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Avignon 2019. « Fushigi ». Impro à la manière de Miyazaki, m.e.s. : Ian Parizot. Improvidence.

— Par Dominique Daeschler —
Les spectateurs choisissent une couleur. Pour chacune des couleurs les quatre comédiens en scène ont travaillé sur quelques thèmes et l’improvisation commence. En blanc, ils se fondent dans l’espace scénique sans décors : seuls les mouvements laissent trace, mimant les mots, initiant une image qui apportera la parole de l’autre. C’est farfelu, délirant, partant souvent d’un geste quotidien qu’on a plaisir à dépasser. L’histoire, partant du bleu, nous a conduit dans un aquarium géant avec vol d’une espèce rare…Parfois ça pédale un peu et le rattrapage se fait sur le fil ! On entre facilement dans cet univers inspiré de l’univers du dessinateur japonais Miyazaki, joliment accompagné par une musique et une lumière qui s’adaptent en direct à l’histoire inventée.
D.D.

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Yan Pei-Ming face à Courbet

 Du 11juin au 30 septembre 2019 au Musée Courbet

— Par Dominique Daeschler —

À Ornans le département du Doubs n’a pas lésiné sur les manifestations (expositions, théâtre, concerts…) réparties sur toute l’année pour célébrer en fanfare le bicentenaire d’un de ses « alternatifs » sans doute le plus célèbre (Fourier, Proudhon Considérant, ne soyez pas jaloux). J’ai nommé Gustave Courbet qui accueille en son musée Yan Pei-Ming : pari malicieux et tonique conduit par la pétillante conservatrice en chef Frédérique Thomas-Maurin. Banco ! L’exposition fait partie des 15 (au sein des Musées de France) ayant reçu le label « d’intérêt national » donné par le Ministère de la Culture.

Au Musée

Se toisent, conspirent, des œuvres du « maître » venues du monde entier (musées et collections privées : Orsay et petit Palais Paris, Japon, St Louis Art Museum, National Gallery of Art Washington …) des œuvres de Ming dont beaucoup ont été réalisées sur place au cours d’une résidence dans l’atelier même de Courbet. Deux hommes « à stature », ayant fait bagage d’évènements politiques forts (la Commune, la Révolution culturelle), connaissant la violence des choix, la conquête de sa propre liberté s’observent dans un face à face conduit tout le long de l’exposition.

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« Nous sommes tous des Martiniquais »: l’au-delà d’une vision victimaire

— Par Roland Sabra —

La vaste salle du Grand Carbet de Fort-de-France était bien remplie. Elle bruissait des mille et un murmures, entrecoupés d’éclats d’un public peu habitué à la comédie musicale. Collégiens, parents, enseignants et éducateurs constituaient l’essentiel du public pour cette dernière production des élèves de 4° du collège Édouard-Glissant menés par Madame Lima leur professeur d’anglais. On a déjà évoqué la mallette pédagogique utilisée dans ce collège : « une méthode d’ «adéquation par l’image»[…] conçue par DK qui, s’il n’est pas du sérail de l’Éducation Nationale, a une grande expérience des relations humaines . L’image, la dynamique de groupe avec échanges, soutien, auto -évaluation, la prise de parole sont autant d’éléments qui projettent les élèves dans une meilleure connaissance de soi, en créant du partage et de la confiance. Au rendez -vous : une réussite scolaire sans précédent et une appréhension du vivre ensemble qui chasse la violence. », précisait Dominique Daeschler dans Madinin’Art en présentant, il y a peu, le projet.

Sur le plateau côté jardin, en fond de scène un arbre massif surmonté d’un petit bouquet de feuilles, quelques vagues plantes vertes au pied.

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Les langagières au TNP : une ode à la langue.

