Les Rendez-vous de l’histoire est une manifestation créée en 1998 à l’initiative de Jack Lang, alors député-maire de Blois, dans le but de rassembler les professionnels et un large public passionné par la connaissance historique.
Cette grande fête de l’histoire se déroule chaque année à Blois au cours d’un long week-end du mois d’octobre. Historiens, chercheurs, universitaires, enseignants du secondaire et amateurs d’histoire se donnent alors rendez-vous pour débattre autour d’un thème, pour réfléchir aux enjeux de la place et de la transmission de l’histoire. Des historiens mais aussi des sociologues, des hommes politiques, des cinéastes, des philosophes, et plus généralement tous les acteurs de la vie de la cité, interviennent au cours des nombreuses tables rondes et conférences proposées tout au long du festival, cherchant à mettre à la portée de tous les connaissances historiques les plus récentes, dans une authentique démarche démocratique, afin de répondre au besoin permanent d’éclairer le présent à la lumière du passé.
Les Rendez-vous de l’histoire proposent aux festivaliers de nombreux débats et conférences, mais également le plus grand Salon européen du livre d’histoire, des rencontres pédagogiques, une programmation cinéma, des Cafés historiques, des spectacles, etc. Pendant quatre jours c’est toute la ville qui vit à l’heure de l’histoire. (Wikipêdia)
« Les Rendez-vous de l’histoire » sont l’objet d’une polémique bien restituée dans les colonnes de Libération :
Pourquoi nous appelons à boycotter les Rendez-vous de l’histoire de Blois
Qui a le droit de parler ?
Marcel Gauchet parlera à Blois
«Rendez-vous de l’histoire»: qui a le droit de se taire ?
— Par Jean ZAGANIARIS Sociologue, enseignant-chercheur,
TRIBUNE
L’appel d’Edouard Louis et de Geoffroy de Lagasnerie à boycotter la prochaine édition de la manifestation qui se tiendra à Blois, montre une désacralisation radicale du champ universitaire.
Si nous pouvons souscrire aux propos d’Olivier Steiner parus dans le Libération 7 août 2014 au sujet des vertus de l’échange et de l’ouverture à l’autre, il est en revanche difficile d’exalter cette conception hagiographique du débat en faisant comme si ces derniers se déroulaient dans une société pure et parfaite, où tous les points de vue se valent et où les rapports de domination sont absents des structures sociales.
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Il faut se demander qui a le droit de parler mais en ayant en tête que les possibilités de le faire librement, notamment au niveau de la critique des positions mandarinales, sont bien souvent très inégalement réparties. De plus, la place même du débat dans nos sociétés est très évolutive. Lorsque nous faisions notre thèse sur la pensée réactionnaire, il n’était pas concevable pour nous d’aller débattre dans des colloques avec certains intellectuels proches de l’extrême droite. Cela ne nous a nullement empêché de discuter intellectuellement leurs idées dans nos écrits et d’argumenter nos critiques à leur égard.
Aujourd’hui, la mode est d’aller sur les plateaux télé débattre avec des gens xénophobes et homophobes, qui trouvent des espaces pour exprimer publiquement les propos les plus abjects. Il y a une dizaine d’années, ces pratiques auraient été inimaginables. Engager l’échange avec autrui est une affaire de choix personnel et comme le disait Deleuze refusant de discuter avec les «Nouveaux philosophes», la pensée est également un oiseau soliloque qui vole au-dessus des différentes opinions.
En même temps, l’appel au boycott d’Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie n’est pas un simple refus du débat, une vision sectaire du monde intellectuel, voire un désir de censure dont on les a injustement accusés. Il s’agit plutôt d’une désacralisation radicale de la dimension symbolique du champ universitaire. Il faut suivre de l’intérieur la logique des pratiques de ceux que Pierre Bourdieu appelait ironiquement les homo academicus pour comprendre que ce type de réaction publique reste quand même très rare. Ce serait même plutôt le fait d’être invité, d’être lu et surtout d’être cité qui reste l’apanage d’une partie des acteurs de la sphère académique, y compris au niveau des nouveaux entrants.
Ce qui est également nouveau dans ce type d’interpellation publique à l’égard d’intellectuels symboliquement reconnus est la position à la fois périphérique et centrale occupée par ces deux personnes au sein du champ universitaire. Une telle admonestation par des gens aussi jeunes et sans assise institutionnelle solide aurait été très improbable il y a quelques années, dans un contexte où les sociabilités et les allégeances étaient différentes. Mais peut-être que les nouvelles logiques libérales au sein des universités, notamment au niveau de l’octroi de plus en plus rares de postes, ont sans doute changé la donne de ce qui est exprimé dans l’espace public.
Parmi ses publications : Spectres contre-révolutionnaires, interprétations et usages de la pensée de Joseph de Maistre (XIXe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 2006 ; Queer Maroc. Sexualités, genres et (trans)identité dans la littérature marocaine, Paris, Des Ailes sur un Tracteur, 2014.
Jean ZAGANIARIS Sociologue, enseignant-chercheur
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