Par Grace principautière la guerre fût évitée…

et le paradis fiscal préservé!

— Par Roland Sabra —

grace_de_monaco-1Apprentis bacheliers ne comptez pas sur le film d’olivier Dahan pour réviser votre cours d’histoire. Vous risqueriez, peut-être d’épater le correcteur de votre copie en lui dévoilant une face cachée de l’histoire de France, mais plus sûrement de le faire grimper aux rideaux pour peu qu’il ait quelques réminiscences de ce qu’il est chargé d’enseigner. Olivier Dahan nous dévoile en effet une page sombre de la Vème République. De Gaulle aurait voulu aligner la fiscalité des monégasques, qui ne payaient pas d’impôts sur celle de la France en décrétant un blocus du Rocher et en menaçant de l’envahir. Mais tout de Gaulle qu’il était, il allait se heurter à une fille de maçon étasunien devenue actrice, puis princesse bien déterminée à résister au blitz fiscal envisagé.
Résumons l’intrigue : Lorsqu’elle épouse le Prince Rainier de Monaco en 1956, Grace Kelly est alors une immense star de cinéma, promise à une carrière exceptionnelle . Six ans plus tard, alors que son couple bât de l’aile Alfred Hitchcock lui propose le rôle principal dans son prochain film «Pas de printemps pour Marnie». Mais c’est aussi le moment ou le général De Gaulle menace d’annexer Monaco, ce paradis fiscal dont elle est maintenant la Princesse. Grace est déchirée. Il lui faudra choisir : privilégier sa carrière artistique ou devenir définitivement : Son Altesse Sérénissime, la Princesse Grace de Monaco.
Le dilemme était intéressant à traiter. En effet quelle femme n’a pas été mise en face de ce choix à faire entre sa vie professionnelle et sa vie de famille, choix dont les hommes sont injustement épargnés? Une femme est déchirée entre son aptitude à endosser des rôles, des personnages qui ne sont pas elle et dont elle raffole et l’assignation qui lui est faite de tenir un ménage, fut-il de luxe. Traversée par une passion qui est constitutive de son identité et dont un Prince tombera amoureux elle se voit confiner à un seul rôle, celui de mère de famille et d’épouse quelque peu délaissée! Le Prince aimait la comédienne, en la faisant princesse il la destitue de son royaume, le cinéma. Peut-il l’aimer encore ? Comme le dit le film peut-être n’aimait-il que son image ? Si Olivier Dahan s’était contenté de traiter cette veine avec subtilité il y avait là de quoi faire un bon film. Mais voilà Dahan a voulu donner de l’épaisseur sociologique et politique à son histoire et il nous embarque dans une sombre péripétie politico-financière d’où il ressort que le Prince Rainier, Onasis et consorts mi-mondains mi-maffieux doivent déjouer un complot de palais s’ils veulent préserver leurs intérêts et leurs pouvoirs. Et le film de verser dans une parodie de publicité de luxe pour Cartier, Chopard, Chanel. Si l’on ajoute des invraisemblances comme celle de la venue à Monaco de Charles de Gaulle pour un gala de charité de la Croix-Rouge au cours duquel la Princesse prononcera un discours larmoyant à en vomir sur la charité, l’amour du prochain et autres fadaises dégoulinantes de bons sentiments humanoïdes, on comprendra que le film prête plus souvent à rire qu’a émouvoir quand il ne génère pas de l’ennui pur et simple. Ne pas oublier quelques incongruités comme De Gaulle parlant anglais au téléphone ou le même participant à la standing-ovation qui clôt les fadaises ânonnées par la Princesse.
Qu’un film s’écarte de la vérité historique n’est en rien gênant pour peu que le détournement effectué soit raccord avec l’histoire proposée sur l’écran, qu’il ait un sens par rapport au fil narratif retenu. Hélas mille fois hélas rien de tout cela dans ce biopic lourdingue. Les scènes de la réalité sont traitées comme des scènes paroxystiques du cinéma au delà de toute vraisemblance. Malgré les gros plans fixes dont Dahan use et abuse Kidman reste enfermée dans Kidman sans jamais incarner Grace Kelly. Tim Roth en prince un peu maffioso, indécis, velléitaire, se baladant en soirée les mains dans les poches désacralise Rainier le tirant vers le bas à contre-courant du mouvement d’élévation de Grace Kelly vers le dernier rôle de sa vie celui de Son Altesse Sérénissime, la Princesse Grace de Monaco.
Un film foutraque et somme toute plutôt raté. Dahan plus à l’aise avec une « Môme » de la rue qu’avec une Princesse fut-elle de pacotille? Sans aucun doute!

Fort-de-France, le 15-05-2014

R.S.