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Les poèmes sont des gros cochons, la poésie est une grosse truie

de Benoist Magnat  

–Haïti février 2013–

 

-La pieuvre sexuelle-

 

Les gros nichons sont octopus – ils attirent le regard – vous ne vous en remettez pas – en dérive totale – les îles de vos yeux s’engloutissent – confiture de baise – les volcans chauffent la cheminée – le magma se rue vers la surface – il n’y a pas moyen d’arrêter tout ça – pour le moment seulement – Une tape sur les doigts ou sur le regard risque de tout bouleverser – on rentre sa « chose » comme les cornes d’un escargot et tout semble redevenir normal.

De fines jambes avec un en-bout de derrière bien potelé réveillent la machine – je crois entendre la mélasse s’étendre sur la crêpe – on sourit d’une envolée ou d’une partie de jambes en l’air – pour le moment c’est seulement dans l’air – on suit des yeux cette excitation mobile – on met allume-cigare en connexion – on se vidange le disque dur par des images rafraîchissantes – un coca pétillant avec une paille – une montée d’escaliers voluptueuse – un raclement de la gorge pour signaler votre existence à l’allumeuse de réverbères.

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Honni soit qui mâle y pense : les hommes lèvent le voile !

par Scarlett JESUS, critique d’art,

 « La virilité […], est une notion éminemment relationnelle, construite devant et pour les autres hommes contre la féminité, dans une sorte de peur du féminin, et d’abord en soi-même. »

 Pierre BOURDIEU,La domination masculine, 1998, p.59.

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  Poster-Tabou

 

Quel printemps se lève au sein des plasticiens de Guadeloupe pour que ceux-ci passent brusquement de la thématique du corps meurtri et souffrant à celui du corps désirant? Verges et vagins fleurissent brusquement à un mois d’intervalle, dans deux expositions presque simultanées.

Fin novembre, Kelly SINNAPAH MARY expose, seule, à la galerie T§T de Basse-Terre… Sous le titre  Vagina, son installation nous dévoile un univers intime et secret, celui de fantasmes spécifiquement féminins. Sous l’apparence fleurie de tissus d’ameublement en rose et bleu, le sexe fort y est parfois mis à mâle. Comme cette chaise, bancale, revêtue d’une veste d’homme métaphore de l’absent qui est comme saisi « au panier » par une main féminine. Programmé par avance au lit matrimonial qui l’attend. Ce sont ces mêmes petites mains qui ont œuvré à la réalisation de ces ouvrages traditionnels de dames que sont dentelles et broderies.

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Le deuil de l’été

 

Philippe PILOTIN

-C’est un 20 septembre que l’été rend toujours l’âme

Et que l’automne nous prive ainsi de sa flamme.

Cette triste nouvelle jette instantanément un froid

Que le temps devient triste et maussade à la fois.

La période de deuil dure environ six mois.

Octobre fait grise mine et se demande pourquoi.

Le thermomètre affiche un moral proche de zéro

Et ne peut cacher son amertume sous un sombréro.

Les feuilles pour manifester toute leur compassion

Errent ça-et-là dans un interminable tourbillon

Sous l’effet d’un vent glacial venu loin d’ailleurs

Pour ne point rater l’heure du sermon salvateur.

Les champignons armés de parapluies multicolores

Composent en maître de l’art le tout nouveau décor

Virant tantôt au jaune tantôt au rouge via le marron

Attirant ainsi l’œil aguerri des ramasseurs en action.

Les six précieux numéros du cadran de l’horloge

Au grand dam du désespoir ne lui font aucun éloge.

En lieu et place de l’habituelle minute de silence,

Ils affichent une heure de moins en signe de doléances.

Le roi soleil n’arbore plus son éclatant sourire de délice

Et dame nature abasourdie se pare du teint de la jaunisse.

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« Puis le choix de l’atome » : Pour une Poétique des Possibles.

