Misère de la philosophie contemporaine, au regard du matérialisme, d’Yvon Quiniou. Éditions l’Harmattan, 258 pages, 26,50 euros.
Dans son dernier ouvrage, Misère de la philosophie contemporaine au regard du matérialisme, Yvon Quiniou se fait le critique de tout un pan de la pensée philosophique du XXe siècle, que cette pensée soit étiquetée « de droite », comme celle de Heidegger, ou « de gauche » comme celle de Foucault ou de Deleuze. Quelles que soient les inclinaisons politiques ou les propositions théoriques des penseurs susnommés, ils afficheraient un trait commun : un refus assumé ou non, explicite ou inconscient de ce que signifie le matérialisme en philosophie. Et le matérialisme en philosophie implique d’admettre d’emblée que la science est intellectuellement contraignante et que ses avancées ne peuvent être aucune ignorées. La philosophie a un objectif – la vérité – et un référent – le réel. Ni cet objectif, ni ce référent ne peuvent être envisagés sans prendre en compte ce que nous dit la science.
Or, il y a une forme de « dérive littéraire » chez les penseurs susnommés qui peut se concrétiser par une expression souvent obscure, truffée d’invention linguistique dont Yvon Quiniou interroge la pertinence. Les lecteurs d’un Heidegger ou d’un Deleuze en savent quelque chose. Il s’agit d’une manière, sans doute involontaire, de rendre la confrontation avec leurs thèses difficile. Mais cela renvoie aussi à une forme de conception de fond : la philosophie y a perdu son objectif originel, présent tant dans chez les philosophes grecs que chez Descartes ou Spinoza. Elle ne projette plus d’« être un système dogmatique, au sens premier et non péjoratif du terme, d’une prétention, justifiée théoriquement à ses yeux d’avoir atteint la vérité ». Mais elle ne fait pas non plus sienne l’impératif de prendre en compte les acquêts scientifiques contemporains et notamment la conception que l’on peut se faire de l’homme à partir des découvertes sur le cerveau et sur le mécanisme qui produit de la pensée. Elle ne peut accepter le monisme ontologique de la matière confirmé par la recherche scientifique actuelle. Elle ne peut se résoudre à se vouloir une « philosophie scientifique » selon l’expression que propose de manière un peu provocatrice Yvon Quiniou et à accepter les fondements du rationalisme, soit « l’infinité d’un réel infiniment intelligible ».
Yvon Quiniou, après avoir présenté clairement et scrupuleusement les principes d’une philosophie scientifique dont il se revendique, passe à la déconstruction de quatre des figures clés de la philosophie contemporaine. Il en reste peu de choses de concluant. Au final, Heidegger, outre ses options politiques d’extrême-droite détestables, apparaît comme un penseur traçant un chemin qui ne mène nul part après qu’il eut refusé la matérialité du monde, la dimension évolutive de l’Être et de voir tout aspect positif à la technique au profit d’un pessimisme foncier et contemplatif. Michel Foucault, bien que politiquement plus présentable, ne sort pas mieux de l’épreuve de la critique : son scepticisme devant toute théorie systématique, ses incohérences sur la question de la morale, son refus sur le fond de prendre au sérieux ce qu’a à nous dire Marx, son escamotage des macro-pouvoirs au profit des micro-pouvoirs… tout ceci amène un verdict franchement négatif. À chaque fois, la critique d’Yvon Quiniou s’avère très fondée philologiquement…
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