— Par Dominique Daeschler —

Au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, Christian Schiaretti directeur conduit avec Jean Pierre Siméon (longtemps à la tête du Printemps des poètes) une aventure commencée au CDN de Reims : quinze jours consacrés à la langue et à son usage. Réinventer la langue, l’entendre avec des comédiens, des poètes, des passants, des écoliers, des habitués… : sacré pari ! Il y a des spectacles en sales, des cartes blanches, des lectures, les mots de minuit, les « vignettes », les grands cours, les consultations poétiques, des concerts, des rencontres et tout un programme hors les murs qui fait la part belle au jeune public A vos alphabets et à vos imaginaires ! Des gens connus comme Jane Birkin, Thibaud de Montalembert, François Morel, al Malik mais pas seulement : la parole vive est aussi semée par les brigades d’intervention poétique dans les écoles, les brigades d’action culturelle dans la rue. Si le souffle est donné avec « les poèmes dramatiques » de Sophocle, la gouaille, l’épique, le raffiné traversent les siècles avec entre autres Marot, Hugo, De Pisan. Les chemins de terre et de béton d’aujourd’hui s’appellent Demey, Azam, Joubert, Juliet, Siméon, Gatti.

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Expositions à Paris entre musées et galeries

— Par Dominique Daeschler —

Le modèle noir de Géricault à Matisse.

Joliment introduite dans le grand hall de la gare d’Orsay devenue musée, l’œuvre de Glenn Ligon constituée de deux panneaux où douze néons mettent en lumière le nom de modèles, artistes et écrivains noirs, l’exposition va s’employer à rendre visible l’invisible, à retracer un passé esclavagiste, colonialiste, raciste et son évolution à travers des œuvres importantes des lendemains de la Révolution française jusqu’à l’entre -deux-guerres. Les repaires historiques sont précis, n’occultant ni l’abolition de l’esclavage, ni la traite ni l’expansion des empires coloniaux.
Cependant ce qui frappe le plus c’est le travail sur la dignité et l’identité : les noms des modèles ont été recherchés et les toiles rebaptisées (leurs premières dénominations étant mentionnées pour rendre compte des visions « racialisées » du 19e siècle). Le mot modèle est lui-même à prendre dans le double sens de sujet et porteur de valeurs (une culture spécifique). Beaucoup de portraits (l’exposition commence avec le portrait de Madeleine peint par M. Guillemine Benoist et celui de Joseph par Géricault) et de bustes (Cordier, Carpeaux) qui imposent les personnes tant et si bien qu’on en oublie presque les artistes dont Manet, Nadar, Matisse).

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« Nous sommes tous martiniquais »

Avant les trois coups rencontre avec des élèves du collège Édouard Glissant.

— Par Dominique Daeschler —

C’est un mercredi après midi et les élèves de quatrième sont tous autour de de leur prof d’anglais Rosette Lima pour répéter une comédie musicale « Nous sommes tous martiniquais » qui sera présentée le 12 juin au Grand Carbet de Fort de France.
Qu’on se souvienne : depuis dix ans le collège Glissant utilise en classes une méthode d’ «adéquation par l’image» issue d’une mallette pédagogique conçue par DK qui, s’il n’est pas du sérail de l’Éducation Nationale, a une grande expérience des relations humaines . L’image, la dynamique de groupe avec échanges, soutien, auto -évaluation, la prise de parole sont autant d’éléments qui projettent les élèves dans une meilleure connaissance de soi, en créant du partage et de la confiance. Au rendez -vous : une réussite scolaire sans précédent et une appréhension du vivre ensemble qui chasse la violence.
C’est bien cette appréhension du vivre ensemble qui est valorisée dans Nous sommes tous martiniquais qui fait suite à Stop Violence, Dérive ludique, Moi fils de la mer et la vidéo Say No.

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Salon du livre 2019 : déambulations et rencontre avec JB Desnel éditeur

— Par Dominique Daeschler —

Porte de Versailles, un salon polissé et bien rôdé, aux visages multiples, ouvert au-delà des grosses maisons d’édition et des libraires aux cultures du monde (Bratislava en vedette ainsi que le sultanat d’Oman). Focus important sur l’Europe : actualité oblige !

