« Pascal et Descartes » : une joute philosophie-fiction qui frôle l’intransigeance et… parfois l’ennui

Entre croire et savoir

Dans Pascal et Descartes de Jean-Claude Brisville, le débat central oppose le croire au savoir, révélant une ligne de fracture profonde entre les deux philosophes. Ce dialogue, qui pourrait bien illustrer la dualité universelle entre la foi et la raison, cristallise des visions du monde divergentes : Pascal, dévot et tourmenté, valorise la foi comme la seule véritable connaissance, tandis que Descartes, rationnel et méthodique, place la raison et le doute méthodique au cœur de sa quête de vérité.

Croire pour Pascal, c’est accepter la part d’inconnu et l’insondable, qui échappent à la science et à la logique humaine. Pour lui, la foi n’est pas une absence de pensée, mais un chemin parallèle, une conviction qui repose sur une « chaleur » intérieure que Descartes ne peut appréhender. Ce sentiment est indissociable de l’idée d’abandon, de l’acceptation de limites que l’homme doit reconnaître dans la compréhension du divin et de l’éternel.

Savoir, pour Descartes, repose sur une démarche intellectuelle où l’observation et le raisonnement permettent d’atteindre une forme de certitude. Le philosophe voit dans le doute un outil qui écarte les illusions et les fausses certitudes, amenant l’esprit à progresser vers des vérités démontrables. Sa quête de connaissance s’appuie sur une confiance inébranlable en la capacité humaine de comprendre le monde, de l’explorer et de le maîtriser.

Ce dialogue fictif explore donc les tensions entre la foi et la raison, opposant un Descartes plus accessible et un Pascal radical, presque mystique, dans leur perception de la vérité. Peut-on croire sans savoir, ou savoir sans croire ? Brisville pose la question, sans forcément trancher. Ce débat reste ouvert, traversant les siècles comme un questionnement intemporel, soulignant que le « croire » et le « savoir » ne sont pas toujours conciliables, mais également que l’un sans l’autre peut sembler insuffisant pour appréhender la complexité humaine.

La mise en scène des Mesguich

Pascal et Descartes de Jean-Claude Brisville, mis en scène par Daniel et William Mesguich, laisse dubitatif malgré la richesse de son sujet. La pièce imagine l’unique rencontre de deux figures centrales de la philosophie, Pascal et Descartes, mais sa mise en scène et son style suscitent des réserves notables. Si l’ambition du texte est saluée, on regrettera une mise en scène monotone qui peine à insuffler du rythme à ce duel d’idées.

Les choix d’interprétation des Mesguich, père et fils, suscitent eux aussi des réserves. William Mesguich, dans le rôle de Pascal, adopte un jeu intense qui vire à l’austérité intransigeante, frôlant parfois une caricature presque doctrinaire. Son Pascal apparaît figé dans une posture dogmatique, ce qui empêche certains spectateurs de saisir toute la profondeur de son personnage. Les aphorismes de Pascal, bien que postérieurs à cette rencontre, auraient pu être intégrés pour enrichir le dialogue, car le théâtre n’est pas contraint par la chronologie. À l’inverse, Daniel Mesguich interprète un Descartes plus nuancé et accessible, séducteur dans son scepticisme et sa rationalité. Cette opposition nette entre un Descartes calme et un Pascal tourmenté manque cependant de subtilité, réduisant le dialogue à une confrontation rigide et rendant l’argumentation de Pascal moins convaincante face à la cohérence posée de Descartes.

L’austérité scénique, marquée par un décor minimaliste et des éclairages tamisés, accentue l’impression d’immobilisme. Ce choix, bien qu’immersif, se fait au détriment de la dynamique nécessaire pour maintenir l’engagement du public. Cet effet statique est d’autant plus renforcé par la densité du dialogue philosophique, exigeant une attention soutenue qui peut décourager les spectateurs moins initiés à la pensée des deux philosophes.

Enfin, on regrettera que la pièce n’établisse pas suffisamment de liens avec des problématiques contemporaines, un manque qui renforce son caractère élitiste et figé dans le XVIIe siècle. Pour un public actuel, la complexité philosophique de l’échange pourrait être mieux mise en valeur par des parallèles plus explicites avec des débats actuels sur la science, la foi, et la raison.

Pascal et Descartes propose une plongée dans les confrontations intellectuelles de deux génies, mais son exécution laisse insatisfaits. Malgré l’intensité de la thématique et le talent des Mesguich, la pièce souffre d’un manque de fluidité et d’accessibilité, qui limite son impact auprès d’un public plus large.

M’A