L'ex-maître des Bouffes du Nord compose, avec Marie-Hélène Estienne, un extraordinaire spectacle sur les mécanismes de la mémoire.
—Par Gilles Costaz —
Peter Brook ne dirige plus les Bouffes du Nord, ce théâtre fantomatique qu’il avait sorti du sommeil en 1974 et auquel il donna une vie historique pendant des années. Mais un artiste comme lui ne peut que mettre en scène les symptômes de sa retraite, pour mieux poursuivre sa recherche et créer de nouveaux spectacles en France et à l’étranger. D’ailleurs, il est de retour aux Bouffes du Nord même, avec un spectacle en anglais, The Valley of Astonishment (La Vallée de l’étonnement), qu’il cosigne avec sa complice de toujours, Marie-Hélène Estienne. Qu’on n’ait pas peur du côté anglais de la soirée, elle est surtitrée, et les acteurs passent de temps en temps au français pour amplifier la connivence.
L’étude d’authentiques cas psychiatriques
Cette Vallée de l’étonnement renoue avec l’un des domaines chers à Brook : le versant scientifique, et particulièrement les recherches autour du fonctionnement du cerveau. Dans ce registre, le spectacle L’Homme avait fait date : il s’inspirait à la fois du livre du neurologue américain Oliver Sacks, L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau, et d’observations faites par Brook dans divers hôpitaux psychiatriques. C’était prodigieux d’intelligence, de clarté et d’invention théâtrale. L’acteur Maurice Benichou y était inoubliable. Cette fois, les cas cliniques dont il est question dans cette nouvelle réalisation, vingt-et-un ans plus tard, ne semblent pas avoir été repérés dans un livre – le spectacle ne porte pas de nom d’auteur, il est donné comme « recherche théâtrale de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne » -, mais ont été sans doute connus et étudiés sur le terrain médical et lors de rencontres avec des neuropsychiatres. Oliver Sacks fait partie des personnes remerciées dans le programme.
En fait, dans cette Vallée, il y a un personnage central – qu’on perd parfois de vue au profit d’autres malades évoqués plus rapidement – qui est l’objet principal de l’étonnement des médecins qui l’entourent. C’est une journaliste dotée d’une mémoire phénoménale. Elle retient tout, les gestes, ce que font les uns et les autres, mais surtout les mots et les sons. Elle peut restituer immédiatement ce qui vient d’être dit ou lu, même si le texte est d’une extrême difficulté ou, au contraire, n’est qu’une suite d’onomatopées. Elle est dotée d’une faculté si incroyable qu’elle doit quitter son travail de journaliste et devient une héroïne de laboratoire des sciences cognitives. Puis elle est engagée dans un music-hall pour répéter les phrases les plus complexes que peut lui lancer le public
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Le Point.fr – Publié le 03/05/2014
The Valley of Astonishment, mise en scène de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne. Bouffes du Nord, tél.: 01 46 07 34 50, jusqu’au 31 mai.