— Le HuffPost | Par Lauren Provost —
CULTURE WEB – Qui n’a jamais croisé la route du point Godwin sur Internet? Cet utilisateur qui lâche un “Ça me rappelle les heures les plus sombres de notre histoire” dans les commentaires d’un post Facebook, ce député qui dérape sur Twitter et évoque Hitler dans le débat sur le port du voile, ou ce twittos qui rappelle en pleine discussion que “ça avait commencé comme ça dans les années 30”.
La loi énoncée sur l’un des premiers réseaux sociaux par l’avocat américain Mike Godwin en 1990 se vérifie toujours. « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler se rapproche de 1. » Et comme la loi de Mike Godwin est devenue aussi célèbre que le théorème de Pythagore parmi les internautes, il y a toujours quelqu’un pour crier au point Godwin.
François De Smet, docteur en philosophie, s’est interrogé sur ce phénomène et livre sa théorie du point Godwin dans l’ouvrage “Reductio ad Hitlerum” paru ce mercredi 20 août aux éditions PUF. L’occasion pour Le HuffPost de s’interroger à son tour sur l’intérêt du Web pour cette loi. Mais pourquoi donc Internet est-il obsédé par le point Godwin?
Une loi née sur le Web pour le Web
Ce qui fait entre autres le succès de la loi de Mike Godwin, c’est que sa théorie est née sur Internet et a été pensée pour le Web.
Bien sûr, des points Godwin peuvent exister dans la vraie vie, IRL comme on dit, la loi “reductio ad Hitlerum” (la réduction d’un argument à Hitler) a d’ailleurs été mentionnée par le juriste Leo Strauss en 1953, rappelle François De Smet: “Elle visait simplement l’argument rhétorique consistant à disqualifier une idée sous prétexte qu’elle aurait pu être partagée par Hitler”, rappelle-t-il au HuffPost.
Quarante ans plus tard, Godwin propose la version 2.0. “Ce qu’ajoute la loi énoncée un peu par hasard par Godwin en 1990, et qui n’a aucune prétention scientifique, c’est le constat factuel que l’accélération propre aux réseaux sociaux, en multipliant les conversations et en les portant à l’écrit instantané – telle était au fond la nouveauté du Web – encourage les occasions de tester les limites du langage admis”, explique François De Smet.
La limite des 140 caractères de Twitter n’existe pas encore, mais Godwin a compris que sur le Web il faut aller vite et faire simple, percutant. Ce sont ces contraintes qui font que les comparaisons à la Seconde Guerre mondiale, Hitler ou les camps de la mort – des références universelles et synonymes du mal absolu – se multiplient brutalement sur les réseaux sociaux.
Hitler icône LOL du Web
Autre raison du succès de la loi de Mike Godwin: le rire. Sur Internet, il est permis de s’amuser d’Hitler et de ses dérivés.
Le point Godwin est d’ailleurs devenu un jeu. C’est à celui qui repérera le point Godwin de la discussion le premier et délivrera un petit coupon virtuel à celui ou celle qui a franchi la ligne rouge.