 —  par Scarlett JESUS —


Le Gaïac est un bois brun verdâtre très dur. Il est aussi appelé “bois saint” ou “bois de vie” (anglais lignum vitae). On trouve cette essence dans les Amériques tropicales, par exemple dans les Antilles et au Venezuela. Guaiacum officinale et Guaiacum sanctum sont des petit arbres du genre Guaiacum de la famille des Zygophyllacées

 

 

Voici un ouvrage qui mériterait d’être lu par d’autres que les quelques rares privilégiés qui ont eu la faveur d’acquérir ce recueil sorti fin 2010. Un ouvrage qui révèle, à travers une écriture poétique contemporaine originale, un poète guadeloupéen s’inscrivant dans la lignée de MALLARMÉ, le père de la modernité poétique, et de SAINT-JOHN PERSE. Comme lui, ce poète écrit sous un pseudonyme. Il emprunte à MALLARMÉ son prénom, Stéphane, et se dote d’un patronyme quelque peu sibyllin « Od-Ray Gaïac ». Aux prénoms de ses deux parents et au nom d’un arbre des forêts guyanaises, au bois très dur, le gaïac, le poète associe d’autres éléments : un prénom féminin, Audrey, en référence possible avec une muse du 7ème art, Audrey Hepburn ; le nom d’un jazzman, Ray Charles,  précédé d’un curieux Od, peut-être l’abréviation médicale du latin oculus dexter (œil droit).

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« Plantation Massa-Lanmaux », de Yann Garvoz

par MAURICE MOURIER —

 3 mars  2011

 YANN GARVOZ, PLANTATION MASSA-LANMAUX Maurice Nadeau, 312 p., 24 €

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Au XVIIIe siècle, le jeune fils d’un planteur des « colonies », après des études en France qui l’ont mis au contact des idées philanthropiques des Lumières, rentre au pays. La plantation de canne à sucre de son père fonctionne, selon l’ancien système éprouvé, sur la soumission absolue des esclaves au maître. Imprégné d’utopie rousseauiste, Donatien, qui porte le prénom du Divin Marquis, va essayer de moderniser et d’humaniser le domaine. Ce livre étrange, aux deux tiers réussi, raconte son échec.

Voyons d’abord les éléments de la réussite littéraire, qui est souvent très notable. S’agissant d’un texte et non d’une étude historico- sociologique, cette réussite repose, comme il fallait s’y attendre, sur le style. Yann Garvoz, qui est clairement perfectionniste, s’est proposé une gageure : travailler la pâte verbale, abondante et riche, de son livre, en imitant, transposant, pastichant à la fois l’oeuvre sadienne et la prose précise de l’Encyclopédie, de La Nouvelle Héloïse ou (parfois) de Bernardin de Saint- Pierre. Mais cela n’est rien.

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Hommage à Gérald Bloncourt, par Widad Amra, poétesse.

Autour de Gérald Bloncourt.
Intervention à la bibliothèque Schoelcher le Jeudi 17 Février 2011.


 

Monsieur Bloncourt

Je connais votre pays. J’aime votre pays dans ce qu’ il offre de créativité dans une grande diversité, dans ce qu’il offre de résistance dans le temps, dans ce qu’il offre de dignité, et dans ce qu’il dit de l’humanité. Et cela, au delà, de tous les Malgré. Passés et présents.

Mais vous, Monsieur Bloncourt, avec tout le respect que je vous dois, je ne vous connaissais pas.
Jusqu’à ce livre…Jusqu’au hasard amical qui a mis ce livre entre mes mains.
Et je dirais comme Jean Claude Charles, qui a écrit votre préface, mon étonnement.
«  A la fin des années 60, en Haïti, je ne connaissais pas l’existence de Gérald Bloncourt.

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« On t’appelle Vénus » : Rendre sur scène son corps à Sawtche

—Par Layla Zami —

 

 

Un texte écrit d’oralité retrouvée
par Layla Zami
http://www.laylazami.net

A chanter de vive voix ou à murmurer tout bas

Un quart. de tour.
Encore un quart. Encore un puis un autre !
« On » en a fait le tour.
La danseuse tourne…
Public jeté d’emblée, sans détour, dans le rôle
de celles et ceux qui ont tué, violé, volé de leurs regards, gestes et paroles,
le corps et la vie de Sawtche.