Dix scènes thématiques (Polar, Jeunesse Grande scène, Young adult, Agora, BD, Europe, Sciences, coulisses de l’édition) ont organisé pendant quatre jours, des conférences, des débats, des ateliers, créant une dynamique de réflexion auprès des lecteurs et des professionnels du livre, au-delà des rencontres et des signatures dans les stands.

D’un picorage sélectif autour des tables rondes lors de la journée professionnelle, à l’exemple de celle de l’Institut français au stand du Centre National du Livre, à laquelle a participé la romancière martiniquaise Suzanne Dracius, déléguée par le Parlement des Écrivaines francophones, dans le cadre des États généraux du livre en langue française, on retient quelques données et quelques questions. En 10 ans le nombre de lecteurs a considérablement diminué, 32% de personnes ne lisent pas. Sachant que le salaire médian d’un écrivain est de 800 euros par an (!),

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Qu’ils crèvent les critiques ! de JP Léonardini

— Par Dominique Daeschler —

Lire sur Madinin’Art :  La présentation de « Qu’ils crèvent les critiques! »

Voilà une affaire rondement menée au bénéfice du plaisir de l’écriture « charogne », du plaisir du critique qui affirme son point de vue, prend parti. Honni soit qui mal y pense ! Au boulot les ghost writers ! Léonardini l’affirme dès les premières pages, on ne peut pas écrire sous couvert d’innocence et c’est son appréciation personnelle qui fait le critique car la critique est un genre littéraire. Mazette ! Et de rappeler que pour Baudelaire la critique doit être passionnée, partiale, politique. Mallarmé n’est pas en reste puisqu’il lui attribue des vertus poétiques.
Au galop ! Léonardini nous entraîne dans ses souvenirs de critique et de responsable du service culture au sein de l’Humanité pendant un quart de siècle, journal d’obédience communiste, pionnier dans l’importance accordée à la culture et à la critique. On voyage, on se remémore, on fait le lien : car à travers ce qui est rapporté c’est à une histoire citoyenne du théâtre que nous entraîne l’auteur.

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L’autre Césaire : Suzanne, lumineuse dissidente

— Par Dominique Daeschler —

En fond d’un plateau noir, de dos, trois femmes accoudées à une table de bar, nous offrent, sur un air jazzy mâtiné de lumières tamisées, la vision de postérieurs joliment gainés. Atmosphère ! Atmosphère ! La volteface n’en est que plus saisissante !
En s’avançant sur le devant de la scène avec table et sièges, le temps d’un verre partagé, elles saisissent à bras le corps le verbe de Suzanne Césaire, proche des surréalistes et plume acérée de Tropiques.
C’est dans les écrits de dissidence que Daniel Maximin (auteur d’un livre sur Suzanne Césaire) s’est plongé pour constituer ce qui fait spectacle. Bonne pioche. Hassane Kouyaté, pour servir sa mise en scène les a assemblés à sa guise, prenant comme point de départ la terre insulaire.
L’écriture de Suzanne Césaire est dansante, imagée dans la forme, maniant la formule et l’incise. C’est sans détours ni ménagements qu’elle trace l’histoire de « sa » Martinique, nous faisant entrer, presque par effraction, dans sa terre. Odeur de la canne, chant du pipiri, luxuriance de la végétation : : on est loin d’un exotisme de carte postale.

