— Par Dominique Widemann —
Protéger les siens : la guerre entre gangs fera renaitre chez Dheepan fureur et ferveur de combattant.
Photo : Why Productions
« Dheepan », de Jacques Audiard. France, 1 h 50. Le nouveau film de Jacques Audiard s’enracine au Sri Lanka et met en scène des Tamouls dans le chaos d’une cité française. Une sorte d’épopée qui laisse sur sa fin.
Existerait-il en Europe un eldorado pour les migrants ? Une île au trésor, un paradis de paix que l’on atteindrait à partir du Havre ? Le film de Jacques Audiard installe son prologue en territoire de guerre. Au Sri Lanka, les Tamouls viennent d’être défaits par les forces gouvernementales. Dheepan (Jesuthasan Antonythasan) est l’un de ces combattants tamouls, un tigre. Entouré des rares rescapés de sa section, il ajoute son uniforme à la dernière jonchée d’un bûcher funéraire.
Traqué par la police,
trimballé de foyer en foyer
Au camp de réfugiés d’où s’entament les exils, on privilégie les familles. Yalini (Kalieaswari Srinivasan), une femme seule, emprunte une fillette qui a perdu les siens. Au rythme de l’urgence, dans la frénésie du passage, Dheepan, Yalini et la petite Illayaal (Claudine Vinasithamby) se transformeront à vue en famille de crise prête à larguer les amarres. Il faudra répéter le mensonge en France afin d’obtenir l’asile politique qu’autorisera la complicité de l’interprète. La langue, ferment au Sri Lanka des combats qui de longue date mettent le pays à feu et à sang, connaîtra dans le film plusieurs déclinaisons. Plus tôt, des sortes de lucioles multicolores avaient flotté sur l’écran depuis un fond noir. L’objectif, en se rapprochant, révélera le nœud d’un de ces serre-tête fluorescents qu’arborent les vendeurs de rue. L’encadrement de sa condition dérisoire ne parvient pas à abaisser les traits du visage de Dheepan ainsi affublé, traqué par la police, trimballé de foyer en foyer. Embarquant femme et enfant, Dheepan gagne la banlieue où il a obtenu un poste de gardien au lieu-dit des Prés, barres de cité longées d’une coulée de nature qui disparaîtra à jamais du champ. Jacques Audiard conviera une tête d’éléphant cernée de jungle, apparition d’abord abstraite tant le plan est énorme. Elle prendra vie en un pan de peau mouvant ses mouchetures. Les Tamouls vénèrent le dieu Ganesh, le plus souvent représenté par cet animal, dieu de la sagesse et du savoir…