— Par Selim Lander —
Depuis sa première prestation sur le plateau de la salle Frantz Fanon, il y a cinq ans, Françoise Dô a fait son chemin. Repérée par Hassane Kouyaté, cornaquée un temps par la metteuse en scène Stéphanie Loïc, aidée des conseils du dramaturge Paul Emond, lauréate de quelques concours, elle revient dans sa Martinique avec un nouveau spectacle écrit, mis en scène et interprété par elle-même. Produite par le CDN de Saint-Etienne, avec de très nombreux soutiens, Juillet 1961 est une incontestable réussite, bien supérieure, par exemple, à Penthésilé.e.s de Laetitia Guédon, étouffée de rectitude politique et d’enflure bien qu’auréolée par le festival IN d’Avignon, présentée récemment dans cette même salle Frantz Fanon.
C’était pourtant une gageure pour une française, fût-elle noire, d’être légitime en voulant évoquer les émeutes dans les quartiers afro-américains aux États-Unis dans les années 60. F. Dô y parvient pourtant avec deux personnages féminins plus deux musiciens sur le plateau et un personnage masculin en voix off s’exprimant en anglo-américain surtitré. Bien que physiquement absent celui-là n’est pas le moindre atout d’une pièce qui réussit à être crédible tout en se montrant d’une grande sophistication formelle.
Soit donc deux jeunes-femmes-seules-avec-enfant, l’une blanche et l’autre noire. Elles sont voisines, leurs deux filles, inséparables, errent dans la ville pendant que leurs mères s’évertuent à gagner de quoi survivre. L’homme est un vétéran de la guerre de Corée, père de l’une des jeunes femmes. Ces dernières ont une existence tristement ordinaire, éclairée seulement par leur enfant, dans un environnement dominé par la violence, jusqu’à l’explosion finale.
Les personnages se racontent : des anecdotes, des malheurs quotidiens mais qui nous touchent. Cela tient autant à ce qui est raconté qu’à la manière de le dire, à la scansion des voix dans le micro. Et, pour une fois, on ne regrettera pas cette mode du micro qui fait pourtant douter de la capacité des comédiens d’aujourd’hui à se faire entendre naturellement. Car l’amplification des voix et l’accompagnement musical apparaissent ici comme une évidence. Quant à la musique qui mêle les pianos aux percussions et à l’électro, elle est aussi « percutante » qu’originale. Il se confirme par exemple qu’on peut, comme à la fin de la pièce, produire une musique authentique en tapant avec les mains sur le clavier du piano (ce qui n’empêche pas que les deux musiciens sachent aussi jouer du piano).
Juillet 1961, texte et m.e.s. Françoise Dô, interprétation Rosalie Comby, Françoise Dô et Christopher Mack (voix off), musique Sylvain Darrifourcq et Roberto Negro.