— Par Jean-Marie Nol —
Au delà des questions sanitaires, l’épidémie de Covid-19 et le confinement ont provoqué un élan de remises en question du modèle économique qui régit nos sociétés. Mondialisation, sur-consommation, souveraineté sanitaire et alimentaire, révolution technologique, renouveau du thème de l’identité nationale, retour de l’autoritarisme … Autant de sujets que la crise a replacé sur le devant de la scène. L’année 2021 aura été marquée par un triple choc sanitaire, économique et financier pour les collectivités et entreprises (perte durable de recettes et de chiffre d’affaires). Le CEROM vient de publier une nouvelle étude sur les comptes économiques de la Guadeloupe et c’est un euphémisme de dire que la situation économique n’est pas réjouissante. La reprise d’activité de l’économie guadeloupéenne observée depuis 2014 suite à la chute brutale de la croissance en 2009 (– 4,8 %) a donc été stoppée. La croissance économique de la Guadeloupe recule ainsi à – 4,9 % en volume, après le ralentissement amorcé l’année précédente ( + 0,5 % en 2019 après + 1,3 %). Elle reste néanmoins supérieure à la dynamique nationale (– 7,9 %). Avec une croissance qui diminue respectivement de 3,9 % et de 2,7 %, les économies de la Martinique et de la Guyane résistent mieux.
La consommation des ménages, habituel moteur de la croissance, diminue de manière contrainte de 4,8 % par rapport à 2019 contribuant pour plus de la moitié au recul de la croissance. En parallèle, les dépenses publiques (hors investissements)
augmentent de 0,9 % et enrayent légèrement la baisse du PIB de 0,4 point. Les investissements en hausse depuis 3 ans sont en net recul (– 9,5 %) face aux incertitudes liées au contexte.
Malgré les baisses significatives des volumes d’importations (– 12,5 %) et d‘exportations (– 34,7 %), le déficit commercial de la Guadeloupe envers le reste du monde continue de se creuser mais à un rythme moindre que l’année précédente. Il contribue
modérément à la baisse du PIB (- 0,6 point). Notre défi actuel est de surmonter la crise du Covid et préparer l’avenir de la Guadeloupe à horizon 2030.
Cette crise induite par la pandémie de Covid est le signe que notre modèle économique actuel touche à sa fin. On peut espérer un scénario positif, ou une issue plus négative où la seule économie qui sorte de cette crise soit celle d’un dirigisme sans pareil.
On constate ainsi que tout cela se traduit par des changements de tendance économique qu’il faut savoir décrypter et intégrer rapidement. Pour cela il n’a jamais été aussi urgent de mobiliser les experts économistes pour mieux comprendre les grands enjeux sociétaux du 21ème siècle, notamment ceux de la révolution technologique, de la transition énergétique et du développement des compétences éducatives collectives pour augmenter la maîtrise de chacun et appréhender les changements à venir. Ces enjeux d’aujourd’hui doivent être revisités par la prospective. Telle doit être l’ambition de nos responsables politiques avec pour projet celui d’anticiper les défis à relever notamment le développement de l’économie à partir de la production locale de l’énergie verte , afin de construire l’économie de la Guadeloupe de demain.
Quelle sera l’image de la société guadeloupéenne en 2030 ?
Dans un avenir proche, la Guadeloupe peut-elle s’inscrire aisément dans ce potentiel de richesse qui découle de la production d’énergie verte ? Oui, à notre sens, car l’énergie renouvelable en Guadeloupe représente un vrai potentiel de croissance pour relever les défis du développement durable. La bioénergie en particulier a été promue comme l’un des moyens pour améliorer l’accès de la sécurité énergétique et de l’énergie et peut-être atténuer le changement climatique. La Guadeloupe a une carte majeure à jouer dans ce contexte car des inquiétudes quant à l’épuisement des combustibles fossiles et l’imminence d’un « pic pétrolier » surgissent en ce moment partout dans le monde avec au surplus une forte augmentation des prix du gaz et du pétrole.
Le paysage sociologique et technologique de la société Antillaise est en évolution, et nul doute qu’il y aura disruption dans l’économie et surtout dans la culture , aussi les hommes politiques et les chefs d’entreprises doivent relever le défi de s’adapter aux transformations, car le désordre social et la politique de la terre brûlée par les syndicats guettent en Guadeloupe, et un vieux proverbe créole me revient à l’esprit : » Sa ki ka maché bo twotwa ka tonbé an dalo ». (Ceux qui marchent sur le bord du trottoir tombent dans le caniveau.)…. Il ne faut pas jouer avec le feu, car un ordre social nouveau émergera maintenu avec une autorité très ferme , en échange de la protection de l’État providence via des services publics renouvelés. Par ailleurs, on verra surgir une forme de néo-traditionalisme qui refondera l’identité nationale. En France hexagonale , on pourrait imaginer un Gaullisme 2.0, avec une variante négative clairement autoritaire, déjà en germe dans le pays. L’autorité de l’Etat sera réaffirmé avec force.
