Du 17 février au 14 avril 2021. L’Alsace a Kay. Saint-Pierre.
« L’oubli n’est autre chose qu’un palimpseste. Qu’un accident survienne, et tous les effacements revivent dans les interlignes de la mémoire étonnée ».
L’Homme qui rit, Victor Hugo, 1869.
C’est au début des années 2000, qu’Hélène JACOB a posé ses bagages en Martinique, sa terre d’accueil , où elle exerce en tant qu’infirmière et vit sa passion pour la peinture, le théâtre et pour la création en général.
De formation artistique autodidacte, elle fut élève du peintre andalou, Mamerto CARRASCO de 1991-94 et participa à plusieurs évènements artistiques (fresques murales , expositions).
Son identité et sa production artistiques sont restées ensuite dans le secret de son univers et c’est en 2017 qu’Hélène a repris le chemin des expositions grâce à sa rencontre avec l’association L’ART GONDS TOUT .
Femme révoltée, elle s’attelle, par l’intermédiaire de sa peinture à réparer l’injustice et s’interroge sur la place des femmes dans l’Histoire de l’humanité.
Après s’être intéressée à celles que l’on nomme les muses (nom sans équivalent masculin), elle se questionne sur l’effet palimpseste dans l’histoire de l’art et de la littérature: la transmission de l’histoire collective qui efface ce qui est considéré comme secondaire ou bien ce qui dérange et bien entendu les femmes, en particulier les artistes et les intellectuelles en ont payé le prix.
« Une lente historiographie du silence » telle que la nomme Michèle PERROT, historienne, qui souligne ainsi la disparition pure et simple de nombreuses femmes de lettres dont on ne retrouve que des traces. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si au XVIIème siècle la langue française institutionnalise au même moment le terme d’actrice pour bannir celui d’autrice pourtant courant jusqu’alors, traçant de ce fait un trait sur les autrices dramaturges de notre théâtre classique et les plongeant dans un abime de silence.
Puisque ce qui n’est pas nommée n’existe pas, Hélène prend son pinceau en guise de pioche et décide d’exhumer les portraits de femmes autrices, peintres, poétesses, cinéastes, de déterrer leurs histoires et de réécrire à sa manière sur son palimpseste pictural!
Pour Hélène JACOB, ces portraits, visages d’un lointain passé, enfouis sont aussi l’occasion d’explorer et d’inventer de nouvelles techniques toujours riches en couleurs, expressives et baroques. Elle utilise l’acrylique mêlée à des techniques mixtes selon son inspiration: pastel, encre, collage de divers matériaux collectés au hasard de ses voyages qui prennent sens sur la toile. Des montées successives de glacis se juxtaposent à un empilement de matières qui crée le relief, l’aspérité. Comme sur un palimpseste, cette peau de bête, elle gratte et réécrit, couleur sur couleur, et établit un lien, un dialogue entre le passé et le présent, au delà du temps, avec ces histoires arrachées de l’oubli. Parallèlement, des mystères, des secrets se déploient et prennent vie dans ses créations sous la forme de messages, de symboles ou d’indices qui invitent à découvrir l’histoire de ces femmes.
Voici donc exposée au restaurant l’Alsace a Kay à Saint-Pierre une série de 13 portraits qui font resurgir de l’oubli les visages et les vies de : Antonia Pozzi, Romaine Brooks, Paulette Nardal, Beatrice Hastings, Alice Guy, May Ziadhé, Artémisia Gentileschi, Josephine Verstille Nivison, Adeline Fidelin, Jeanne Hébuterne, Catherine Bernard, Marie-Anne Barbier, et Sappho de Mytilène.
Un quatorzième portrait clôture ce parcours, celui de cette voyageuse anonyme, qui se promène dans le temps et qui recueille dans sa besace ces témoignages engloutis.