— Par Jean-Marie Nol, économiste —
L’inexorable montée en puissance des femmes en politique ne s’est pas démentie depuis notre premier article sur le sujet et dont nous reprenons pour partie une analyse actualisée. Le prise de pouvoir par les femmes est une réalité qui s’impose depuis tantôt à l’ensemble de la société guadeloupéenne et depuis peu en Martinique où les choses ont positivement évoluée sur le plan politique. Les femmes mènent de plus en plus la danse aux Antilles. Et pourtant en économie, elle piétine aux portes du pouvoir au sein de l’entreprise. Dans les deux cas, elles concilient pourtant savoir et pouvoir. Partout, elles sont désormais plus influentes et plus diplômées que les hommes. De plus, elles occupent actuellement des positions fortes au sein des organismes ou se situent les lieux de pouvoir (politique, et culturel ). On peut citer pour la Guadeloupe en politique l’exemple de marie luce Penchard (deuxième vice présidente du conseil régional et ancienne maire de B/T et ministre), Josette Borel Lincertain (présidente du conseil Général et prétendante à la présidence de la région ), Marcelle Pierrot ( ancienne préfète et troisième de liste aux élections régionales), Gabrielle Louis Carabin (présidente de communauté et maire du moule) Justine Bénin et Hélène Christophe( députés) victoire Jasmin( sénatrice) et de plus plusieurs femmes maires . Pour la Martinique, l’on a les exemples de femmes politiques comme Catherine Conconne (sénatrice et tête de liste aux élections territoriales), josette Manin (député), Manuéla Kéclard-Mondésir, (député) et d’autres encore comme karine Mousseau (élue à l’assemblée territoriale et présidente du comité Martiniquais du tourisme) , etc…
Nous sommes désormais en présence d’un épisode nouveau de la vie politique proche de l’ anacyclose qui est une théorie cyclique exposée par Platon dans son ouvrage « La République. »
Le pouvoir au féminin interpelle encore aujourd’hui, alors que de plus en plus de femmes accèdent à des positions de pouvoir au sein des organisations en Guadeloupe à l’exemple de Nathalie DINANE rédactrice en chef d’un grand quotidien local, et ce paradoxalement beaucoup plus que dans les autres DOM et TOM. Cette singularité sociologique est une chance pour la Guadeloupe et la Martinique ? les femmes qui participent à cette nouvelle donne veulent clairement assumer des rôles d’autorité au sein de la société Antillaise. Une sur-adaptation au modèle masculin peut alors intervenir chez les femmes souhaitant accéder à ces espaces de direction avec des conséquences psychiques négatives sur l’homme mais avec toutefois un gain de la valeur ajoutée pour les générations futures.
Elles trustent quasiment tous les postes importants de direction ou de management dans la politique mais malheureusement pas encore assez dans le secteur de l’entreprise.
Et pour cause, les politiques publiques s’appuient sur des réseaux qui véhiculent une vision masculine de l’entrepreneuriat, ghettoïsant les femmes.On savait les femmes très minoritaires dans l’univers économique, mais la situation s’aggrave en Guadeloupe et en Martinique plus qu’ailleurs, et c’est cela qui doit changer ! Aux Antilles, l’on fait généralement abstraction des femmes lorsqu’on traite d’économie. Pourtant les rôles sociaux le plus souvent assumés par les femmes dans la société ne sont pas sans conséquences sur leurs contributions à l’économie, sur les bénéfices qu’elles en retirent et sur les conséquences qu’elles subissent.Le développement sans précédent des diverses formes d’économie solidaire dans le monde doit énormément aux initiatives et à la créativité des femmes. Présentes en grand nombre dans tous les secteurs de l’économie solidaire – marchande, non marchande et domestique – les femmes sont les assises de la vie économique au quotidien. En somme, les rapports entre femmes et économie méritent à nos yeux une attention particulière. Elles rompent désormais avec la formule « Nous sommes comme résignés à ne faire que nous soumettre ou réclamer », et se prennent en main en investissent aujourd’hui au plus haut niveau tous les champs de pouvoir de la société Antillaise . Pourtant, jusqu’au milieu du XXe siècle, la société Antillaise accordent un traitement favorisant les hommes et assujettissant les femmes, tant au point de vue du droit que des usages et coutumes. En effet, les traditions accordent une importance particulière au rôle social de femme au foyer, qui doit se consacrer aux tâches ménagères, à la reproduction et à l’éducation des enfants. Notons cependant que la dévalorisation implicite de ce rôle de « femme traditionnelle » n’est pas que récente si l’on se réfère à