— Par Selim Lander —
Pas vu pas pris, qui ne dit mot consent et autres croyances populaires, libre interprétation de Liars Club de l’auteur américain Neil LaBute (voir photo) par Adelin Flaun qui en assure la mise en scène.
Quatre jeunes comédiens racontent à la première personne et à tour de rôle une horreur vraie ou inventée dont ils se seraient ou non rendus coupables, quatre monologues qui mettent obligatoirement en évidence les aptitudes de chacun. Or, si l’on pourrait être tenté de comparer leurs mérites et d’établir un classement, on y renonce bien vite, tant il est évident qu’ils sont tous capables, chacun dans son genre, de captiver le public. Ils sont donc quatre, deux Martiniquaises et deux allogènes, produits du Jeune Théâtre National (JTN pour les initiés). On connaît déjà bien Jann Beaudry (dont on a remarqué en particulier l’interprétation en solo de Jaz de Koffi Kwahulé), Steffy Glissant s’est produite tout récemment dans Le Monstre d’Agota Kristof. Antoine Prudhomme de la Poussinière et Clara Lama Schmit sont des nouveaux venus sur la scène martiniquaise. Une mention spéciale pour la dernière citée qui interprète un homme avec un tel réalisme qu’on s’y laisse prendre. Mais ce choix de la part d’A. Flaun n’est qu’un exemple d’une M.E.S. volontairement fantaisiste qui bascule constamment entre le drame et la parodie.
De ces quatre histoires, deux sont à la limite du vraisemblable, une autre est une simple question de pas de chance (comment un geste apparemment sans gravité peut entraîner une conséquence désastreuse), la dernière une affaire d’adultère plutôt banale. Elles sont racontées sur un mode réaliste qui se trouve néanmoins démenti par la bonne humeur du quatuor, lequel ne se prive pas, entre chaque monologue, de faire le show. On n’a donc guère le temps de s’apitoyer sur le sort des victimes. Et puis, de toute façon, ces jeunes gens sont trop sympathiques pour avoir commis les méfaits qu’ils nous racontent.
A. Flaun a distribué les rôles : il y a le grand garçon à la faconde d’animateur télé (A. Prudhomme), le petit monsieur, teigneux comme de juste (C. Lama), la demoiselle toute en séduction (S. Glissant) et la paumée de service qui finit par se réveiller (J. Beaudry). On admire comment chacun s’est glissé dans son personnage et l’on sort de ce spectacle euphorisé, ce qui n’était pas gagné vu le thème de chaque récit. Et peut-être, malgré tout, aura-t-on pris davantage conscience de la violence de certains comportements dont nous pourrions, nous aussi, nous rendre coupables.
Comme il est devenu coutumier, l’éclairage est parcimonieux et fait appel ici à des rampes diffusant une lumière bleutée. Cela peut contribuer, en l’occurrence, à créer une intimité renforcée entre le plateau et les gradins.
Mais fallait-il vraiment commencer par une mise en condition des spectateurs avec des questionnaires et des petits jeux ? Cela n’apporte pas grand-chose, tout en imposant une jauge réduite que la suite de la pièce ne justifie en aucune façon.
Festival des Petites Formes, Tropiques-Atrium, 22 et 26 janvier 2018.