Le codirecteur du Théâtre national de Toulouse transporte les spectateurs dans un rêve éveillé. Son Songe d’une nuit d’été est simplement magique.
—Par Marie-José Sirach —
Toulouse,
envoyée spéciale. Il est des spectacles dont on sort si enthousiaste et heureux, qui vous transportent au pays des merveilles. Des spectacles qui vous emplissent de bonheur. Ce Songe d’une nuit d’été, mis en scène par Laurent Pelly, est de cette trempe-là.
Féerique, magique, on en prend plein les mirettes, on éclate de rire, passant de cette cour d’Athènes revisitée par un Shakespeare plus facétieux que jamais avec ces ancêtres grecs à la sombre forêt peuplée de fées, de djinns et autres créatures étranges. Chaque personnage, quel que soit son statut dans cette société tourneboulée, a son importance, se laisse emporter par les passions amoureuses, ses humeurs et ses désirs. Cette humanité croquée par le dramaturge bouscule l’ordre social sans en avoir l’air, défait les codes de bonne conduite, offre aux jeunes gens des combinaisons de liberté à travers les chemins obscurcis de la forêt qui, d’étrange et énigmatique, devient un élément réconciliateur. Bien sûr qu’un coup de pouce des fées et autres magiciens est bienvenu. Filtres d’amour, sorts jetés à la va-vite, métamorphoses… La loi des hommes ne vaut rien sans cette part de merveilleux. La loi des hommes ne peut rien face aux amours en fleur des jeunes gens.
De la cour d’Athènes au royaume de la forêt
Shakespeare s’amuse comme un gamin, mêlant allègrement plusieurs histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres avec une virtuosité à couper le souffle. On a beau le savoir, on est toujours sous le charme de cette inventivité dramaturgique d’autant qu’elle éclate ici avec force par l’entremise d’une scénograpghie aussi savoureuse qu’inventive. Laurent Pelly, qui signe la mise en scène, les décors et les costumes, ne s’interdit rien, ose tout sans jamais trahir le texte. Au contraire, il le sublime, le donne à entendre dans un parti pris chorégraphique qui repose à la fois sur les critères du théâtre, du music-hall et de la comédie américaine qui fit la gloire de la Metro Goldwyn Mayer. Les lumières – de Michel Le Borgne –, clinquantes ou intimistes, soyeuses ou violentes, participent de cet enchantement. Dans cet espace totalement ouvert et presque vide, Pelly utilise toute la surface du plateau vide dont l’immensité est amplifiée par un subtil jeu de miroir qui reflète à l’infini les corps des acteurs. Ils sont une trentaine (dont la moitié des élèves du conservatoire de Toulouse), on a l’impression qu’ils sont encore bien plus nombreux. Tous formidables, jouant sans fausse note, totalement en phase avec leurs personnages. Et l’on se régale de passer d’un univers à l’autre, de la cour d’Athènes au royaume de la forêt sans compter l’irruption d’une bande d’apprentis comédiens qui roulent en Mobylette avec fluidité tant l’onirisme et l’imaginaire rivalisent d’ardeur dans cette réalisation joyeuse, loufoque et sacrément intelligente. Fly Me To The Moon, avec Sinatra et Pelly…
Au Théâtre national de Toulouse jusqu’au 19 avril. Rés. : 05 34 45 05 05.
Marie-José Sirach
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