— Antoine Delblond —
Attractif, « qui a la propriété d’attirer ». Appliquer aujourd’hui ce qualificatif à la Martinique peut sembler irréaliste, rêveur, voire réfractaire à l’évidence. Pourtant, une Martinique attractive est non seulement une ambition réaliste, mais une nécessité, qui mérite un plaidoyer. Pas n’importe lequel, ni à n’importe quel prix. Il faut une raison, une stratégie, des moyens.
Quelles raisons de rechercher une Martinique attractive ? Au vu des événements récents, d’abord et avant tout pour la cohésion sociale. Paradoxal, direz-vous ? Pas du tout. La Martinique ne sera attractive que par la convergence de toutes ses forces vives, de toutes les composantes de sa société, sans distinction d’origine, de race, de milieu social. Attractive pour l’extérieur bien sûr, mais surtout pour elle-même, dans l’estime de soi et la cohabitation bienveillante. Ces deux dimensions sont intimement liées. Il serait illusoire de déployer tous les programmes imaginables d’attractivité si certaines personnes ont le sentiment d’être laissées pour compte de cette action et d’autres considérées comme les éternels boucs émissaires des maux de notre société. Attirer les familles, les entreprises, les salariés, les talents, sur un territoire, c’est développer des dynamiques sociales plurielles, valorisantes pour tous. C’est consolider la diversité culturelle, renforcer le tissu associatif et le vouloir vivre en commun. Une Martinique attractive sera plus attirante et plus cohérente à la fois.
Autre raison, délicate, dans la nécessité de repenser les politiques de développement économique et social. Vie chère, pauvreté endémique, délinquance, continuité territoriale, chômage, démographie, etc. La vision publique des problèmes de la Martinique est trop souvent sectorielle, coincée dans des considérations institutionnelles ou financières (les missions budgétaires). L’échec de la départementalisation est un euphémisme. Les atermoiements de la décentralisation une réalité. Un renouvellement conceptuel s’impose. Dans une vision globale, l’attractivité devient un des éléments déterminant des politiques de développement économique et social, en partenariat entre l’Etat et les collectivités. Soyons lucide. L’attractivité à elle seule ne guérira pas tous les maux du développement. Pensée de façon cohérente, elle apporte un éclairage nouveau sur les politiques sectorielles qu’elles soient gouvernementales ou locales. Animant tous les projets, elle déclenche le cercle vertueux de la croissance et de la création d’emplois.
Comment atteindre cet objectif ? D’abord en évitant l’erreur commune. Dans l’intention louable d’attirer sur le territoire, la plupart des projets se fient à l’attraction. Celle-ci attire le public par l’artifice, comme un spectacle. L’attractivité ne se construit pas par prospectus publicitaire. Elle ne peut pas se fonder principalement sur la vitrine du divertissement, le plaisir et, d’une manière générale, susciter chez les arrivants les pulsions ou les désirs primaires. Le reflet d’une Martinique attractive ne peut pas être uniquement ludique ou commerciale. En accord avec la raison première, sus évoquée, une Martinique attractive devra promouvoir une vision collective et solidaire de ses composantes, relayant des valeurs universelles et humaines, tenant compte des enjeux contemporains, notamment le développement durable. Sans concession à la facilité de l’attraction.
Cette perspective n’exclut pas -loin de là- que l’on exploite les spécificités traditionnelles du territoire. Une Martinique attractive continue de valoriser ses atouts naturels et son identité culturelle. Elle fait valoir sa biodiversité unique et son patrimoine culturel. Mais pas seulement auprès des touristes. Elle s’adresse aussi aux investisseurs, aux chercheurs et même à ses résidents. Autrement dit, sortir de la carte postale pour un projet multidimensionnel et scientifiquement élaboré. Elle doit se montrer réaliste sur ses besoins et ses faiblesses. Ne pas cacher la poussière sous le tapis.
Quels moyens mettre en œuvre ? Les cordons de la bourse sont dans les mains de l’Etat. Il vérifie la régularité des décisions locales. La décentralisation donne désormais aux élus locaux, même modestement, la possibilité d’impulser des politiques locales d’attractivité. En complément de l’action étatique, en partenariat avec les services déconcentrés, ils peuvent créer un cadre favorable aux initiatives locales et à l’incitation pour les entreprises et les familles. Cette action sera animée du souci de la responsabilité et de la transparence ; dans la concertation et non dans la confrontation des forces politiques. Sur un thème qui échappe aux clivages politiciens, l’attractivité peut être le creuset d’un apprentissage constructif de la démocratie locale.
Dans une Martinique attractive, tous les acteurs de la vie économique sont promoteurs de la destination, et pas seulement les bénéficiaires. Hors toute considération idéologique, la création d’emplois et la croissance viennent d’abord de l’initiative privée. Indépendamment du PIB, l’enthousiasme des artisans, des entrepreneurs, des commerçants, leur motivation, leur engagement au service de la population seront les meilleurs arguments pour la destination. Créons ensemble les conditions pour qu’ils abandonnent la posture de défiance ou de résignation qui prévaut souvent aujourd’hui.
Ce plaidoyer peut être étendu à tous les outre-mer. Pour une Martinique attractive, quels secteurs d’activité et quelles procédures envisager ? La réponse est esquissée par quelques bonnes volontés, les 30 et 31 janvier 2025 à Fort-de-France, dans la salle Emile Maurice de l’Assemblée de Martinique.
Vous êtes concernés. Venez nombreux.
Antoine DELBLOND