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Avignon 2018 : « Le voyage de D. Cholb ou penser contre soi-même », de Bernard Bloch (Off)


—Par Dominique Daeschler —
En 2013, Bernard Bloch, (Dranreb Cholb est son anagramme), effectue un voyage en autocar organisé par Témoignage Chrétien en Cisjordanie (qu’il prolongera en Israël). Il est le seul juif athée au milieu d’un groupe de catholique. . De cette expérience essentielle il tirera un livre « Dix jours en terre ceinte » qu’il a souhaité adapter au théâtre.
C’est bien l’envie de comprendre la permanence du conflit, de rencontrer des civils de part et d’autre, de confronter ses souvenirs avec ses liens familiaux, d’aller au centre de aveuglements perpétués de part et d’autre qui le motivent.
Bernard Bloch, assis de dos sur scène, confie le récit du voyage à Patrick le Mauff, reprécise, commente, interroge. Ce dialogue en fraternité pourrait être celui d’Israël et de la Palestine ? Il est donné dans une volonté d’ouverture qui n’exclut pas la subjectivité au sens premier du terme. Une vidée fait défiler paysages et visages. Les échanges vécus sont reconstitués avec des comédiens qui jouent le jeu de points de vue différents, constituant un fil rouge. Cette mise à distance est servie par des comédiens exceptionnels dont on sent la proximité avec Bernard Bloch, comme un engagement.

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Avignon 2018 : Sol (0ff) / Ver (Off) / Mémoire de naissance (0ff)

— Par Dominique Daeschler —

Sol (0ff) /

Accompagné par deux musiciens, Paul Wamo, poète kanak prend la scène comme il prend le verbe, le répétant, l’exultant, le portant aux nues ou en enfer. Il chante, slame, danse, s’offrant une respiration quand il atteint la lune ou le soleil. Il ouvre « le ciel des avions jaunes » lui le « noir qui tape à l’œil » et l’on comprend vite qu’il est sans limites quand il parle de sa terre, de la mort qui arrive comme marée haute. Il associe les mots, joue d’une grammaire des sons où il crée ses propres accords. C’est incisif, tourbillonnant, entêtant comme une vérité que l’on assène car il y a dans la personne et dans la voix une générosité qui appelle à le rejoindre dans son univers poétique grave et fêlé.

Ver (Off)
A la maison de la poésie où l’on retrouve de plaisir de caresser et de feuilleter des livres à portée de main, un choix qui eut étonner : un jeune comédien Julien Barret crée un spectacle « verre en mains » : venez prendre un vers, venez boire un mot, vous allez déguster.

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Avignon 2018 – « Certaines n’avaient jamais vu la mer » & « Pale blue dot » – IN


— Par Dominique Daeschler —

Certaines n’avaient jamais vu la mer
C’est à un sujet tabou, l’histoire des américano-japonais de la seconde moitié du 19esiècle à Pearl Harbor, que sont attaqués Julie Otsuka dans son roman puis Richard Brunel dans l’adaptation.
A une première émigration de travailleurs japonais aux USA succède une période d’établissement avec la mise en lace de ghettos urbains et l’arrivée en masse de femmes venues du Japon épouser des compatriotes inconnus (c’est le point de départ du roman et de la pièce). Sont évoqués la nouvelle génération (enfants nés avec la nationalité américaine) puis à partir de 1942 l’expulsion, l’incarcération, la déportation des américano-japonais.
Le récit qui débute avec l’arrivée des femmes en bateau, donné sur le plateau dans un mode incantatoire par hui femmes et quatre hommes, fait appel au chœur et à la confession individuelle. C’est leur prise de parole qui charpente le point de vue scénique. Des cloisons et des chariots mobiles traversent l’espace à l’unisson d’une mise en scène qui joue du travelling et du gros plan, de la projection du plein écran et du champ contre champ, avec un sol qui se délite comme une terre brûlée.

