Petites histoires fantaisistes, de Jean-Bernard Bayard (5)

— Par Jean-Bernard Bayard —

« Saut-D’Eau »
Saut-D’Eau est une commune de l’arrondissement de Mirbalais, qui fait partie du département du Centre d’Haïti, avec une population de quarante mille habitants. Elle a été fondée en 1905 et du 8 au 16 juillet, chaque année reçoit près de deux cent mille visiteurs. En 1948 un homme âgé d’une soixantaine d’années dénommé Fortuné, égaré avec son cheval dans une petite fôret à l’entrée de cette commune, aurait vu l’apparition d’une femme couronnée d’étoiles portant dans ses bras un nourrisson, et depuis lors, la fête patronale de la Vierge Marie du Mont-Carmel est célébrée à cette date et à ce site. Saut-D’Eau est considéré un endroit sacré tant bien pour les chrétiens que pour les vaudouisants. Ses fameuses chutes d’eau proviennent de la Montagne Terrible et cette eau miraculeuse produit une riche végétation, irrigant une terre rouge fertile, où les plantations abondent de denrées de toutes sortes. Le bétail trouve une herbe féconde pour se nourrir. En 2013 il y eu un forum communautaire de dix jours pour protéger les cascades de ce lieu saint qui montraient d’inquiétants signes de tarissement. Si les chutes venaient à disparaître, Saut-D’Eau devrait changer de nom et ne plus exister. Marotière et Doco autour des cascades possèdent chacune une grotte à réputation mystique qui attire respectivement de nombreux visiteurs cherchant la paix intérieure. Pendant la semaine sainte patronale, les chrétiens se lavent pour se purifier en l’honneur de la Sainte Vierge, tandis que les vaudouisants offrent des sacrifices à la déesse Erzulie de cette localité mythique et spirituelle où les mystères et les miracles se produisent. Tous ces croyants espèrent obtenir purification, protection, et guérison. Les Vaudouisants croient que les arbres autour des chutes sont habités par Bossou, Erzulie Dantor et Ersulie Fréda, et les chrétiens pensent que l’eau est bénite comme l’eau de Lourdes en France.
Jean-Bernard Bayard

« Le Son Culturel »
Une nuit claire et fraîche berçait mes rêves d’une enfance enchanteresse, animée de toutes sortes d’expériences culturelles, alimentée d’une éducation parentale joyeuse et profonde! Dans ma somnolence, j’entendis un bruit rythmique que je croyais être d’abord de mon subconscient, mais que je réalisai qu’il était de l’extérieur. J’ouvris doucement mes yeux, avec un sourire d’appréciation sur les lèvres ébloui de la dextérité des batteurs de tambours qui se confrontaient dans un délire d’enthousiasme virtuose qui m’exaltait. Je me demandais dans ma pensée enfantine, si « Ti Roro » était de la fête parce qu’après tout, c’était le plus grand des grands maîtres du tambour. Les bambous tout à-coup se mirent de la partie, entonnant des mélodies du « Rara » et la musique devenait de plus en plus entraînante. Mes yeux émerveillés pouvaient imaginer la scène, et quand les sifflets commencèrent à saccader l’harmonie et que les chants s’entamèrent, j’étais tout d’un coup sur mes pieds à danser comme un emballé!
Jean-Bernard Bayard

« Arrivée aux Etats-Unis »
Onze décembre 1964, J’avais dix-sept ans et je croyais tout savoir. L’avion qui emmenait maman et moi à New-York venait d’atterrir à l’aéroport Kennedy. Maman se tourna vers moi et me dit d’un ton sérieux, de rester près d’elle en débarquant de l’avion. J’ai bien compris qu’elle voulait de mon assistance si elle en avait besoin. La ligne des passagers devait d’abord passer par la douane, et je réalisai bien vite que c’est moi qui avais besoin d’elle. Un homme me parlait dans une langue étrange, perplexe je me demandais comment se fait-il que j’étais si ignorant. Je suivis les directives de maman qui me disait quoi faire à chaque étape de la procédure. Arrivé à la fin, nous sommes passés à une salle ouverte où il y avait comme des ceintures roulantes sur lesquelles il y avait des valises. Maman me conduisit à la bonne ceinture, et me dit de surveiller pour nos valises, et quand je les verrai, de les prendre de la ceinture roulante et de les placer entre nous deux. Ce que je fis à la lettre. Quand ce fut fait, elle pointa à une vitrine à l’étage supérieur, et c’est à ce moment que j’ai remarqué mes frères aînés qui nous attendaient. Elle prit une valise, et moi j’en pris deux, avec deux sacs de voyage en bandoulière, elle m’emmena directement à un coin de la grande salle où il y avait des paniers sur roulette, et me dit d’en prendre un, et de tout mettre là-dedans. Ce que je fis, complètement émerveillé. Je poussais ma nouvelle bagnole avec un gros sourire sur les lèvres. Maman me conduisit ensuite aux ascenseurs, pour aller à l’étage supérieur où j’avais vu mes frères. La porte s’ouvrit et mes quatre frères nous y attendaient. Je fus comme maman embrassé violemment en quatre fois avec beaucoup d’affection et reçu deux gentils baisers sur mes joues de mes belles-soeurs.
Je n’oublierai jamais ce jour, il y soixante ans de cela!
Jean-Bernard Bayard