— Par Marion Lecas ( texte et photo) —
Ils redonnent le sourire. Philippe Sahagian a quitté une vie mouvementée dans les quartiers sensibles de Marseille pour créer, dans les années 2000, l’un des premiers jardins en permaculture de Guadeloupe.
Il est midi, le thermomètre affiche 36 °C. Le soleil grille la Guadeloupe, l’air est lourd, il fait chaud, trop chaud, partout… Excepté dans le jardin de Philippe Sahagian. « C’est grâce à mes arbres. C’est pour ça que l’agroforesterie reste ma première passion », sourit le quinquagénaire.
Dans son bien nommé jardin « extraBIOrdinaire », 8 000 m2 de terrain situé sur le littoral ouest de l’île, Philippe cultive un tas de plantes médicinales, d’aromates, d’arbres fruitiers et de légumes. Il s’agit, depuis 2008, de l’une des plus importantes cultures naturelles de Guadeloupe. Là-bas, en effet, le label « bio » existe à peine, et la plupart des sols sont toujours gorgés de chlordécone.
En Guadeloupe, la défiance des habitants « chlordéconés »
Philippe accueille les compliments avec modestie. Il a une voix chaude et rocailleuse, une casquette toujours vissée sur la tête. On le connaît bien, sur l’île, on vient au marché pour acheter ses fruits déshydratés, ses plantes ou ses graines, pour glaner ses précieux conseils. D’ailleurs, son téléphone sonne : « Tes semis, tu les laisses à l’ombre tant qu’ils ne sont pas sortis », lance-t-il, interrompant brièvement la conversation.
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Après ses trois fils, son jardin est sa plus grande fierté. Personne n’y croyait au début, le terrain ressemblait « à la savane », la terre était sèche, réputée incultivable. Alors, en plus, sans intrants chimiques ? Au début, il essuie des moqueries. Désormais, les chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique le sollicitent et viennent étudier ses techniques : « La dernière fois, ils ont filmé mes poules manger les fourmis manioc, car ils cherchent des alternatives aux insecticides », rapporte-t-il, l’air victorieux.
La découverte de la nature, une « renaissance »
La nature, Philippe aime dire que c’est sa deuxième vie. Sa « renaissance » même. Fils d’un pasteur arménien, il vit une adolescence mouvementée dans les quartiers sensibles de Marseille. Il flirte avec la petite délinquance, perd pied. « J’étais dans la jungle de béton, je ne trouvais pas ma place », analyse-t-il. La campagne, pour le citadin qu’il était, se résumait à un « truc de plouc ». Peu à peu, il voit ses amis partir en prison et se dit qu’il n’y échappera pas…
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