Petit aperçu du festival du court métrage de Clermont-Ferrand 2021

– par Janine Bailly –

Un Festival pour nous parler d’aujourd’hui, des autres et de nous !

Présentation :

Du vendredi 29 janvier au samedi 6 février se tenait, en France à Clermont-Ferrand, le Festival International du Court Métrage. Un festival comme tant d’autres condamné par la pandémie à se dérouler en ligne. Puisque dans une grande partie de l’Europe, la culture est, depuis une année déjà, tenue sous cloche, et qu’à la différence de La Martinique où je réside, les salles de cinéma restent, “là-bas”, désespérément obscures, au sens tragique du terme désormais ! Le Festival de Clermont-Ferrand est aujourd’hui la plus importante manifestation cinématographique mondiale consacrée au court métrage. En terme d’audience et de présence professionnelle, c’est le deuxième festival de cinéma en France, après celui de Cannes. Il a permis de découvrir de nombreux réalisateurs qui se sont ensuite lancés dans le long-métrage avec succès – Klapisch, Podalydès, Jeunet, Zonca, Giannoli… Sur le site Arte.tv, il est possible de voir comment se créent les affiches du festival.

Le court métrage, un format souple, qui doit rester inférieur à une heure, pouvant aller d’une poignée d’instants à une durée de cinquante-neuf minutes. Un format qui est au long métrage ce que la nouvelle est au roman, nécessitant de capter vite l’attention du spectateur. Un cinéma en prise avec le réel, et souvent avec le monde d’aujourd’hui, un cinéma qui sait dire beaucoup avec peu, et qui de façon évidente s’inscrit dans l’air du temps. Une des raisons pour lesquelles Mat et les gravitantes, de la française Pauline Pénichout, s’est vu récompensé par Le Grand Prix, le Prix Étudiant et le Prix du Meilleur Documentaire. L’héroïne, Mat, dispose de vingt-cinq minutes pour y revendiquer, en amour, sa liberté et son autonomie. Avec ses amies, elle organise un atelier d’auto-gynécologie dans un squat, à Nantes, le désir étant de se débarrasser dans la joie des assignations auxquelles on les soumet ordinairement. Décider librement de son rapport à soi, à l’autre, à l’amour, au sexe. Ainsi les femmes entre elles « se réapproprient-elles le spéculum, souvent vécu comme une domination médicale », pour « se regarder et se connaître soi-même. Pour remettre en cause les  normes des représentations anatomiques, et les injonctions du plaisir masculin. »

Ce festival 2021 était bien en prise avec l’actualité d’un monde qui, pour être en souffrance, n’en continue pas moins de lutter et de garder espoir. Du simple constat aux formes diverses de résistance, les films retenus, posant la question des rapports hommes/femmes, proposent de « tourner le dos au patriarcat et à son avatar, la violence machiste et ses séquelles traumatiques ». Par souci d’objectivité, d’aucuns critiquent aussi le matriarcat, celui qui hélas perdure en certains pays, et sous prétexte de coutumes à garder, défend le conservatisme. Ne font pas exception à cette remise en cause, propre à engager l’avenir, les courts métrages traitant des problématiques africaines, ou de celles liées aux diasporas. Et pour dire, impliquer, émouvoir et interpeller le spectateur, les réalisateurs disposent du documentaire sans éviter la fiction, gardant aussi à l’esprit que romanesque et souci esthétique, autant que captation et retranscription du réel, servent leur propos… et que le cinéma est un art !

Le site Africultures :

Quand les courts métrages bousculent le patriarcat… On peut voir sur le site les bandes-annonces et les synopsis d’un certain nombre de films présentés au festival.

L’avis du journal L’Humanité :

De splendides figures féminines, des adolescents frondeurs, des hommes en quête de sens, et des points de vue intéressants sur le néocolonialisme ont irrigué cette édition particulière. Sur plus de 8000 œuvres proposées, on aurait pu s’attendre, en raison de la situation sanitaire, à un déferlement d’œuvres interrogeant cette atypique année 2020. Mais si les candidats furent légion, les sélectionneurs n’en ont gardé que deux. Confinés dehors, le premier film de Julien Goudichaud : Printemps 2020. Dans un Paris vidé de sa population, de ses voitures, de son bruit, il reste encore une partie de la population française qui n’a pas d’autre choix que de se “confiner dehors”. Le réalisateur propose une déambulation nocturne émouvante, drôle, tragique et surréaliste, à la rencontre de ceux que l’on nomme les “sans domicile fixe”, dans la ville déserte du printemps dernier. Comment continuer à survivre alors que le monde entier s’est arrêté ? The Nightwalk, d’Adriano Valerio, film franco-italien, explore brillamment un autre versant du confinement en oscillant entre fiction et documentaire : Jarvis, un étudiant britannique, raconte en voix off son arrivée à Shanghai. L’exaltation initiale est rapidement balayée par la réclusion généralisée imposée aux habitants. Au cloisonnement s’ajoute la surveillance incessante dans un pays dont il ne comprend pas la langue.

Le documentaire de Julien Goudichaud présenté par le site Nova :« Restez chez vous… sauf si vous n’en avez pas… »

À rebours de tous les autres sommés de se terrer chez eux, Sarah, Nelson ou Katia, eux, n’ont plus le choix que de vivre, pandémie ou pas, dans les rues de Paris. On les découvre filmés pendant les premières semaines du confinement, où tout est suspendu, sauf la misère de celles et ceux qui sont encore dans la rue,  à la marge de la société. Et qui sont finalement les grands exclus de ce confinement.

Finalement…

On pourrait conclure en affirmant que par bonheur, la créativité ne pâtit pas de la pandémie ! Le Palmarès 2021 en serait à lui seul une preuve suffisante… Et si les films ne sont hélas pour le moment plus visibles, je vous en propose un autre, offert gratuitement en ligne par la Radio Télévision Suisse. Un court documentaire qui fait écho à celui plus long de Julien Goudichaud, mais au titre grammaticalement singulier, Confiné dehors, de Frédéric Choffat :« Genève, avril 2020. Tandis que quelques téméraires se risquent à faire la queue devant les supermarchés, les habitants de la ville se replient dans leur maison, laissant les rues désertes à celles et ceux qui se retrouvent “confinés dehors”. Dans l’attente d’un Godot qui tarde à venir… ». D’une ville à l’autre, la même désespérance pour les uns, la même force de résistance pour les autres…

Fort-de-France, le 2 mars 2021