l’image du mythe de la femme Antillaise « poto mitan ». On ne saurait cependant parler d’une évolution continue de la condition féminine vers l’émancipation aux Antilles, car son histoire est ponctuée par d’importants mouvements de balancier, y compris lors de la période esclavagiste coloniale et ensuite départementale. Ce n’est pas un constat d’échec des hommes, mais plutôt celui d’une fin de course avec la mutation de notre société. Il y a une explication à cela : d’abord la Guadeloupe comme la Martinique d’aujourd’hui sont des pays qui se sont construits autour de l’État providence, dont on a été habitués à tout obtenir à travers le flux des transferts publics de la départementalisation. Il est bien loin le temps où la population active de la Guadeloupe et de la Martinique était surtout représenté au sein du monde de l’agriculture. Aujourd’hui, elle se répartit à peu près inégalement entre agriculture, industrie, artisanat et services. Aujourd’hui, aux Antilles, le monde agricole est presque marginal, et on assiste à la montée des activités tertiaires dans l’ensemble de l’économie, d’où le fait que l’on peut supputer, en l’absence de données sociologiques fiables, que l’émergence des femmes de pouvoir coïncide avec le déclin de l’agriculture et la tertiarisation de l’économie. Le secteur tertiaire représentent 85 % de la richesse des Antilles. C’est une constante depuis la fin du XXe siècle : la part des activités de services dans l’économie ne cesse de progresser, au détriment des activités agricoles et industrielles. Alors que seul un emploi sur quatre était un emploi de services en 1946, le tertiaire représente aujourd’hui plus de 80 % du PIB et des emplois, d’où l’émergence du rôle accru des femmes dans la société Antillaise. Et là réside l’explication que la main-d’œuvre féminine ait connu une croissance régulière en Guadeloupe et en Martinique, c’est pourquoi nous estimons que face à la crise économique du coronavirus, les femmes guadeloupéennes et martiniquaises doivent demain agir sur le monde d’après, et pour ce faire les organisations professionnelles doivent promouvoir la mixité et faire mieux entendre la voix des décideuses et Entrepreneuses. Malheureusement aujourd’hui, les femmes Antillaises rencontrent toujours des obstacles relatifs au renforcement de leur statut économique et à leur statut de chef d’entreprise. A l’heure actuelle, il est indispensable d’inverser la tendance et que les femmes soient davantage visibles dans l’ensemble des secteurs d’activité composant le monde économique, à la fois pour donner plus d’ampleur à leurs projets, offrir des rôles-modèles inspirants aux générations futures et continuer à diffuser la culture de l’égalité femmes-hommes.
C’est que les Guadeloupéennes et Martiniquaises d’aujourd’hui sont plus nombreuses et plus âgées qu’il y a trente-cinq ans, mieux formées et plus indépendante. Elles sont également plus diplômées que les hommes.
Elles vivent plus souvent seules, avec ou sans enfant et sont deux fois plus nombreuses à être en emploi qu’en 1976. La tertiarisation de l’économie et la diffusion des diplômes ont facilité leur insertion professionnelle et leurs accession à certains des postes de responsabilité. Le phénomène a touché tous les pays développés et l’importance future des femmes dans le secteur de l’économie serait plutôt considérée comme un signe de modernité. A travers l’analyse de la structure des emplois, on constate que les femmes se retrouvent majoritairement dans les emplois du secteur tertiaire. En effet, depuis la fin des années 1960 en Guadeloupe et en Martinique avec l’apparition de l’État providence, une tendance qui a caractérisé l’évolution de la structure des emplois explique la concentration des femmes dans ce secteur : la tertiarisation du marché du travail. Au cœur de cette mutation, les femmes ont accompagné le mouvement plus que les hommes, et elles ont très fortement contribué à le produire au début des années 80. Et inversement, c’est parce que l’emploi devenait de plus en plus tertiaire que les femmes ont accédé nombreuses aux postes de responsabilité. Plusieurs facteurs concourent à cet accroissement. D’abord, l’économie de la Guadeloupe et de la Martinique a évolué progressivement vers plus d’activités de services (marchands et non marchands) qui fournissent, en 2019, plus de 80 % du produit intérieur brut et comme on le constate, cela n’est pas sans incidence sur la montée en puissance des femmes Antillaises aux postes de responsabilité de cadres.
Le diplôme est un atout pour les femmes sur le marché du travail. Plus le niveau est élevé et plus les chances d’être en emploi à responsabilité sont fortes.