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Avignon 2018 – « 36 avenue Georges Mandel » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

En hommage à Callas, dans l’espace sacré du cloître des Célestins où les platanes font voûte, Raimund Hoghe prend tous les risques, confrontant son corps menu à l’inamovible des pierres et à la vibrante démesure de la cantatrice. Avec humilité et une extrême concentration, il trace ses chemins, construit son labyrinthe, évoque l’errance et la solitude. Apportant une signification symbolique à tous ces petits tas de vêtements repères et tombes à secrets, il s’arrête, prend le public en pleine face avant d’oser « une fente » de profil. Que reste t ‘il du mouvement dans des postures figées ? Que dit un geste non terminé, arrêté dans son envol ? Les éléments du corps (tête, bras, épaules, jambes), à l’affût du chant, semblent se déplacer en autonomie formant un cosmos qui a ses propres règles. Dans l’épuration, la radicalité de la lenteur voire de l’immobilisme, la communion entre voix et mouvement se fait presque oppressante, rappelant une Callas morte dans l’oubli. De l’icône de la cantatrice, de « l’image » du danseur, il ne reste rien : le travail se fait dans les failles, pour dire que l’Art se construit avec des fragilités, des souffles et des formes éphémères.

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Avignon 2018 : « De Dingen die voorbijgaan: les choses qui passent », d’après Louis Couperus, m.e.s. Ivo Van Hove (In)


Ivo Van Hove, metteur en scène des Damnés (en cour d’honneur il y a deux ans) nous plonge dans une saga familiale, digne de « Dallas » quant à ses turpitudes. A partir d’une adaptation de trois romans de Louis Couperus auteur néerlandais de la fin du 19esiècle.
Quinze comédiens et un musicien vont opérer dans un univers clos qui ressemble à une salle d’attente d’aéroport avec, taguées sur ses murs de verre, des figures grimaçantes. Tout de noir vêtus, en deuil d’eux-mêmes, ils vont jouer diverses partitions en duo, trio, quatuor… avec un minimum d’accessoires et sans autre mobilier scénique qu’une étrange table horloge. Au centre de l’histoire, un meurtre perpétué par un vieux couple d’amants sert de socle au non-dit qui ronge toute une famille qui sait : celui qui a vu, celui qui a répété…Le ver est dans le fruit. Les couples sont disparates, les jeunes jouent les vieux et vice versa. On aborde la pédophilie de l’un, l’hystérie de l’autre, l’homosexualité latente, la gourmandise sexuelle ou son refus, le marchandage. Je vous le dis « un univers impitoyable » où jusqu’ à la mort des très vieux, il y aura révélation de filiation, afin de bien ébranler ces liens familiaux et d’en montrer l’iniquité.

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Avignon 2018 : « Zone » (Off) / « Mama » (In)

« Zone » (Off) d’après Mathias Enard, adaptation & m.e.s. de Marilyn Leray, Marc Tsypkine de Kerblay
Des livres de Mathias Enard Marilyn Leray dit avoir gardé une unique grande phrase qui tout le long du spectacle sera hachée, syncopée, arrêtée dans un crissement de ces vieux trains fatigués qui traversent l’Europe.
Le parcours d’un ancien agent secret qui souhaite livrer contre monnaie sonnante et trébuchante moult secrets d’état, est examiné à la loue, ravivé, éclaté (marche arrière et marche avant !). Quatre comédiens dans un no man land scénique impossible à décrire sinon comme un terrain vague aux astuces de survie que sont la vidéo, le son, l’installation, le verbe. Le théâtre pousse comme une mauvaise herbe au milieu des seaux, des couchages de fortune, des ordinateurs, se fait investigateur pour parler, en rebond, des guerres d’aujourd’hui. Roule le train. Les comédiens manipulent, changent à vue et nous plongent, témoins et acteurs dans notre monde et ses violences. En toute simplicité cet échange en « terrain miné » nous renvoie sans coup férir à nos propres zones d’obscurité et d’incertitude.
Dominique Daeschler

« Mama » texte & m.e.s.

