Paris – La méthode d’élaboration des chartes locales qui permettent de réduire les distances de sécurité entre les habitations et les zones d’épandage de pesticides est contraire à la Constitution, a jugé vendredi le Conseil constitutionnel, donnant raison aux ONG écologistes.
Ces chartes d’engagement rédigées au niveau départemental « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants » habitant à proximité des zones concernées, ne respectent pas les règles de la Charte de l’Environnement inclue dans le préambule de la Constitution, qui prévoit une consultation générale du public pour toute décision qui peut avoir un impact significatif sur l’environnement, estime le Conseil.
Après plusieurs mois de polémiques, le gouvernement avait finalement en décembre 2019 fixé les distances minimales à respecter entre les zones d’épandage de produits phytosanitaires et les habitations: cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et céréales et dix mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes.
Mais le décret prévoyait également des dérogations ramenant ces distances à trois mètres pour les cultures hautes et cinq pour les basses, dans le cadre de « chartes d’engagement départementales » proposées par les utilisateurs de produits phytosanitaires et validées par les préfets après avoir été soumises à concertation publique. Chartes qui prévoient notamment que l’agriculteur utilise des équipements limitant la dérive, c’est-à-dire le dépôt en dehors des zones traitées.
De nombreuses associations environnementales, dont Générations Futures et France Nature Environnement, avaient saisi le Conseil d’Etat en 2020, dénonçant des chartes qui selon elles ne protégeaient pas suffisamment les riverains.
Le 4 janvier dernier, le Conseil d’Etat a finalement saisi le Conseil constitutionnel d’une « question prioritaire de constitutionnalité » sur cette question.
C’est la méthode d’élaboration de ces chartes que le Conseil constitutionnel a invalidé vendredi.
« Les dispositions contestées se bornent à indiquer que la concertation se déroule à l’échelon départemental, sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public à l’élaboration des chartes d’engagements« , écrit-il dans sa décision.
« D’autre part, le fait de permettre que la concertation ne se tienne qu’avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées par des produits phytopharmaceutiques, ne satisfait pas les exigences d’une participation de +toute personne+ qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement« , poursuit-il. Par conséquent, ces dispositions « doivent être déclarées contraires à la Constitution« .
C’est un nouveau rebondissement dans une affaire qui fait polémique depuis plusieurs années.
En juin 2019, le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’un arrêté de 2017 réglementant l’utilisation des produits phytosanitaires ne protégeait pas suffisamment la santé des riverains ni l’environnement, obligeant l’Etat à revoir sa copie.
D’où les nouvelles mesures prises fin 2019 dans un contexte de fronde de maires et de collectivités locales qui avaient multiplié les arrêtés limitant ou interdisant l’usage de pesticides sur leur territoire. Dans ce volet de l’histoire, le Conseil d’Etat a définitivement jugé fin 2020 que les maires n’avaient pas le pouvoir de prendre de tels arrêtés d’interdiction, la règlementation des produits contestés relevant des prérogatives de l’Etat.