— Par Roland Sabra —
Le dernier Gabourg en date de 2017 est à lire aujourd’hui et demain. Il porte sur une thématique lourde et douloureuse, objet en ce mois de mai de nombreuses commémorations, dispersées, concurrentes et contradictoires, comme si la plaie toujours ouverte ne pouvait faire cicatrice. La cicatrice est la trace d’une blessure, non pas son effacement ou son oubli. Paradis dans fers sur le mode de l’humour, avec modestie et humilité, apporte sa petite contribution à l’édifice. François Gabourg s’imagine dessinateur de presse pendant la longue, la très longue période esclavagiste dont on n’oubliera pas qu’elle perdure aujourd’hui encore çà et là et interroge au delà du crime contre l’humanité le racisme quotidien, la banalité du mal qui ronge le lien social et qui se repère dans les comportements et les contradictions de tout un chacun, sans exception aucune. Seules varient les façons d’y faire face. S’il en est qui s’y vautre, il en est d’autres qui combattent. François Gabourg est de ceux-là avec ses armes, le dessin , l’humour et même la satire. Sans haine.
Iconoclaste, il bouscule le codex biblique s’amuse et malmène les représentations sociales et mentales antillaises. Si Dieu n’est pas joignable au téléphone pour avaliser le lancement du trafic d’esclave il faut se contenter d’une bénédiction papale. Si le chef africain refuse de livrer son peuple, il est éliminé et remplacé par un Bokassa 1er. Si les nègres marrons sont chassés par des chiens, et si les « nègres étalons » ne suffisent pas à la reproduction, les maîtres mettront « la main à la pâte » par le viol, pour fabriquer des métis supposés dociles. Si le béké prête de l’argent à l’acheteur c’est pour lui vendre une bagnole et lui faire dire : « Sans mon béké, je serai dans la merde la plus noire », même si du coup « la tête grennen [de sa femme] ne va pas avec son 4X4. » Il moque le mythe du retour vers l’Afrique : « Certes le berceau de l’humanité c’est l’Afrique ! Mais si on rapatriait la terre entière en Afrique, tu imagines le bordel ? » Et le regard lucide du dessinateur de mettre en exergue dans les derniers dessins du livre ce qu’il reste de cet appel vers Mama Africa : une longue plainte qui se perd, rabougrie en son essence, dans un écho infini : » Mama… Mama.., Mama… »
Les 95 pages du livre sont composées de planches qui se distribuent en séries rapprochées sur un mode ternaire. Les pages à trois planches sont majoritaires suivies de celles à deux dessins, sur le mode moitié-moitié ou un tiers- deux tiers, puis viennent celles avec une seule illustration, pleine page. Le trait du dessin est large et puissant, sans dentelle. Il va au coeur du propos qu’il souligne et met en évidence avec un rythme et un balancement interne qui toujours suggère le mouvement, le déplacement.
Comme toujours chez les artistes qui font précéder leurs œuvres d’un vrai travail d’analyse, « Paradis dans fers », au détour du trait satirique invite à la réflexion et laisse entendre un au delà du dessin propre à un cheminent ce par quoi il confirme bien qu’il est à lire à tout âge.
Fort-de-France, le 08/05/2018
R.S.
Introduction de François Gabourg
Poussières d’îles..
Grandir sur une ile marquée du joug colonial nous aide à réfléchir sur notre condition d’être humain.
Nous savons combien les habitants de la Caraïbe ainsi que sa faune et sa flore ont souffert de la colonisation.
Cette Histoire pourrait nous inspirer dons nos relations personnelles.
Même originaire d’un continent, nous sommes, individuellement, comme ces iles. Chacun avec son écosystème.
Nous pouvons faire fi de cela ei reproduire les mêmes erreurs du passé par des agressions de type colonial sur ceux que nous côtoyons dons notre vie quotidienne.
Ou de façon plus positive, nos différences peuvent nous inviter à plus de tolérante.
Ces poussières d’Îes que nous sommes, c’est autant d’apports possibles dons le pot commun de l’humanité.
Voir en chacun de nous des les à découvrir et non plus à coloniser, c’est laisser se développer des îles paradisiaques…