En 2021 , la progression et féminisation des emplois les plus qualifiés et la forte croissance de la numérisation devrait accroître le rôle majeur des femmes Antillaises au sein de la société notamment par la création et à travers la direction des entreprises.
Mais quelles sont les raisons qui ont présidées au fait que les femmes ont changé de mentalité et fait des percées dans de nombreux domaines des centres de décisions dans la société guadeloupéenne et martiniquaise ?
On peut avancer l’idée que les codes ont été modifiés et que les moteurs actuels de la motivation des femmes semblent être bien adaptés à ce nouveau modèle de société plus flexible qui est en train d’émerger : des stéréotypes par défaut ou des faiblesses présupposées, se sont révélé être des forces dans le modèle de conduite des affaires de la famille et de la société, plus agile que requiert la décentralisation et la globalisation. Présentement, les femmes ont le droit à l’égalité de participation. Une fois qu’elles accèdent à des postes de direction, elles peuvent faire une différence bénéfique à toute la société. les femmes guadeloupéenne et martiniquaises ont, selon nous, une approche, un ressenti du pouvoir qui se distingue de leurs homologues masculins ? Mais, ce faisant elles peuvent parfois aussi être source de ressentiment de la part des hommes d’où le risque d’un sentiment d’illégitimité source de frustrations à venir. En fait, c’est par défaut d’homme que des femmes ont accédé au pouvoir en Guadeloupe et en Martinique. C’est que l’homme Antillais est en crise, car le machisme s’est déplacé de façon sournoise sur le thème de la compétence et cela l’a conduit à démissionner de ses responsabilités ancestrales. Il y a une névrose ambiante sur l’homme guadeloupéen et martiniquais qui fait peine à voir.Il n’est plus un homme sûr de ses valeurs et idéaux, il est devenu un homme qui a perdu en confiance et respect.
En somme, l’homme Antillais est victime d’un terrible malaise sociétal, un mal être qui peut se révéler dangereux pour la cohésion sociale. Il a découvert que la Guadeloupe comme la Martinique était devenue une société de violence et de défiance, atteinte d’un mal insidieux, d’ou la perte de confiance en son destin, en ses capacités de diriger, en son pacte d’acteur dominant hérité de l’économie de plantation. Depuis l’apparition de la société dominante des services et le déclin irrésistible de la production agricole, on note chez l’homme Antillais un mélange de mécontentement fiévreux, de frustration inquiète face à un univers qui parait menaçant, bref de la crise d’identité qui le submerge : le mâle de Guadeloupe et de la Martinique est devenue » mélancolique ». Il souffrirait en fait, selon nous, de « maldémocratie » et ce paradoxalement depuis les lois de décentralisation qui ont vu le divorce croissant entre les guadeloupéens et surtout les Martiniquais et leur système politique et institutionnel, entre les citoyens et leurs élus. Or, un homme politique se juge aussi à sa capacité à saisir ce que les Grecs anciens appelaient le » kairos « : le moment opportun. Pour faire basculer une situation, accélérer, prendre l’avantage. Le temps n’est -t- il pas venu de mettre à nu nos contradictions multiples, de dénoncer les errements idéologiques, nos graves insuffisances, et surtout notre incapacité chronique à l’introspection et à la rédemption de nos erreurs du passé ?
L’homme guadeloupéen et martiniquais est en état de choc, alors place aux femmes guadeloupéennes et martiniquaises ! On le sait bien : en médecine, le choc fonctionne de façon ambivalente, il peut être traumatisme ou thérapie. Avec, dans les deux cas, comme le disait le psychanalyste Jacques Lacan, un point commun : “le réel, c’est quand on se cogne”. C’est la raison pour laquelle les femmes doivent demain être au cœur du développement économique de la Guadeloupe et de la Martinique.
Ce phénomène est très important car il introduit un phénomène nouveau aux Antilles d’une « sociologie de la rupture » (Disruptive en anglais). La crise économique actuelle et la crise sociale future sera clairement un accélérateur de tendance. Nous sommes dans une économie de plus en plus digitale et la période que nous vivons ne va faire qu’amplifier cette tendance. Nous le voyons tous les jours : les clients veulent de plus en plus de services à distance. Il ne faut pas se tromper, la crise va considérablement changé les habitudes. Demain les femmes guadeloupéennes et martiniquaises sont en passe de s’approprier de la fameuse diagonale du pouvoir, alors tout devient possible pour que les femmes jouent un rôle essentiel dans une dynamique positive dans le cadre d’un nouveau modèle pour l’économie de la Guadeloupe et de la Martinique.
Jean-Marie Nol économiste