Vendredi 28 avril 19h30 – Tropiques-Atrium – Salle Frantz Fanon
—– Par Selim Lander —
Vu cette pièce devant un public de collégiens et cela ne pouvait mieux tomber tant elle paraît s’adresser en priorité au « jeune public ». Patinage qui ne cache pas certaines violences sociales ou intimes de notre temps, qui est faite en même temps pour divertir, se termine en effet sur une note moralisatrice qui ne fera pas de mal à une jeunesse souvent privée de boussole.
« Patinage » ? C’est l’obsession de la mère qu’elle transmettra pour un temps à sa fille. Car cette dernière, jalouse de la plus douée de sa petite classe d’apprenties patineuses, l’aura fait volontairement tomber, lui cassant la cheville au moment où débutait un concours. Il y a également un fils qui a disparu après que le père ait abandonné le domicile familial en emportant la caisse de l’entreprise. La mère est désormais malade, elle ne quitte pas son canapé, les yeux rivés sur sa télévision en vitupérant qu’elle veut voir davantage de retransmissions du patinage artistique. C’est sa fille, désormais mariée à une autre femme, qui s’occupe d’elle alors qu’elles sont incapables de communiquer. Le fils, pour autant qu’on le sache, fait partie des black blocs à moins qu’il ne soit vendeur de chaussures. Un black bloc a d’ailleurs fracassé la devanture d’un marchand de chaussures et arraché la main du vendeur. Voilà pour les violences intimes et sociales. Les secondes sont du ressort de la politique, également présente sur le plateau avec d’une part un journaliste et le Président lui-même qui débite des discours creux comme de juste et se paye même une visite impromptu chez une électrice, en l’occurrence la mère.
Deux comédiennes jouent respectivement la mère (Emmanuelle Ramu) et la fille (Astrid Bahia), deux comédiens sont mobilisés pour interpréter le fils + black bloc + vendeur (Julien Masson), le journaliste + Président (Gilles Nicolas).
La M.E.S. suit le texte qui évolue entre le drame et le loufoque pour s’achever dans un beau moment d’émotion entre mère et fille réconciliées. Le jeu de Gilles Nicolas qui interprète le président juché sur des souliers d’hommes mais à très hauts talons est particulièrement physique et spectaculaire. Le fils porte la tenue du black bloc sur le sentier de la guerre, cagoule comprise qu’il ôtera pour jouer le vendeur. Pas le moindre canapé ni poste de télé sur le plateau, pas plus que tout autre accessoire (à l’exception toutefois d’un micro dont useront par moments G. Nicolas et J. Masson) : Emmanuelle Ramu, juchée elle aussi sur des souliers à talon, mais scintillants comme sa robe, reste debout engoncée dans un épais manteau sans bouger de sa place du début à la fin du spectacle, une performance tout aussi physique et impressionnante. Le plateau est entièrement nu, pendilles ôtées, il n’y a donc pas de coulisses, les trois comédiens qui n’interviennent pas constamment demeurent néanmoins présents à l’arrière plan.
Tout cela est bien enlevé. On espère que la morale finale – « parlons-nous ! » – ne tombera pas dans l’oreille de jeunes sourds. On peut simplement regretter les quelques longueurs d’un texte parfois trop bavard.
Fantaisie de la compagnie Théâtre des Deux saisons est coproduite par Tropiques Atrium, Fort-de France. Séance tout public le 28 avril 2023 à 19h30.