—– Par Selim Lander —
Plein Emploi ou Pôle Emploi ? Ce n’est pas la même chose et la secrétaire de Plein Emploi commence à en avoir plein le dos des appels pour Pôle Emploi qui arrivent sur son téléphone de la part de chômeurs qui ont confondu les deux termes. Mais comme elle leur dit (à peu près) : est-ce que vous avez déjà entendu quelqu’un au bout du fil quand vous appelez Pôle Emploi ? Non, bien sûr, vous n’avez jamais qu’un répondeur : ici, c’est différent. A ceci près que cette association d’insertion appelée Plein Emploi est pour l’essentiel une arnaque servant à accaparer les fonds publics. Parmi les chômeurs qui appellent il y a un certain M. Marie-Joseph (clin d’œil à l’intention des habitants de la Martinique où un Marie-Joseph célèbre, loin d’être au chômage, est propriétaire de plusieurs entreprises…). La pièce commence, muette, par la secrétaire Philomène (Rita Ravier) qui s’installe en prenant tout son temps. Arrive ensuite Pierre-Antoine (Virgil Venance), le patron de la boite, en tenue de cycliste. Il entreprendra de se changer mais ne metta jamais son pantalon, il restera jusqu’au bout en chemise-cravatte et les jambes nues sous sa culotte de vélo. Puis l’on verra arriver une belle fille, Julia Robert (sic ! – Sonia Soutif), une postulante à l’emploi… chez Plein Emploi et qui sera, de fait, embauchée sans trop comprendre comment. Enfin surgit celui qu’on n’attendait surtout pas, Erick Van Zapdenwirk (Marc-Julien Louka), contrôleur de l’Union Européenne qui arrive de Bruxelles pour faire l’audit de l’Association Plein Emploi, ce qui ne manque pas de créer un gros malaise. On n’en dira pas plus sur l’intrigue, digne du théâtre de boulevard auquel se rattache la pièce, ni sur la manière dont elle peut résonner avec la situation martiniquaise (voir l’article de Roland Sabra).
Sans blesser la sensibilité des spectateurs ? La pièce est faite pour faire rire et elle y parvient. Il y a cependant des moments où l’humour devient grinçant. Trop ou pas ? Est-il vraiment drôle, nécessaire, bienséant de se moquer sur un scène de théâtre des « sans dents » et des odeurs corporelles des miséreux ? Pierre-Antoine, le personnage qui s’exprime ainsi étant le type même du cynique, ces mots ne détonnent pas trop dans sa bouche mais la question demeure : a-t-on le droit (moral) de répandre des propos aussi dégradants au théâtre ? Chacun jugera en son âme et conscience.
En dehors de ces quelques répliques, il n’y a rien pour choquer les spectateurs, beaucoup par contre pour les faire rire, ce dont ils ne se privent pas. On ne refera pas la revue des comédiens (voir là-dessus également l’article de R. Sabra) sinon pour insister sur la prestation de Rita Ravier qui se « lâche » dans ce rôle comment nous ne l’avions jamais vue jusqu’ici et celle des deux comédiens moins connus, Marc-Julien Louka (déjà en Martinique dans Le Monstre d’Agota Kristof, M.E.S. Guillaume Malasné), qui campe un inspecteur vraiment très drôle, et Sonia Soutif. Si cette dernière, à vrai dire, n’a pas grand-chose à faire dans cette pièce pour monopoliser l’attention, nous avions remarqué la qualité de son jeu quelque jours auparavant dans la Réunification des deux Corées (M.E.S par G. Malasné). Et puisqu’on parle de M.E.S., disons pour finir qu’Éric Delor sait faire s’exprimer des comédiens.
Plein emploi de Stéphane Titeca par la Cie Rézilians, M.E.S. Éric Delor avec Marc Julien Liouka, Rita Ravier, Fiona Soutif, Virgil Venance. Espace Sonate, Fort-de-France, les 29, 30 juin et 1er Juillet à 19 h.