— Par Serge Letchimy —
Sans intérêt sécuritaire avéré, l’instauration de la déchéance de nationalité se présente aux dires mêmes de ses initiateurs comme une mesure essentiellement « symbolique » . Inscrivant de fait, dans les textes, une distinction fondamentale entre Français de naissance à raison de leurs origines, de très nombreux binationaux, de fait ou de droit, ont ressenti cette mesure comme une atteinte à leur dignité et à leur légitimité. Historiquement proposée par la droite ou l’extrême droite, cette mesure est perçue comme la réminiscence d’une inspiration essentialiste de l’identité nationale française dont la République n’a jamais réussi à se défaire totalement. Or ce modèle dépassé semble méconnaître le pluralisme fondamental du corps social dont la négation ne peut avoir que des effets destructeurs, aussi bien pour la cohésion nationale que pour la sécurité collective.
Ce pluralisme est une réalité contemporaine à laquelle nous autres Antillais demeurons très sensibles. Les sociétés caribéennes sont en effet de multi-appartenances. Multiplicité des origines. Multiplicité des langues. Multiplicité des ancêtres partagés. Multiplicité des phénotypes. Multiplicités des dynamiques identitaires et culturelles. Notre unité s’articule sur la multiplicité d’un archipel et de ses solidarités continentales.