Pétition : des milliers de personnes demandent à l’ONU de protéger le docteur Denis Mukwege, menacé de mort
Menacé de mort parce qu’il demande une enquête internationale sur les viols et mutilations de guerre commis par les milices dans son pays, le docteur Denis Mukwege est retranché dans l’hôpital de Panzi, où il exerce et répare les femmes violées et mutilées par les milices de la région. Son amie, la psychiatre française Muriel Salmona, a lancé une pétition qui a déjà recueilli plus de 35 000 signatures pour demander à l’ONU de déployer une brigade armée pour le protéger, ainsi que ses collègues hospitaliers et ses patientes.
Des milices armées évoluant au Sud-Kivu, région à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), veulent faire taire le gynécologue, prix Nobel de la paix 2018, qui dénonce leurs exactions et réclame qu’elles soient jugées par un tribunal pénal international. Depuis vingt-cinq ans, la région est en proie à des conflits autour de revendications territoriales et des minerais (or et coltan, utilisé dans la fabrication des smartphones) qui s’y trouvent en masse.
Dénonciation des milices
« Denis Mukwege est, pour ces milices, l’empêcheur de tourner en rond, parce qu’il dénonce haut et fort, comme lors de son discours au Nobel, par exemple, ces guerres de milices qui sèment la mort, et leur impunité », pointe Muriel Salmona. Amie et collègue de ce gynécologue qui répare les femmes violées et génitalement mutilées par les milices (ils travaillent ensemble à faire reconnaître les psychotraumas comme preuve médico-légale dans le cadre d’un viol), la psychiatre a plaidé dès cet été auprès de l’ONU pour demander à ce que Mukwege bénéficie à nouveau d’une protection internationale.
Réclamer le retour de la brigade Monusco
Car le constat est sans appel : il a suffi que la brigade de l’ONU, qui le protégeait depuis 2012, déserte en mars 2020, « pour d’obscures raisons liées au Covid », détaille Muriel Salmona, pour que le docteur soit à nouveau sous le feu des menaces de représailles. « Depuis 2012, l’hôpital de Panzi, le docteur et sa famille, bénéficiaient d’une protection de la brigade Monusco [Mission de l’ONU en République démocratique du Congo, ndlr] », rappelle Muriel Salmona. Elle avait été déployée après la tentative d’assassinat que Denis avait subie de la part de quatre hommes qui avaient séquestré chez eux deux de ses filles. Cela s’est soldé par la mort du gardien de la maison, un proche de la famille qui a prévenu le docteur Mukwege, alors qu’il arrivait en voiture chez lui, et s’est fait mitrailler à sa place. Le traumatisme avait été si conséquent pour le docteur que sa femme et lui étaient partis se réfugier en Belgique, avant de revenir à Panzi « à la demande des survivantes secourues par Denis, qui l’avaient prié de continuer son travail sur place », précise Muriel Salmona.
Mais les courriers envoyés n’ont rien donné. Pour l’heure, la présidence de la République démocratique du Congo et l’ONU bottent en touche sur le retour de la Monusco à Panzi. « Ils ne nous proposent que l’envoi d’une force de police dont Denis ne veut surtout pas », souffle la psychiatre. « C’est précisément dans cette police que se sont recyclés beaucoup d’anciens des milices et ce serait une catastrophe que les patientes soient confrontées à leurs bourreaux. » Le temps diplomatique de l’ONU n’est pas celui du docteur Mukwege, retranché dans son hôpital, et c’est ce qui a poussé son amie à user de l’arme pétitionnaire pour faire bouger les lignes.
Face à l’instance internationale qui donne l’impression d’abandonner le prix Nobel de la paix, plus de 35 000 personnes ont déjà signé la protestation en ligne.
Source : Le site Causette Anna Cuxac , le 8 septembre
Amnesty International aussi s’alarme
C’est un message clair et sans équivoque que l’ONG de défense des droits de l’homme a adressé aux Nations unies pour des « mesures urgentes et concrètes » de protection.
