Pathos et révélation au détriment de la sociologie

 — Par Jean-Marc Terrine, auteur —
C’est quoi être sociologue?

Dans une définition simple, le « sociologue essaie de comprendre et d’expliquer les mécanismes qui régissent l’organisation et l’évolution de la société, en particulier les phénomènes et comportements sociaux « .

Dans l’article de l’écrivain sociologue André Lucrèce, paru sur Madinin’Art, à propos de l’exposition d’art contemporain du Bénin ; on est loin de la posture de cet enquêteur du social.

On ne voit pas dans le texte une démarche sociologique qui cherche à comprendre le fonctionnement de la société.
Ni qui cherche les indices qui pourraient RÉVÉLER, après analyse et croisement des informations recueillies, tenter de comprendre les individus qui critiquent cette relation entre un chef d’État du Bénin et un groupe économique béké, GBH.

Comment un sociologue, qui sans interroger le réel, sort de son chapeau quelques fragments de la pensée d’un penseur, Franz Fanon, pour en faire une révélation-vérité dans une sorte de conclusion hâtive, empreinte davantage de pathos?

C’est étrange qu’il affirme sans questionner et rechercher pourquoi des Martiniquais qui désapprouvent cette rencontre? Et pourquoi seraient-ils de l’autre bord?

De quel bord parle-t-il?

Selon notre sociologue, qui évite l’enquête, il nous sort de sa pensée ou plutôt d’un penseur, la recette sociale simple et idéale, le remède social pour faire le passage vers l’autre bord.

Et bien sûr, sans comportement moraliste, il “sermonne” tout de même ces gens immatures et identitaires, qui seraient campés sur l’histoire pour les inviter à « sortir de l’âge de la colère et de la régression ».

On dirait que cette question sociale semble simple pour l’apôtre-sociologue. Il suffirait de faire ce pas par une lecture sélective de Fanon.
Et faire de son œuvre, un nouveau bréviaire ou une parole d’évangile pour passer à l’autre-bord.

Est-ce que notre sociologue, peut-être trop pressé et empressé de donner son point de vue, ne s’est pas suffisamment interrogé sur cette situation complexe : l’absence d’excuses des descendants esclavagistes et de l’État français, de véritables politiques de redistribution pour un développement ou « réparaction » comme le dit un artiste, la question de la concurrence, la formation des prix ( pièces détachées, produits alimentaires…), les lieux mémoriels et cimetières d’esclaves sans poteaux indicateurs, les anciennes habitations qui continuent d’être des tiroirs caisses ( entrées, rhum et produits dérivés, image et marketing, subventions…).

Qu’est- ce qu’il analyse dans cet article ?

On ne voit qu’une affirmation
pleine d’emphase, un point de vue et une invitation à changer de bord?

Vive la sociologie qui interroge encore le réel pour révéler les choses sociales et aider à débloquer une société bloquée par un inventaire, des questions, des pistes pour avancer autrement.

Schoelcher le 22 décembre 2023

Jean-Marc Terrine
Auteur