ,le Tourisme vert de découverte ( circuit des habitations et des distilleries) et de randonnées, l’exploitation des possibilités offertes par la biodiversité , grâce à l’action du Pôle Alimentaire Régional créé à l’initiative du conseiller régional Laventure, l’énergie thermique des mers, le développement portuaire et universitaire et la mise en valeur patrimoniale, en particulier autour de l’histoire de Saint-Pierre , dotée par ailleurs d’un quai pour la croisière , de l’autre .
Bien évidemment cela n’exclut en rien la promotion de toutes les activités transversales : une place de choix doit être réservée au numérique , à développer tous azimuts pour réduire la fracture sociale et territoriale, aux manifestations sportives et culturelles d’envergure , prenant appui sur les TIC, qui doivent constituer un véritable produit d’appel pour le secteur touristique, le recyclage et la valorisation des déchets , sans oublier bien sûr la formation professionnelle qui est la condition première de tout Développement. Mais l’essentiel est ailleurs, il est de se convaincre de l’impérieuse nécessité, pour mettre fin aux dysfonctionnements de notre société, de rattraper le retard de développement que connaissent actuellement les habitants des trois-quarts du territoire martiniquais.