Phare Ponleu Selpak ou “La Lumière des Arts »

Carnet de route du Cambodge

— Par Roland Sabra —

Le soir de mon arrivée à Siem Reap au Cambodge je suis allé renouer avec une pratique de mon enfance quand au bout du chemin qui longeait le cimetière, sur un terrain vague envahi par les herbes folles, en face des jardins de mes grand-parents paternels et maternels un cirque itinérant s’installait pour quelques jours. Comme tous les enfants du monde, je trépignais d’impatience en attendant le soir de la sortie promise. C’était ma grand-mère maternelle qui m’accompagnait.

Juste avant mon départ de Luang Prabang, adorable ville à propos de laquelle je reviendrai plus tard, je tombais sur une note en bas de page d’un petit guide touristique qui signalait l’existence d’un cirque « The Cambodian Circus » dont je l’avoue volontiers je n’avais jamais entendu parlé.. Cette découverte n’était que la partie visible d’un iceberg qui porte le beau nom de.  » La Lumière des Arts », Phare Ponleu Selpak en cambodgien. Avant d’évoquer le spectacle de cirque auquel j’ai assisté avec bonheur voici une présentation de l’ONG extraordinaire qui est à son origine.

R.S.

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En vingt ans d’instabilité politique et de guerre, la culture traditionnelle cambodgienne a pratiquement été effacée. De 1975 à 1979, les Khmers rouges assassinent la plupart des musiciens et détruisent la grande majorité des instruments de musique. Toute forme d’expression artistique ou de divertissement est bannie, seuls les chants et poèmes révolutionnaires sont tolérés.

Le 25 décembre 1978, redoutant le chaos s’installant chez son voisin, le Viêt Nam envahit le Cambodge et provoque l’effondrement du régime des Khmers rouges. Les autorités vietnamiennes installent un gouvernement proche de leurs intérêts et réorganisent le pays selon le modèle socialiste laotien et vietnamien. Une guérilla rassemblant des mouvements divers allant des Khmers Rouges aux mouvements royalistes appuyés par la Thaïlande fait alors rage dans le pays semant la destruction dans toutes les provinces. Durant toute la décennie des années 1980, le pays est ruiné et divisé au gré des combats. Des centaines de milliers de réfugiés, repoussés par les combats, passent la frontière thaïlandaise et trouvent refuge dans des camps.

En 1986, dans le camp de réfugiés Site 2, à la demande du père Pierre Ceyrac, une professeure française, Véronique Decrop, mène des ateliers de dessin avec les enfants et jeunes du camp pour les aider à surmonter le traumatisme de la guerre.

Neuf de ces élèves, de retour au Cambodge à Battambang en 1994, souhaitent à leur tour venir en aide aux enfants de leur communauté et fondent alors Phare Ponleu Selpak (« la lumière des Arts »).

Partie d’une seule classe de dessin, l’organisation s’est peu à peu élargie au fur et à mesure que les enfants augmentaient, pour inclure d’autres disciplines artistiques comme le cirque, la musique, le théâtre et la danse.

Actions

Depuis plus de vingt ans, l’association utilise l’art comme vecteur de créativité et d’éducation pour les populations les plus vulnérables. Elle cherche à réinsérer les jeunes en grande difficulté au moyen de la culture et de la (re)découverte de leurs racines.

Pour mener à bien sa mission, Phare Ponleu Selpak dispose d’une école des arts de la scène (cirque, musique, théâtre et danse), d’une école des arts visuels et appliqués (dessin, peinture, photographique, design, animation), d’un département d’action sociale, d’une maternelle et d’une médiathèque.
Arts visuels et appliqués

Les arts visuels sont les premiers arts qui ont été enseignés à Phare Ponleu Selpak. L’association s’est construite autour de cours de dessin et a au fil des années étoffé les formations et activités qu’elle dispense. En 2013, avec le soutien de l’Agence française de développement et du CCFD7, une nouvelle école d’arts visuels et appliqués (VAAS) a été créée.

Elle fournit aux étudiants une formation professionnelle en graphisme, arts visuels et cinéma d’adaptation, leur facilitant ainsi l’accès à des emplois potentiels dans ces domaines des arts visuels qui sont en pleine expansion au Cambodge. L’école s’adresse spécifiquement aux jeunes issus de milieux défavorisés qui présentent une aptitude et une sensibilité aux arts visuels. Ils peuvent participer à des cours de loisir ou préparatoires qui les entraînent pour la formation professionnelle. Les frais de scolarité sont gratuits.

Les étudiants de l’école peuvent à travers ces cours acquérir la méthodologie et la pratique des arts appliqués, développer leur personnalité créative et s’ouvrir au monde professionnel dans le domaine de leur choix.

Arts de la scène

L’école des Arts de la scène (Performing Arts School, PAS) propose une formation professionnelle de musique, de théâtre, d’arts du cirque et de danse. L’école propose également des activités de loisir dans toutes ces disciplines aux enfants et jeunes de la communauté de Battambang qui souhaitent s’y initier et développer leur créativité.

Les quatre disciplines proposées par l’école sont complémentaires et donnent lieu à des représentations communes où les élèves et artistes des différents départements collaborent pour créer des représentations éclectiques où tous les arts se mélangent.

Musique

Créé en 1996, le Département de Musique a été le premier département de l’école des Arts de la scène. Les élèves y reçoivent d’abord des bases solides en musique traditionnelle khmère (maîtrise du korn vong thom, du roneat ek, et du takel) puis ont la possibilité de s’ouvrir aux autres styles de musique.

Aujourd’hui, les élèves de l’école de musique collaborent de près avec ceux de l’école du cirque lors des représentations données sous le chapiteau de Battambang. Récemment, un studio d’enregistrement a été construit au sein du campus de Phare Ponleu Selpak pour permettre aux élèves et artistes de créer et enregistrer leurs créations.