Cela peut notamment être aussi le cas en Outre-Mer face à la rupture provoquée par la quatrième révolution industrielle , d’autant que les esprits rationnels savent que la résistance à cette mutation de la société est inutile et irréaliste. L’accouchement sera douloureux, et la tension sera la règle : précarisation, troubles sociaux, violence et anxiété y seront omniprésentes. La révolution numérique, la robotisation, l’intelligence artificielle, les innovations technologiques, la transition énergétique, les nouveaux usages de l’e commerce et du télé-travail transformeront nos vies personnelles et le monde de l’économie : nous devons relever ces nouveaux défis en imaginant un nouveau modèle économique et social . Pour ce faire, la Guadeloupe doit résolument tourner son regard vers la transition écologique et surtout énergétique. Dans ce domaine, elle possède de nombreux atouts qui peuvent l’installer sur le podium du pays le plus riche de la Caraïbe voire en faire un potentiel petit Dubai sur le continent américain . L’avenir de notre pays, son dynamisme économique durable dépendent de notre capacité à fédérer tous ses talents. Selon Emmanuel Macron qui a présenté. ce mardi 12 février 2021 un plan d’investissement d’avenir pour la France de 2030, « Nous vivons une immense accélération du monde, des innovations et des ruptures »
Pour enrayer autant que faire se peut, le déclin de la France, Emmanuel Macron a annoncé un plan d’investissement de 30 milliards d’euros sur cinq ans visant à développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir en France. Selon le chef d’État, la transition énergétique doit être le centre de cette nouvelle stratégie. Nul doute que, en nos temps troublés, les idées contenues dans le plan d’investissement de 30 milliards vont prendre un nouveau relief. Les élus guadeloupéens doivent s’emparer d’une fraction de cette manne financière pour faire valoir une nouvelle approche du développement durable de la Guadeloupe à partir de la révolution énergétique en cours actuellement dans le monde. Il s’agit pour le pouvoir central de faire émerger dans notre pays les champions de demain dans les domaines numériques, de l’industrie verte, des biotechnologies, de l’exploitation de métaux rares du sous sol marin ou encore de l’énergie durable .
L’enjeu est de faire émerger des technologies «de rupture» dans le domaine de l’énergie en Guadeloupe. En effet l’énergie est un facteur de production fondamental . En général, sa consommation augmente en lien avec la croissance des activités économiques. C’est un enjeu majeur de la « croissance verte ».L’énergie est à la base de tout développement. De la disponibilité de l’énergie dépend la satisfaction de tous les besoins humains fondamentaux – l’eau, l’alimentation, la santé, l’éducation. Pour tous les habitants de la planète, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, sans énergie il n’y aurait pas d’eau potable, pas d’hôpitaux, pas d’écoles, pas de logements, pas de moyens de transports…
Donc, on voit l’importance de l’énergie dans le développement d’un pays, et à notre sens la Guadeloupe peut prétendre à développer plusieurs sources d’énergie propres comme l’hydrogène et l’ethanol à partir de la géothermie. Dans la pratique, on sous-estime souvent la complexité des aspects émotionnels, financiers, fiscaux et juridiques d’un nouveau modèle de développement économique . Pour maîtriser ces sujets compliqués et garantir ainsi la valeur de l’entreprise à accomplir , le facteur temps est d’une importance cardinale.Mais ce qu’il faut retenir, c’est que en ces temps de pandémie, la situation actuelle de l’économie de la Guadeloupe est trompeuse, elle nous offre des faux airs de calme plat, alors qu’en réalité elle nous éloigne d’une réalité mi-chèvre mi-chou. Covid ou pas, on n’y voit plus clair du tout : Mieux accompagner les entrepreneurs et non faire du saupoudrage à fonds perdus, anticiper les mutations de l’économie et préparer aux ruptures sociétales à venir… Telle doit être l’ambition de nos responsables politiques avec pour projet celui d’anticiper les défis énergétiques à relever afin de construire la Guadeloupe de demain.
La Guadeloupe connaît actuellement une période charnière de son histoire entre un monde qui se meurt et le nouveau qui se cherche. La capacité de ce pays à s’adapter à ce changement déterminera grandement son avenir économique, démographique, social et sociétal.
Jean-Marie Nol économiste