Les Nations unies ne pourront pas dire qu’elles ne savaient pas en cas de malheur. Depuis un certain temps, le Prix Nobel de la paix congolais Denis Mukwege affirme être la cible de menaces contre lui et sa famille. Le Dr Mukwege a fait état de menaces fin juillet, quelques jours après avoir dénoncé un nouveau massacre de civils dans sa province du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Le célèbre gynécologue, surnommé « l’homme qui répare les femmes », est colauréat du prix Nobel de la paix 2018 pour les soins qu’il apporte, dans sa clinique de Panzi près de Bukavu, à des milliers de femmes victimes de violences sexuelles. Il dénonce sans relâche l’impunité des auteurs de tueries et de violences sexuelles dans l’est de la RDC, déstabilisé par des conflits depuis vingt-cinq ans.
Dans Télérama : une nouvelle menace
Rescapé d’un attentat en 2012, on aurait pu croire que cet homme admiré, reçu et applaudi par tous, de l’ONU à l’Élysée, de la Maison-Blanche au Parlement européen, pouvait grâce à cette prestigieuse distinction poursuivre son action sans entraves et en toute sécurité. Il n’en est rien. Régulièrement menacé de mort depuis 1996, rescapé d’un attentat en 2012, il fait à nouveau l’objet d’appels au meurtre, tout comme sa famille et le personnel de l’hôpital.
Son tort ? Avoir récemment dénoncé dans un tweet un nouveau massacre commis en toute impunité dans le Sud-Kivu. Mais, surtout, réclamer sans relâche que le rapport Mapping réalisé par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, qui consigne scrupuleusement les crimes de guerre et les violations des droits humains perpétrés en RDC de 1993 à 2003, cesse de moisir au fond d’un tiroir à l’ONU. Et serve de support à la création d’un Tribunal pénal international, destiné à juger les responsables des atrocités qui endeuillent depuis trop longtemps la région des Grands Lacs.
Muriel Salmona
Elle est la fondatrice en 2009 et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, organisme d’information et de formation pour les intervenants prenant en charge les victimes de violences, en particulier de violences sexuelles, mais aussi de violences conjugales, de violences faites aux enfants, et de violences liées au terrorisme.
Denis Mukwege
Nobel de la paix : un parcours d’exception : Plusieurs distinctions ont marqué la vie du Dr Mukwege, mais le Nobel de la paix est certainement son Graal. Surnommé « Dr Miracle », il a quitté la France et une carrière prometteuse pour son pays, la RD Congo, où il a choisi de rester aux heures les plus sombres.
En 1999, Denis Mukwege a créé l’hôpital de Panzi, à Bukavu. Conçu pour permettre aux femmes d’accoucher dans des conditions sanitaires correctes, le centre s’est transformé en clinique spécialisée dans la gynécologie réparatrice pour femmes violées, à mesure que la région du Kivu sombrait dans l’horreur de la deuxième guerre du Congo (1998-2003). Cette « guerre sur le corps des femmes », comme l’appelle le médecin pour dénoncer le viol en tant qu’arme, continue encore aujourd’hui et s’étend aux enfants, voire aux nourrissons. « L’homme qui réparait les femmes » l’a rappelé lors de son discours.
Denis Mukwege a commencé son allocution en racontant l’attaque menée par des rebelles, le 6 octobre 1996, dans son hôpital de Lemera, où trente personnes ont été abattues dans leur lit à bout portant, et le personnel tué de sang-froid. « Ce n’était qu’un début », explique le médecin en balayant la salle du regard. En 1999, à l’hôpital de Panzi à Bukavu, sa première patiente avait reçu un coup de feu dans les organes génitaux. La seconde était une fillette, violée à l’âge de 18 mois.
« C’est notre réalité aujourd’hui en RDC », affirme-t-il devant l’assemblée.
Relire ici cinq passages clés de son discours, dont voici les titres. Ce discours, il l’a dédié à toutes les victimes de violences sexuelles dans le monde.
« La violence macabre ne connaît aucune limite »
« Mon pays est pillé par des gens qui prétendent être nos dirigeants »
« Je fais partie d’un des pays les plus riches de la planète et pourtant le peuple de mon pays fait partie des plus pauvres du monde »
« Il n’y a pas de paix durable sans justice »
« Si des gens comme Sarah n’abandonnent pas, qui sommes-nous pour le faire ? »
Fort-de-France, le 8 septembre 2020