Parlementaire, élu aux régionales et… toujours cumulard

stop_cumulLe 13 décembre dernier, 92 parlementaires français ont été élus aux élections régionales. Parce qu’ils détiennent depuis deux mandats locaux, 42 d’entre eux sont tenus par la loi contre le cumul des mandats de renoncer à au moins une de leurs fonctions.

Pourtant, plus d’un mois après le scrutin, certains ne se sont toujours pas prononcés.

Les textes de lois, promulgués le 14 février 2014, prévoient d’interdire aux députés et sénateurs d’exercer :

  • les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire,
  • les fonctions de président de l’Assemblée de Corse, de président et de vice-président des assemblées et conseils des collectivités d’outre-mer,
  • les fonctions de présidents et de membres des conseils exécutifs de Corse, de Martinique, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon,
  • les fonctions de président et de vice-président des conseils régionaux, départementaux et des établissements de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre,
  • les fonctions de président, de vice-président et de membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française,
  • les fonctions de président et de vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie,
  • les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire,
  • plus largement, les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi .

Est-ce le cas de votre député ou de votre sénateur ?

Découvrez-le grâce à notre base de données et, le cas échéant, demandez-lui directement de choisir via Twitter.

 

Lire aussi :Cumul des mandats : une pratique restreinte à compter de 2017

Deux textes de loi visant à interdire à un parlementaire d’exercer simultanément une fonction de chef ou d’adjoint d’un exécutif local (maire, adjoint au maire, maire d’arrondissement, conseiller municipal délégué, président ou vice-président de conseil régional, de conseil général ou d’établissement de coopération entre collectivités territoriales) ont été promulgués le 14 février 2014 pour tenter de corriger une pratique qui fait de la France une exception en Europe.

Sur la toile publique Rapports Discours

Le cumul des mandats concerne la plupart des députés et sénateurs

Aujourd’hui, comme tout au long de la cinquième République, une grande majorité des parlementaires sont en situation de cumul de mandats. En 2012, 476 députés sur 577 (82%) et 267 sénateurs sur 348 (77%) exerçaient au moins un autre mandat électif. Ces parlementaires étaient le plus souvent à la tête d’un exécutif local : 261 députés (45%) et 166 sénateurs (48%) étaient soit maire, soit président de conseil général, soit président de conseil régional.

Ces chiffres font de la France une exception en Europe, où la proportion d’élus en situation de cumul ne dépasse pas 20%. En Italie, 16% des parlementaires exercent au moins un autre mandat, ils ne sont que 15% en Espagne, 13% en Grande-Bretagne et 10% en Allemagne.

Pourtant, plusieurs limitations ont été posées au cumul des mandats. Les principales règles en la matière ont été posées par la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux (concernant les parlementaires nationaux) et par la loi du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d’exercice (incompatibilités applicables aux élus locaux, aux députés européens et incompatibilités entre fonctions exécutives locales).

Il est ainsi interdit d’être à la fois député et sénateur, député et député européen. En outre, un député, un sénateur ou un député européen ne peut exercer plus d’un des mandats suivants : conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller municipal d’une commune d’au moins 1000 habitants. Le cumul entre un mandat de parlementaire national ou européen et une fonction exécutive locale (président de conseil régional, président de conseil départemental, président du conseil exécutif de Corse, maire ou maire d’arrondissement) est toutefois autorisé. En revanche, les fonctions de président de conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président de conseil départemental, maire et maire d’arrondissement sont incompatibles. Enfin, il n’est pas possible de cumuler plus de deux mandats locaux parmi ceux de conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller municipal. Ces interdictions n’empêchent pas a priori l’élection, mais elle impose a posteriori un choix au député ou au sénateur. S’agissant des députés européens et des élus locaux, ils ont l’obligation d’abandonner leurs mandats les plus anciens.

Parallèlement, la pratique de nombreux gouvernements successifs a instauré dans les faits une nouvelle interdiction de cumul : les ministres doivent renoncer à leurs fonctions exécutives locales. Certains partis politiques (Europe écologie-Les Verts, Parti socialiste) ont par ailleurs adopté des règles de non-cumul des mandats (limitation du cumul dans le temps ou selon nature des fonctions exercées) qui s’imposent à leurs membres élus.
Les termes du débat

Deux missions de réflexion, mises en place par les présidents de la République Nicolas Sarkozy et François Hollande, se sont prononcées en faveur de la limitation du cumul des mandats.

En 2007, le « Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions » présidé par Edouard Balladur préconise d’interdire le cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions exécutives locales afin d’accroître la disponibilité des parlementaires et d’accompagner ainsi le renforcement du poids du Parlement au sein des institutions de la Ve République. Cette proposition n’est toutefois reprise ni par le projet de loi constitutionnelle soumis au Parlement, ni par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

En novembre 2012, « la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique », présidée par Lionel Jospin, préconise d’interdire le cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale, ainsi que le cumul d’une fonction ministérielle et l’exercice de toute fonction locale (mandat exécutif et mandat simple). La Commission considère que la limitation du cumul des mandats constitue la « pierre de touche » d’une rénovation de la vie publique et qu’elle est un élément majeur dans la restauration de la confiance des citoyens envers leurs élus. Cette mesure permettrait de restreindre les situations de conflits d’intérêt que crée le cumul des mandats. En outre, elle pourrait favoriser le renouvellement du personnel politique.

Cette proposition est cependant très discutée. Des parlementaires sont opposés à l’interdiction du cumul car l’exercice d’un mandat local permettrait un ancrage sur le terrain, garant d’une meilleure connaissance des réalités. D’autres souhaitent que le cumul reste autorisé pour les seuls sénateurs puisque le Sénat représente les collectivités territoriales.
Le contenu de la loi de 2014

La réforme présentée en Conseil des ministres le 3 avril 2013 est destinée à prendre en compte « les conséquences du mouvement de décentralisation des trente dernières années », « l’accroissement de la charge de travail du Parlement » issu de la réforme constitutionnelle de 2008 et la nécessité de « moderniser la vie publique française » (conclusions de la Commission de déontologie de la vie publique).

Deux textes ont été élaborés : une loi organique concernant les députés et sénateurs et une loi ordinaire pour les députés européens. Ces textes, promulgués le 14 février 2014, prévoient d’interdire aux députés et sénateurs d’exercer :

les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire,
les fonctions de président et de vice-président des conseils régionaux, départementaux et des établissements de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre,
les fonctions de président de l’Assemblée de Corse, de président et de vice-président des assemblées et conseils des collectivités d’outre-mer,
les fonctions de présidents et de membres des conseils exécutifs de Corse, de Martinique, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon,
les fonctions de président, de vice-président et de membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française,
les fonctions de président et de vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie,
les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire,
plus largement, les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi .

Par ailleurs, le texte autorise qu’un député ou sénateur démissionnaire pour cause de cumul de mandats soit remplacé par son suppléant. Jusque là, une élection partielle devait être organisée.