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Avignon 2018 – « Saison sèche » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

Petit coup de massue en introduction : sur scène Phia Ménard, metteuse en scène, assène « je te claque la chatte »et s’en va. Ce n’est as la peine de la traquer sur les questions du genre de de l’indiscipline. Son discours et son œuvre sont telluriques.
Emprisonnés dans une boîte aux hauts murs, au plafond qui remonte ou descend, sept femmes vêtues d’une robe sac informe errent, cherchant la faille qui détruira la maison patriarcale. Le jeu n’est pas égal : d’un côté la force d’un pouvoir ancestral reconnu par la société, de l’autre une volonté de libération qui conduit à la construction politique de revendication de la liberté. De l’individu à la bande, de la bande au groupe, une maturation se fait en place. Le corps, objet politique, est nu, peint, déguisé en homme avec férocité et humour, pastichant sa place et son rôle dans une société aux désirs ajustés à la norme.
A chaque pensée une image forte et une recherche plastique, se jouant des clichés pour filer la métaphore avec les moyens de la danse, de l’acrobatie, de la performance.

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Avignon 2018 – « Tio » – (Off) / « Pur Présent » (In)

« TIO, itinéraire d’une enfant de Brassens » de Christina Rosmin

— Par Dominique Daeschler —

Tio (Off)

C’est peu de dire que Christina Rosmini a de l’abattage. Il fallait un certain culot pour s’approprier l’héritage de Brassens à travers sa propre histoire familiale. Petite fille d’ouvriers venus d’Espagne, d’Italie, de Corse, Christina Rosmini fait entrer Brassens dans la tribu : que dieu reconnaisse les siens ! Brassens c’est « un tio », l’oncle qui donne par ses chansons accès à une poétique que chacun peut ressentir. Entre flamenco et chanson à texte, Christina Rosmini danse, conte, saisit sa guitare, passant d’une langue à l’autre (admirable version franco espagnole de Saturne) tout en déroulant une histoire qui prend en compte une documentation sérieuse sur le chanteur. C’est enlevé et inventif. La voix est sûre, colorée comme un arc en ciel qui connaît les tumultes de l’orage. L’accompagnement de musiciens chevronnés (percussions et guitare) ponctuent, relancent, ajoutant à la perfection de ce spectacle peaufiné. Un double regret : un espace confiné qui ne permet pas de parler de mise en scène et un décor trop banal et convenu pour la densité de la parole et du jeu.

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Avignon 2018 – « Le Misanthrope » – « Le comte de Monte-Cristo » – (Off)

Le Misanthrope, Molière,  m.e.s. Claire Guyot (Off)

— Par Dominique Daeschler —

Quelle belle idée que ce Misanthrope à la sauce politique ! traité tambour battant dans le texte de Molière, justement revigoré par ce coup de jeune ! Nous voilà dans les cabinets de ministre avec Alceste en « spin doctor ». Ça gesticule, ça communique, ça conspire ça flatte ! le pouvoir vous dis-je ! Pour qui connaît un peu le monde des éléments langage » du TTS (très très signalé), c’est un régal § Claire Guyot metteur en scène a su diviser son espace scénique de façon à rendre lisibles ses fonctions : q g, salon, bar de luxe. Les éclairages entrent astucieusement dans la construction du décor, apportant une dimension cinématographique à l’espace et en donnant un côté « people » aux acteurs. Pour Alceste, qui veut quitter le monde sans empathie de la politique reste un espoir ; entraîner la belle Célimène loin de cet « entre soi » grêlé de coups tordus. Fi donc ! Molière étant respecté jusqu’au bout Alceste se prend un râteau.
Tonique, insolent, faisant passer la primauté du politique ? le Misanthrope de Claire Guyot gagne nos voix haut la main, bien servi par une équipe de comédiens solides et solidaires dans le jeu.

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Avignon 2018 – « Ton beau capitaine » – (Off)

Texte de Simone Schwartz-Bart / m.e.s. Maud Galet Lalande

— Par Dominique Daeschler —

Wilnor dans sa « cage » en tiges de bois nous longe en voyeur dans la réalité de sa pauvreté, réalité loin de son rêve d’une maison à colonnades. Loin de chez lui, il fait partie de ces immigrés séparés de leur famille qui envoient de quoi vivre chaque mois. Il correspond par cassettes avec marie Ange la bien nommée dont le traitement en mapping vidéo accentue encore la distance la part rêvée.

