Ce mardi 20 février 2024, la Martinique pleure la perte de l’éminent photographe Philippe Bourgade, décédé à l’âge de 76 ans à son domicile du quartier Batelière à Schoelcher. Sa disparition laisse un vide dans le monde de la photographie martiniquaise, marquant la fin d’une époque où son regard sensible capturait l’essence même de la vie sur l’île.
Originaire de Sainte-Marie, Philippe Bourgade a consacré sa vie à l’art de la photographie. Enseignant en histoire-géographie au collège, c’est vers l’âge de 30 ans que ce samaritain d’origine a découvert sa passion pour la photo, passion qui ne l’a plus jamais quitté. Ses clichés en noir et blanc, véritable témoignage de l’âme martiniquaise, ont marqué l’art de la photographie dans l’île.
Ses œuvres, exposées avec talent et dextérité, ont transcendé les limites du temps et de l’espace. L’exposition-rue à Sainte-Marie et son atelier de formation autour des métiers de la mer et des campagnes attestent de son engagement à transmettre son savoir et à préserver le patrimoine photographique martiniquais.
Le recueil « La Martinique des mornes » et l’ouvrage « Eau-Mémoire », paru en 2006 aux Éditions Jasor, sont autant de pièces maîtresses qui immortalisent l’héritage de Philippe Bourgade. Ses clichés révèlent un « art de vivre Martiniquais » authentique, soulignant la nécessité de préserver l’identité culturelle face à la mondialisation croissante.
Le photographe était également un observateur perspicace de la société martiniquaise contemporaine. Dans ses mots, il déplorait la progressive uniformisation des pratiques et la contamination de l’île par des influences étrangères. Son engagement en faveur de la préservation des traditions et de l’identité martiniquaise était une voix précieuse dans le paysage artistique.
Philippe Bourgade a su saisir l’émotion et la beauté dans chaque geste, chaque expression. Son savoir-faire technique et son aptitude à capturer des moments intimes ont rendu ses sujets proches du cœur des spectateurs. Des gestes enfouis dans la mémoire collective ressurgissent à travers ses photographies, rappelant aux Martiniquais leur histoire commune.
Sa série d’expositions, de Bezaudin à Sainte-Marie, a été un voyage dans le temps, rappelant des souvenirs et des gestes oubliés. Ces moments figés sur pellicule ont suscité des émotions variées, de la joie à la mélancolie, de la solitude à la plénitude. La Martinique des Mornes ne doit pas mourir, et Philippe Bourgade a veillé à ce que sa mémoire demeure vivante.
Dans ses propres mots, exprimés à travers son ouvrage « Eau-Mémoire », Philippe Bourgade affirmait que son ambition était de « raviver notre mémoire », car « il n’y a pas de peuple fort sans racines profondes et vivantes. » Son legs photographique, de Bezaudin à Sainte-Marie, de la mer aux campagnes, incarne cette volonté de préserver les racines culturelles martiniquaises.
Au-delà de son œuvre, Philippe Bourgade s’inscrit dans la lignée de grands photographes martiniquais qui ont donné aux photos le pouvoir de parler, d’interpeller et de s’ouvrir sur l’avenir. Henri Vigana, René Maran, Jo Renard, Marie Claire Delbé Cilla, Jean Popincourt, et maintenant Philippe Bourgade, ont tous contribué à enrichir le patrimoine visuel de la Martinique.
Sa dernière exposition, où il capturait avec maestria le mouvement de l’eau, du sable, de la mer et du feu, démontre son engagement constant envers la protection de l’environnement. Ses photographies transcendantes, d’une goutte d’eau à l’élévation d’une vague sur le sable fin, invitent à la réflexion et à la prise de conscience de la richesse patrimoniale que nous possédons.
Philippe Bourgade, l’artiste pictural pétri d’humilité, laisse derrière lui un héritage photographique qui continuera d’inspirer les générations futures. Son invitation à un voyage initiatique, créatif et sacré résonne encore dans les cœurs de ceux qui ont eu la chance de contempler son travail.
Madinin’Art partage sa profonde tristesse en ces moments difficiles et exprime toute sa sympathie à la famille de Philippe Bourgade et à tous ses proches.
Avec sa disparition, le mois de février 2024 voit la Martinique perdre deux piliers de son histoire photographique, Arlette Rosa-Lameynardie et Philippe Bourgade, sources inestimables pour les historiens et les amateurs d’art de l’île. La mémoire de ces visionnaires demeurera à jamais vivante à travers l’objectif qui a immortalisé les instants magiques de la Martinique.
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