— Collectif —
La révolution numérique en cours se traduit par le remplacement de nombreux emplois par des « robots » sous diverses formes.
Dans l’industrie, le processus est à l’œuvre depuis des années (le premier robot dans l’automobile date de 1961) mais toutes les branches d’activité sont maintenant concernées. Les supermarchés remplacent les caissier.es par des automates, ce qui leur permet au passage de contourner la réglementation sur l’ouverture du dimanche ; Les banques remplacent les analystes financiers et les traders par des algorithmes et l’intelligence artificielle ; Les guichetiers dans les gares sont remplacés par des bornes ; Les releveurs de compteurs ne sont plus nécessaires là où linky et gaspar envoient directement les données aux gestionnaires ; Sans parler des plates-formes et de l’e-commerce qui métamorphosent nos modes d’achat au détriment de la proximité.
La liste est infinie des suppressions d’emploi, en cours ou à venir, liées à cette révolution numérique. Selon l’OCDE, 9% des emplois en France présentent un « risque élevé de substitution » par des robots. Cela représente 2,4 millions d’emplois. Au total, près de 30% des emplois devront, au minimum, évoluer sérieusement dans les années qui viennent. Déjà dix banques en Europe ont annoncé depuis le début de l’année la suppression de 44.000 postes.
Ce faisant l’impact écologique de la révolution numérique lié à l’explosion de la consommation d’énergie sera bientôt à classer au rayon des dégâts du progrès au même titre que d’autres technologies avant elle, comme le nucléaire.
Face à cette nouvelle révolution du monde du travail, il n’est pas pensable de rester sur de vieux schémas, ceux que le gouvernement et sa réforme aux motivations purement idéologiques veut imposer vers l’individualisation, le chacun pour soi et la capitalisation.
Une taxe robot
Si l’ensemble du financement de la protection sociale ne peut reposer de façon quasi-exclusive sur les seules cotisations liées aux salaires, il faut changer radicalement de conception et ne pas hésiter à bousculer les conservatismes. Déjà près de 40% du financement sont assurés aujourd’hui par l’impôt.
Créer une taxe « robot » comme l’a proposé Benoit Hamon lors de la campagne présidentielle, permettrait d’anticiper les conséquences de la révolution numérique et son impact sur l’emploi salarié. C’est poursuivre le combat pour un rééquilibrage entre le capital et le travail et refuser que la robotisation généralisée ne se traduise par une baisse de la protection sociale des humains. C’est voir plus loin.
La révolution numérique détruit de nombreux emplois, elle diminue la part de cotisation sociale et permet une augmentation sensible de la valeur ajoutée des entreprises. Or celle-ci est taxée à un niveau dérisoire (en moyenne un peu plus de 1%) dont les recettes sont pour l’essentiel fléchées vers les collectivités locales. Le simple doublement du taux actuel accompagné de la suppression des plafonnements permettrait de dégager près de 30 milliards supplémentaires qui pourraient venir abonder le financement de la protection sociale. Cette taxe « robot » permettrait de rétablir l’équilibre entre valeur ajoutée et contributions sociales.
Le CICE versé aux entreprises à hauteur de 20 milliards par an et qui ne produit aucun effet réel et substantiel sur l’emploi, serait plus utile pour la protection sociale Twitter
D’autres financements pourraient évoluer parallèlement, le CICE versé aux entreprises à hauteur de 20 milliards par an et qui ne produit aucun effet réel et substantiel sur l’emploi, serait plus utile pour la protection sociale. Enfin que dire de la fraude fiscale évaluée par la Cour des comptes entre 25 et 100 milliards par an pour la France ?
Contrairement à ce qui est martelé, la France n’a pas de problème de financement de la protection sociale et des retraites comme en attestent plusieurs études, dont celle du COR. Il n’y a pas d’urgence, c’est une question de choix de société : soit on privilégie les premiers de cordée si chouchoutés par le président de la République et on creuse encore les inégalités, soit on considère que l’ensemble de la population et les générations doivent être solidaires, que la réduction du temps de travail s’inscrit dans le sens de l’histoire car elle a permis l’allongement de l’espérance de vie, que la fonction publique est un atout majeur pour la France, que le rapport au travail évolue et la notion de « carrière » aussi, enfin qu’il est de notre responsabilité de prévoir pour les jeunes d’aujourd’hui un cadre de vie équitable et durable.
Emmanuel Macron, en bon libéral, a choisi une autre voie : il veut revenir sur les avancées du Conseil National de la Résistance qui a considéré que l’universalité devait être au cœur des politiques publiques ; il veut aller vers un système de capitalisation et d’assurance individuelle. Ce faisant il reprend les arguments du MEDEF qui plaide depuis des années en ce sens.
Le débat autour de la réforme des retraites oppose deux projets de société, un libéral, productiviste et conservateur, l’autre, porté par Génération.s, en phase avec le monde qui vient, soucieux d’organiser la transition numérique et écologique, exige plus d’équité et de justice sociale, et poursuit sa démarche visionnaire.
Signataires :
Claire Monod et Guillaume Balas, Coordination nationale de Génération.s ; Sophie Taillé Poliant, sénatrice, Régis Juanico, député ; Yves Contassot et Marie Luchi, responsables de l’espace Idées du Collectif National.
Source : Alternatives Economiques