La population active en France a connu des bouleversements considérables particulièrement depuis les années 60.
A noter en premier une formidable extension du salariat. Malgré la croissance de la population active le nombre des indépendants diminue même en valeur absolue.
Les non-salariés représentaient en 1946 le tiers de la population active, aujourd’hui ils ne représentent que 11%. Le recul a principalement touché les agriculteurs exploitants (4,5 millions en 1936 et dix fois moins en 2015 soit 1,8% de la population active) mais pas uniquement puisque le nombre de petits commerçants et artisans a diminué d’environ un tiers. Seules les professions libérales sont en croissance. Amusant de noter que les petits patrons à qui l’on répétait qu’ils seraient expropriés par « les rouges » l’ont été par le capitalisme.
Mais l’évolution ne s’est pas limitée au recul de petits producteurs et commerçants.
Après la crise de 1974-75 la classe ouvrière était attaquée. Des plans de « restructurations » se succédaient : sidérurgie, naval, textile… L’appareil productif était sur la sellette. Le capitalisme français commençait sa mue industrielle ou plus exactement entamait la désindustrialisation de la France. Toutes les industries ne dégageant pas un taux de profit suffisant c’est-à-dire étant ou pouvant être trop concurrencé notamment par des pays de l’ex Tiers Monde devaient être redimensionnées(1). Puis les gains de productivité notamment par l’automation, les robots, ont accéléré la baisse du nombre d’ouvriers : 38,7% de la population active en 1968, 32,6% en 1982 et 20,4% en 2015. La réduction des effectifs a porté essentiellement sur les ouvriers non qualifiés. Ce sont particulièrement les grandes concentrations industrielles qui ont été démantelées.
Le contre coup a été encore plus brutal pour le secteur industriel qui regroupait 29,8% des emplois en 1962 et 13,9% en 2015. Cette chute bien plus brutale que celle des effectifs ouvriers découle de la politique de sous-traitance, externalisations, cessions d’activité et repli sur le « cœur de métier » dans tous les secteurs d’activité. Toujours évidemment avec dégradation des situations des salariés : conditions de travail, rémunérations, précarisation et chômage de masse.
L’affaiblissement de la classe ouvrière n’est pas qu’en nombre, il tient peut-être davantage encore à une dispersion plus grande dans des établissements plus petits y compris dans le secteur des services.
Après les années 80 le développement des marchés financiers a imprimé plus fortement sa marque sur les entreprises industrielles. Vint du Japon le « juste à temps » pour limiter les stocks et les besoins en fonds de roulement. Puis surtout s’est développé la « théorie du cœur de métier ». Les entreprises, particulièrement industrielles devaient céder le plus possible d’activités pour se replier sur ce qu’elles savaient faire le mieux. Toutes une série d’activités étaient alors cédées ou constituées en compagnies indépendantes : nettoyage, entretien, gardiennage et étaient sous traitées à des entreprises informatiques le maintien du parc informatique et autres services. Puis la sous-traitance développée à outrance transformant progressivement certaines entreprises, comme dans l’automobile, le matériel d’imagerie médicale mais pas uniquement, en concepteur puis assembleur….
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