Théâtre

Depuis 2001, un groupe d’étudiants de théâtre joue des pièces de sensibilisation dans tout le Cambodge. La troupe intervient auprès d’écoles, d’hôpitaux, dans des marchés publics, des trains, ou même des usines. L’objectif de la troupe est d’ouvrir un dialogue sur des thèmes tels que le sida, les drogues, le trafic humain ou la violence domestique.

En 2011 et 2013, une partie du groupe s’est produit en France et au Portugal pour interpréter « L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, Roi du Cambodge », une pièce d’Hélène Cixous. Traitant cette fois-ci l’histoire récente du pays, la pièce a bénéficié d’un accueil particulièrement favorable de la part du public et des critiques9.

En 2014, les cours de théâtre sont devenus obligatoires pour tous les élèves de l’école de Arts de la Scène.

Cirque

Le Département des arts du cirque de Phare Ponleu Selpak a été créé en 1998 et est depuis ouvert à tous les enfants et jeunes des communautés environnantes qui souhaitent s’y initier. L’école propose des formations de clown, de jonglage, d’acrobatie, de numéros aériens et d’équilibre. L’école a trois niveaux d’étude : loisir, préparatoire et professionnel.

Depuis la première représentation en 2002, plusieurs troupes de circassiens de PPS tournent régulièrement au Cambodge et à l’étranger (Europe, Australie, Asie, Afrique) et font ainsi la promotion des arts de la scène cambodgiens. Les troupes de PPS présentent des spectacles dynamiques et professionnels qui intègrent dans leur narration des sujets et problématiques du Cambodge.

Plusieurs fois par semaine, les habitants de la région de Battambang et les touristes qui la visitent peuvent assister aux représentations des étudiants sous le chapiteau de l’association.

Danse

Le département de danse a été créé en 2013. Les élèves y apprennent dans un premier temps les techniques de la danse Apsara traditionnelle puis comme en musique s’ouvrent par la suite à d’autres influences.

Aujourd’hui la danse fait partie intégrante de l’école, les élèves se produisent avant chaque représentation de cirque sous le chapiteau de Battambang et au cours de festivals à travers tout le Cambodge.

Action sociale

Le département d’action sociale de Phare Ponleu Selpak vise à améliorer les conditions de vie des communautés locales. À travers ses différents programmes, l’ONG soutient actuellement 200 familles de manière directe et 800 familles de manière indirecte.

Les travailleurs sociaux de PPS suivent les familles et enfants nécessitant protection et soutien et s’efforcent d’établir des relations de confiance entre ces familles et l’ONG. PPS fournit un déjeuner gratuit à certains des enfants, ainsi qu’une assistance médicale et psychologique. Des uniformes et du matériel scolaire sont aussi offerts à ceux qui en ont le plus besoin.

Un programme de parrainage collectif a par ailleurs été mis en place pour venir en aide financièrement aux enfants et adolescents dans le cadre de leurs études.
Programme éducatif

En parallèle de ses formations artistiques, Phare Ponleu Selpak dispose d’un programme de scolarisation plus formelle (une maternelle, une école publique et une médiathèque).

Construite en 2013, la maternelle offre un environnement où les plus jeunes enfants peuvent s’épanouir à travers l’exploration et la découverte (les méthodes employées sont un mélange de pédagogie Montessori et de pédagogie cambodgienne traditionnelle). L’école maternelle accueille actuellement 200 enfants âgés de 3 à 5 ans.

La médiathèque est un espace de travail où les jeunes peuvent lire et étudier au calme. Un programme de soutien scolaire est proposé aux jeunes de l’association à travers des cours supplémentaires de khmer, d’anglais, d’alphabétisation et d’informatique.

Phare Ponleu Selpak a également mis à disposition une partie de son terrain afin qu’y soit construit une école publique financée par l’UNICEF et gérée par la municipalité de Battambang.

La Famille PHARE

Phare Ponleu Selpak a créé plusieurs social business, en accord avec les principes énoncés par Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix pour la création de la Grameen Bank, afin d’être en mesure de financer ses activités et ainsi de rendre pérenne son action au Cambodge.

Aujourd’hui, plus d’un quart des revenus de l’ONG sont issus de ces social business.

Phare, the Cambodian Circus

Phare Performing Social Enterprise (PPSE) (ou Phare, the Cambodian Circus) a été créé en 2013 par Phare Ponleu Selpak en partenariat avec la Grameen Crédit agricole afin de pérenniser l’action menée par l’association au Cambodge. L’entreprise produit depuis des spectacles mélangeant cirque, danse, théâtre et musique sous son chapiteau à Siem Reap.

PPSE a trois missions sociales complémentaires: fournir un emploi stable et rémunérateur aux étudiants de Phare Ponleu Selpak une fois leurs études achevées, soutenir financièrement l’association mère dans ses activités et participer au renouveau de la culture artistiques cambodgienne.

Phare Creative Studio

En partenariat avec PPSE, Phare Ponleu Selpak a lancé en 2016 Phare Creative Studio, un autre social business avec pour but celui d’offrir aux étudiants diplômés de l’École d’arts visuels et appliqués de l’ONG des opportunités d’emploi dans les domaines qui les intéressent11.

Ce studio proposera aux entreprises des services de production artistique spécialisée dans la conception graphique, l’animation et la vidéo. Il sera géré comme une entreprise de social business au sein de PPSE.

Distinctions
L’ONG a reçu, en 2012, le prix du Prince Claus honorant les personnalités et organisations reflétant une approche contemporaine et progressive sur les thèmes de la culture et du développement.

Source : wikipedia