Même après sa mort
Les scientifiques – scienti-fric
Dépecèrent le corps
L’étiquetèrent, sans éthique.

Chantal Loïal est sur scène.
La foule moqueuse et haineuse, projetée en bande sonore, met le public mal à l’aise. Se reconnaîtrait-on dans les moqueries et voix aigres ? Plus tard au cours du spectacle, l’artiste dira « la danseuse aux grosses fesses » et certain-e-s étoufferont leur embarras dans un rire inachevé. Elle joue de l’ambiguïté entre elle et Sawtche pour révéler les continuités entre aliénations contemporaines et oppressions du passé.

Qui d’autre qu’une artiste peut éveiller dans un même temps, compréhension et stupéfaction ? Colorer de beauté une laide réalité d’enfermement et d’humiliation ?

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Sexe, histoire et tectonique

 Par Dominique DOMIQUIN —

 A l’époque où la masse sombre qui domine l’embouchure du Galion s’appelait encore Fort St Charles (années 80), j’y rejoignais mon père après l’école en grimpant à travers le quartier populaire du Carmel. Cet imposant édifice militaire abritait alors l’observatoire de vulcanologie de Guadeloupe, antenne de l’Institut de Physique du Globe de Paris. J’en connais chaque pierre pour y avoir passé une partie de mon enfance. J’y ai mainte fois repoussé l’anglais à coups de canons rouillés, échappé à des fantômes aux orbites vides qui tentaient de m’agripper quand je rodais trop près des cachots. Tel Louis Delgrès, par une poterne dérobée surplombant la falaise, j’ai échappé aux troupes impériales venues rétablir l’esclavage. J’ai écrasé des amandes pour en savourer les graines. J’ai saigné des manguiers pour en récolter l’ambre, gratté la croûte des gommiers tel un indien Karib radoubant son embarcation. Mes exploits accomplis, je dévorais mon goûter avant de faire pipi sur la tombe de Richepanse. Je n’en tire aucune fierté. Ce rituel n’était pas un acte réfléchi. Il se trouve simplement que le bougre est enterré à l’endroit le plus élevé du fort, celui d’où l’on peut voir descendre le soleil sur la Mer des Caraïbes.

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La ruse de l’imprévisible

par Manuel NORVAT —




On ne présente plus l’imprévisible : il s’invite par définition sans prévenir. On peut seulement tenter de l’approcher. En vérité, l’imprévisible nous apparaît sous les aspects les plus incroyables du quotidien et de l’imaginaire, sans compter les méditations savantes, peu être trop savantes, ou encore les expressions non-conventionnelles, et pas forcément iconoclastes, des œuvres d’art que sont les installations. Les exemples fourmillent : l’inopiné des tremblés de la terre ; l’apparition d’un cheval à trois pattes ; une grève générale en colonie de surconsommation ; les fureurs poétiques des conteurs et autres tireurs de merveilles ; les bougres-à-livres habités de « cadavres exquis » dans un univers de baroque naturel (où de réel-merveilleux si vous voulez) que nous criions tout bonnement créole ; appellation dont nul peuple ne devrait détenir le monopole. Et puis, l’imprévisible, d’universaux en lieu commun, c’est bien là son paradoxe, cela devient du réchauffé avec, à présent, le carême au mitan de l’hivernage.

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La reconstruction du lycée Schoelcher ou le bal des hypocrites

Photo Madinin-Art

Le projet X-TU non retenu et qui avait la  faveur des enseignants du Lycée

Madinin’art a publié il y a plus d’un an un dossier sur le projet retenu par la Région pour reconstruire le lycée Schoelcher. Pourquoi reconstruire? Parce que le désintérêt manifesté pendant si longtemps par les tutelles précédentes a causé une telle détérioration des bâtiments que leur utilisation pose aujourd’hui de graves problèmes de sécurité pour les usagers. La rénovation des locaux si elle était décidée couterait environ 40 millions d’euros soit à peu près le prix d’un lycée neuf. On peut donc se demander pourquoi choisir la démolition et la reconstruction. Et bien parce que même restaurés les bâtiments ne permettraient pas, pour des raisons qui tiennent à la fois aux déplacements des handicapés, aux impossibilités d’isolations acoustiques, aux normes administratives en vigueur, etc. sa fréquentation par des élèves. Il faudrait donc déplacer le lycée dans un autre endroit, qui compte tenu des manques d’espaces en ville, ne pourrait être qu’à la périphérie de Foyal. Cette solution supposerait donc une dépense supplémentaire de 40 millions pour la construction.

