— Par Hélène Lemoine —
Pedro Soler, né Pierre Alfred Genard, s’est éteint le samedi 3 août 2024 à l’âge de 86 ans à Molitg-les-Bains, où il séjournait régulièrement. Ce grand nom du flamenco, domicilié à Banyuls-sur-Mer, avait donné un dernier concert la semaine précédente au festival de la Rectorie, accompagné de son fils, le violoncelliste Gaspar Claus.
Né le 8 juin 1938 à Narbonne, Pedro Soler a grandi à Toulouse, dans les quartiers où résidaient de nombreux républicains espagnols exilés. Dès l’âge de 17 ans, il commence à se produire sur scène aux côtés de musiciens de flamenco confirmés, notamment grâce à l’enseignement de José Maria, un guitariste gitan réfugié de Grenade.
Pedro Soler s’est imposé comme une figure majeure du flamenco, reconnu pour son jeu « pur » et « archaïque ». Il a été l’un des rares non-gitans à être pleinement accepté dans ce monde exigeant. Son talent lui a permis de jouer aux côtés des plus grands artistes du flamenco comme La Joselito, Pepe de la Matrona, Juan Varea, Enrique Morente, et Jacinto Almaden, qui l’a invité à participer à ses tournées internationales.
Sa carrière, marquée par une intégrité et une sincérité rares, l’a conduit à se produire sur les scènes les plus prestigieuses. Jean-Louis Barrault, célèbre metteur en scène, disait de lui : « Parmi toutes les guitares qui chantent et font danser dans le monde, il en est une singulièrement pure, celle de Pedro Soler. »
Pedro Soler a également marqué les esprits par ses collaborations variées, que ce soit avec des artistes de la scène flamenca, des musiciens de world music, ou des poètes et acteurs. Il a enregistré plusieurs albums mémorables, dont « Les Riches Heures du Flamenco » en 1963, et a multiplié les duos avec des artistes comme Germaine Montero, Maria Casarès, et plus récemment avec son fils Gaspar Claus sur l’album « Barlande » en 2011.
Très recherché pour l’accompagnement de la danse, il a travaillé avec des danseuses telles que Carmen Amaya et La Chunga, bien que ce soit surtout La Joselito qui ait profondément influencé son style. Sa capacité à relever des défis insensés, comme jouer dix concerts d’affilée sans sono au Théâtre Montmartre Galabru en 2009, témoigne de son dévouement et de sa passion pour le flamenco.
Pedro Soler était également connu pour sa générosité et son ouverture d’esprit. Guy Bertrand, proche du groupe Tekameli, se souvient de lui comme d’un « connecteur », quelqu’un qui mettait les gens en relation et qui avait toujours un conseil ou une histoire à partager. En avril dernier, il avait encore donné un grand concert au théâtre de Perpignan en hommage au professeur Bernard Leblon.
Artiste jusqu’à son dernier souffle, Pedro Soler a célébré ses 80 ans entouré d’amis et d’admirateurs venus du monde entier. En février 2024, il avait accompagné le lever de soleil au Mémorial du camp de Rivesaltes avec Anne Alvaro et son fils Gaspar Claus, rendant ainsi un dernier hommage à Antonio Machado.
Sa vie privée était tout aussi riche, partageant son amour de l’art avec ses enfants, Gaspar Claus, violoncelliste, et Clara Claus, artiste peintre et vidéaste. Il vivait à Banyuls-sur-Mer, où il continuait à jouer et à inspirer ceux qui l’entouraient.
Pedro Soler laisse derrière lui un héritage immense et une influence durable sur le monde du flamenco et au-delà. Son jeu singulier et sa personnalité attachante continueront de résonner dans les cœurs de ceux qui l’ont connu et admiré.