L’écrivain, agressé au couteau lors d’une conférence à New York vendredi soir, a été placé sous respirateur artificiel.
Rushdie, les grandes lunes, au matin, font blason
de tout ce que la haine et la bêtise
ne sauraient ébranler.
Patrick Chamoiseau
— Par Caroline Constant —
Les nouvelles ne sont pas bonnes : l’écrivain Salman Rushdie est entre la vie et la mort, après avoir subi une agression au couteau vendredi 12 août, alors qu’il s’apprêtait à donner une lecture à la Chautauqua Institution, dans l’Ouest de New York. Touché au cou, au foie, et à un œil, qu’il pourrait perdre, il a été placé sous respirateur artificiel et se trouve dans un état grave, a indiqué son agent, Andrew Wilye. Les nerfs de son bras ont aussi été sectionnés.
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La scène, rapportée par un journaliste d’Associated Press présent dans la salle, s’est déroulée hier à 11 heures (17 heures en France). Un homme a bondi de sa chaise pour se jeter sur le romancier. La police indique que l’individu a donné « dix à 15 coups de couteau » à l’auteur, qui s’est écroulé. À ses côtés, l’animateur de la conférence, Ralph Henry Reese, 73 ans, a « été légèrement blessé au visage », indique la police. Les secours ont héliporté Salman Rushdie à l’hôpital le plus proche.
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L’agresseur s’appelle Hadi Matar. Il a été arrêté et placé en détention. Âgé de 24 ans, d’origine libanaise et habitant le New Jersey, il serait proche, selon des sources policières, de mouvements extrémistes chiites. Il soutiendrait notamment les gardiens de la révolution islamique d’Iran, selon le Figaro. Son profil Facebook, visiblement assez éloquent sur ses engagements, a été suspendu. Son acte ne fait encore l’objet d’aucune revendication.
Salman Rushdie, âgé de 75 ans, est sous la menace d’une fatwa, depuis 1989, lancée par l’ayatollah Khomeiny, en Iran, depuis la parution de son roman « les Versets sataniques », considéré par les fondamentalistes comme « blasphématoire ». Le gouvernement iranien s’est désolidarisé de cette menace, qui contraint l’écrivain à vivre sous protection policière depuis plus de trente ans. Mais une fondation iranienne religieuse a mis sa tête à prix pour 3,3 millions de dollars en 2012. Le principal quotidien ultraconservateur iranien, Kayhan, s’est d’ailleurs réjoui avec emphase de l’attaque au couteau.
Dans le monde entier, des messages de soutien de responsables politiques affluent, via Twitter, vers l’auteur. En France, le président de la République Emmanuel Macron a réagi : « Depuis 33 ans, Salman Rushdie incarne la liberté et la lutte contre l’obscurantisme. La haine et la barbarie viennent de le frapper, lâchement. Son combat est le nôtre, universel. Nous sommes aujourd’hui, plus que jamais, à ses côtés ». La présidente par intérim des Républicains, Annie Genevard, estime que « Le radicalisme islamiste n’a pas désarmé. Il entend réduire la liberté d’expression. Il reste dangereux et doit être combattu. C’est un coup de semonce pour les démocraties occidentales. Il faut faire preuve de courage politique. Je souhaite qu’il s’en remette ». À gauche, Clémentine Autain, députée France Insoumise de la Seine-Saint-Denis, a dénoncé « une attaque armée » qui est « inacceptable » . « La création est une liberté fondamentale », rappelle la parlementaire. Pour Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, l’écrivain a été « poignardé par la haine islamiste ». Il assure de son soutien l’auteur et ses proches.
Source : L’Humanité