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Aimé Césaire. La passion du poète

 

— par Édouard Glissant —

aime_cesaire-9_300La route de Balata monte à travers la forêt primitive de Martinique jusqu’au Morne-Rouge et au delà vers les plateaux d’Ajoupa-Bouillon, du Lorrain et de Basse-Pointe, où le poète est né, et où l’on découvre et l’on éprouve « la grand’lèche hystérique de la mer. » Pas un ne sait ni ne peut dire à quel moment, sur cette route, vous quittez le sud du pays, ses clartés sèches, ses plages apprivoisées, ses légèretés soucieuses, pour entrer dans la demeure de ce nord de lourdes pluies, parfois de brumes, où les fruits, châtaignes et abricots ou mangues térébinthes, sont pesants et présents, et où l’on peut entendre d’au loin les conteurs et les batteurs de tambour. Chacun s’y plante sans doute dans ses enfances sans bouger, comme dans la boue rouge qui piète à l’assaut des mornes Pérou et Reculée.

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Un dimanche au cachot, de Patrice Chamoiseau

Le marqueur de paroles et ses maîtres

— Par Guillaume PIGEARD de GURBERT —

Deux remarques préalables : d’abord, Un dimanche au cachot, je vais y revenir, ne se donne pas au lecteur comme un objet interrogeable de haut ni de loin depuis un observatoire critique, mais place bien plutôt d’emblée le lecteur lui-même au cœur même du livre en en faisant un simple personnage. En sorte que Chamoiseau frappe par avance, sinon d’impossible, du moins de ridicule toute lecture critique de son roman, lequel n’a pas de mots assez durs contre les « verbiages du lecteur. » Ensuite, une œuvre vit d’une infinité de lectures, non seulement de la multiplicité de lecteurs qui s’y exposent, mais de la multiplicité de lectures dont est capable un même lecteur à différents moments de son existence. Si bien que mon ambition sera ici de n’être pas tant Le lecteur d’Un dimanche au cachot qu’un simple patient de cette œuvre parmi une infinité d’autres possibles.

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L’aventure ambiguë d’une certaine Créolité

— par  Rafael Lucas —

« La boulimie de reconnaissance littéraire a transformé les majors créoles en apprentis sorciers, ou en apprentis quimboiseurs. Et c’est dommage. On peut regretter que les réels talents littéraires des écrivains créolistes aient été pervertis par les liaisons dangereuses avec l’idéologie. »


Le mouvement de la Créolité, popularisé en France métropolitaine par un manifeste de trois auteurs martiniquais publié en 1989 (Éloge de la Créolité) (1) et par un large succès éditorial, prétend redéfinir l’identité créole et codifier une nouvelle démarche littéraire. Or, qu’il s’agisse du contenu du manifeste ou de la stratégie pratiquée, il est facile d’observer chez les défenseurs de ce courant un ensemble confus de contradictions et de simplifications, qui est dû à au moins trois facteurs : l’obsession de la reconnaissance littéraire de la métropole française dont ils dénoncent la politique d’assimilation coloniale, l’attitude totalitaire parfaitement visible derrière le discours culturel, et une manipulation hâtive du concept de métissage, phénomène dont les Antilles représenteraient le modèle idéal… Notre propos ici n’est pas de mettre en question l’énorme travail de création et de novation de ce mouvement, mais de montrer comment la créativité des écrivains et l’élaboration de leurs œuvres ont été perverties par les diktats idéologiques et par un certain galimatias, ou « manger-cochon », théorique.

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