— Par Babette de Rozières —
C’est donc fini ! France Ô a cessé d’émettre. La chaîne française dédiée à nos Outre-mer aura cessé d’exister. Le lien audiovisuel entre la métropole et ses territoires éloignés est rompu.
Le symbole de l’exclusion de France Ô est d’une violence inouïe.
France Ô, c’était historiquement la chaîne du lien entre la métropole et les Outre-mer, comme France 3 est la chaîne des régions de la métropole. France Ô c’était la chaîne qui permet aux Ultramarins d’exister ici en métropole, qui permet à France Télévisions de relayer la diversité de nos cultures. France Ô c’était aussi la chaîne de la continuité territoriale qui nous rappelle que nous faisons tous partie du même pays, la France, même éloignés par des milliers de kilomètres.
Mais il faut dire les choses : France Ô supprimé, c’est que son ADN a été usurpé par des parachutés qui méconnaissaient la culture ultramarine, la diversité des sensibilités qui la composait et dont les motivations étaient partisanes et suspectes de favoritisme. La « douceur sous les tropiques » était l’ambiance entretenue à dessein par l’équipe rédactionnelle dirigeante en place au détriment de sa mission première qui était d’informer d’éduquer et de divertir
Réinventer France Ô plutôt que de la jeter
À France Ô la censure régnait en maître, c’était le règne de la désinformation comme j’ai pu le constater sur certains sujets qui m’ont été révélés encore récemment.
Depuis plusieurs années, je me suis battue pour que cela n’arrive pas. Rendez-vous, auditions, tribunes, interviews et courriers … J’y ai mis beaucoup d’énergie. Je reste convaincue qu’il fallait transformer France Ô et non l’éliminer. Il fallait en corriger les défauts de gestion, de vision, de choix éditoriaux. On a préféré jeter le bébé avec l’eau du bain. Je suis très triste de cette décision. Dictée par la facilité, qui ne permet que des économies microscopiques, qui prive France Télévisions d’un canal de diffusion, et qui envoie un terrible « symbole d’exclusion » à nos compatriotes ultramarins. Maintenant que le mal est fait, il y a deux façons de réagir.
Baisser les bras. Pleurnicher dans notre coin, pointer le non-respect d’un engagement présidentiel, se plaindre du mépris affiché une fois encore par les élites françaises à l’endroit d’une partie de leurs concitoyens. J’ai choisi une autre voie : se battre encore et toujours pour que les ultramarins aient une visibilité forte et entière sur les chaînes nationales du groupe France Télévisions. Il est hors de question de noyer les Outre-mer dans les sujets nationaux.
Ce qui fait la richesse des Outremer ce sont nos particularismes identitaires et nous devons veiller à l’avenir avec un droit d’accès direct sur la grille des programmes pour que l’ensemble des territoires ultramarins soit représenté à l’antenne. Avec un large comité de soutien représentatif de l’ensemble des secteurs d’activités des Outremer, je proposerai à la ministre de la Culture d’établir une charte et de créer au sein de la direction de France Télévisions un observatoire muni de pouvoirs d’intervention sur les programmes pour respecter notre diversité.
Refléter toutes les réalités
On ne peut en effet gommer d’un trait de plume les Outre-mer de l’audiovisuel français. Parce que France Télévisions doit être la télévision de tous les Français, France Télévisions ne doit pas parler uniquement de Paris, ni même de l’Hexagone, mais des territoires qu’ils soient ou non situés sur le continent européen. Elle doit refléter toutes les réalités et tous les visages de la France, s’adresser à tous les enfants du pays.
Parce que les Outre-mer sont une chance pour la France, France Télévisions doit valoriser leur contribution et non les présenter systématiquement comme une charge ou un nid à problèmes. Actualité mais aussi histoire, patrimoine, tourisme, musique, cuisine, économie… Les occasions ne manquent pas pour parler de nos compatriotes qui nous permettent de faire rayonner la France dans le monde entier et qui en retour enrichissent notre culture !
C’est pourquoi j’insiste pour demander la création d’un « observatoire des Outre-mer dans l’audiovisuel public français » qui aura comme mission d’évaluer la situation à France Télévisions. En lien avec les équipes dirigeantes et opérationnelles, il analyserait la situation et formulerait des recommandations pour une visibilité plus forte dans trois domaines : les ressources humaines ; les visages à l’antenne (présentateurs, animateurs, acteurs), les contenus éditoriaux, d’un point de vue quantitatif (sur le linéaire et sur Internet) mais aussi qualitatif (informations, documentaires, magazines, fictions, jeux…). Restons vigilants ne lâchons rien !
Babette de Rozières