— Par Francis Carole, pour le Palima —
En 2009, dans une déclaration intitulée « Appel du 22 mai », le Palima tirait les conclusions de la longue mobilisation populaire de février-mars de cette année-là et posait l’urgence de la « Refondation » de la société martiniquaise :
« La grande leçon politique qui s’impose désormais est que le statut départemental a implosé et que la société martiniquaise exige plus de responsabilité et un meilleur partage des richesses. »
Nous ajoutions :
« Le mouvement de février-mars a mis en évidence de nombreux défis fondamentaux qui ne sauraient être relevés par la seule mobilisation syndicale ou dans le cadre du statut actuel qui, par nature et par vocation, est destiné à générer domination et injustices. Se pose donc l’urgence de la refondation de la société martiniquaise… » (Appel du Palima du 22 mai 2009, Palima).
11 ans après, la crise encore fumante de novembre-décembre 2021 conduit aux mêmes constats d’évidence et aux mêmes conclusions.
Ne feignons pas, en effet, de découvrir seulement aujourd’hui les inégalités sociales, une justice à deux vitesses, l’apartheid qui frappe notre jeunesse dans le domaine de l’emploi, la marginalisation délibérée d’une partie de plus en plus importante de notre peuple, condamnée à la misère quotidienne ou aux départs massifs, une économie de prédation, le paternalisme d’un pouvoir politique colonial aussi incapable qu’imbu de lui-même.
Des conditions de décomposition sociale
L’univers colonial en Martinique, parce qu’il exerce de fait une violence systémique multiforme sur les individus, parce qu’il met en échec la société martiniquaise et structure le blocus de toute ambition et espérance collectives légitimes, crée les conditions à la fois de la décomposition sociale, de la désespérance et de la révolte.
Nous considérons, pour notre part, que c’est l’émancipation nationale et sociale du peuple martiniquais qui nous permettra de résoudre durablement et en profondeur les défis auxquels notre nation est confrontée.
L’enjeu n’est donc pas uniquement une question de statut. C’est aussi et fondamentalement une exigence de projet de société, de vision de notre futur, de développement de notre pays dans l’espace monde. Sauf à vouloir rejouer jusqu’à total épuisement le sempiternel cycle des crises, il est urgent de rompre radicalement et définitivement avec les processus et les logiques archaïques en cours.
Certes, le gouvernement français doit donner des réponses claires aux revendications de l’intersyndi-cale actuellement en discussions. Pour autant, notre conviction demeure que les seuls échanges avec l’Etat, dans quelques commissions thématiques limitées, sans transversalité, sans vision politique globale et sans prise en compte des enjeux essentiels d’un nouveau projet de société global, n’aboutiront, à terme, comme en 2009, qu’à une nouvelle impasse.
Ainsi, dans la période historique actuelle, tout en poursuivant ses objectifs politiques fondamentaux, le Palima appelle à la tenue d’un « Congrès martiniquais de refondation » qui se fixera pour ambition la refonte de la société martiniquaise, en définissant les grandes politiques stratégiques à mettre en œuvre dans les domaines sociétal, politique, éducatif, culturel, sanitaire, économique, foncier etc.
Nous devons nous-mêmes, Martiniquais.e.s et citoyen.ne.s de Martinique, construire un projet global pour notre futur. Nous ne pouvons plus continuer à n’être que les spectateurs désabusés ou simplement révoltés de notre propre histoire.
Une démarche en 4 étapes
Nous proposons que cette démarche se déroule en quatre étapes :
1 – la tenue d’une première séquence du congrès, au plus tard début janvier, qui aura pour objectif la validation de la démarche de refondation et la définition de ses modalités d’élaboration (thématiques, organisation, délais de travail…) ; 2 – une phase de débat populaire avec l’ensemble des forces vives de la Martinique – à travers des commissions, des forums, des enquêtes, des plateformes numériques- qui se poursuivra après le congrès, en janvier, février, mars ; 3 – la tenue, début avril, d’une seconde séquence du congrès, sur la base du large débat populaire, dont la finalité sera d’élaborer et d’adopter un document-cadre permettant la refondation de la Martinique, comportant notre projet de société et le cadre institutionnel que nous souhaitons ; 4 – une phase de négociation avec le nouveau pouvoir français issu de l’élection présidentielle.
Dans sa déclaration du 9 août 2021, le Palima exigeait déjà la tenue d’un congrès des élu.e.s martiniquais.es, seule instance en capacité d’apporter les réponses politiques à la hauteur des exigences posées.
Seul.e.s les élu.e.s de la Collectivité Territoriale de Martinique -en ne cessant jamais de s’appuyer sur le mouvement populaire et de le considérer comme un acteur majeur et autonome des changements qui s’imposent -peuvent, dès la prochaine plénière, prendre cette initiative qui donnera à la Martinique une perspective politique durable de reconstruction et un début d’espoir pour notre futur commun.
La refondation ne peut plus attendre. Elle convoque l’engagement de toutes celles et ceux qui veulent répondre aux défis de notre société et mettre la Martinique sur la voie de la responsabilité et du développement.