Le beau texte de Simone Schwarz Bart est célébré avec simplicité, magnifiant les trouvailles de la langue créole qui crie l’absence, la séparation, la reconstitution et nous interroge tous, exilés ou non, sur la construction de l’amour. Une mise en scène épurée joue de ce donné et de ce fabriqué, du dedans, dehors comme d’un espace symbolique. Wilnor est à la fois naïf et petit joueur dans le mensonge. Marie Ange triche aussi jusqu’à la preuve (l’enfant) de l’adultère. Le dialogue se perd, se renoue dans l’impossibilité d’accepter les réalités auxquelles l’un et l’autre sont confrontés. Il y a de l’orgueil, de la colère, de l’humilité, du désarroi, du déni chez ces deux personnages qui d’une certaine façon sont traités en miroir par la mise en scène.

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Dak’Art 2018, Biennale d’Art africain contemporain

Artistes plasticiens à la conquête d’une « nouvelle humanité »

— Par Dominique Daeschler —

Convoquant Aimé Césaire pour définir « l’heure rouge » thème de la biennale conduite par Simon Njami, le Sénégal invite 75 artistes venus de 37 pays africains ou ayant une filiation avec l’Afrique. Sept lieux dans le in, trois cents dans le off : du musé à la friche en passant par les hôtels, ls maisons, les centres culturels, c’est tout Dakar qui est investi par les arts plastiques avec une délocalisation qui passe par Gorée, Yenne, St louis…

Vous avez dit in

Des lieux in, on retiendra essentiellement l’ancien Palais de Justice. L’agencement des œuvres n’est pas sans rappeler la grande exposition Lucioles mise en place avec bonheur par la Collection Lambert dans … la prison Ste Anne désaffectée !

Même usage des espaces communs et des cellules consacrées à un artiste en particulier : la conjugaison de notions d’émancipation, de liberté, de responsabilité induite dans « l’heure rouge » prend alors une dimension symbolique particulière de « l’au-delà des mers » qui peut nous conduire à la volonté de « nouvelle humanité » de Fanon même si ce concept est plus riche et complexe chez ce dernier.

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« Looking for Alceste » : la traque à une misanthropie omniprésente

— Par Dominique Daeschler —

Comme Al Pacino avait réalisé son « looking for Richard » pour dire son amour de Shakespeare en prenant la liberté d’un travail conduit comme une enquête, Nicolas Bonneau, metteur en scène et comédien d’ailleurs seul en scène ; nous révèle avec « Looking for Alceste », à travers des répliques de Molière et un récit contemporain, les différentes formes de la misanthropie.

Un divan qui n’est pas sans rappeler l’émission télévisée de Fogiel, un immense cadre avec un voile noir tel une glace sans tain, laissant apparaître deux musiciennes (voix extraordinaire de Fannystatic) : c’est parti ! Entrons gaiment dans le bazar des souvenirs personnels (l’anniversaire, le foot, le père, l’huluberlu du quartier et plus loin les gens : les « babos », les zadistes, l’ermite… Tout ce qui lie et qui sépare : le portable, le crash Rio – Paris font irruption, en désordre parent. Il y a des phrases non finies ponctuées de « Be Happy » et de longues tirades de Molière où tous les Alceste sortent du trou.

Ce spectacle à l’humour grinçant nous donne le vertige quant à la lecture de notre temps.

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Bâle: Bon anniversaire Monsieur Baselitz!

— Par Dominique Daeschler —

Le Kunstmuseum et la Fondation Beyeler ont accordé leurs violons pour offrir aux amateurs d’art deux expositions pendant la même période, judicieusement complémentaires quant à l’œuvre de Georg Baselitz.

Le Kunstmuseum consacre son exposition aux œuvres sur papier (149 dessins). A la Fondation Beyeler, la rétrospective porte sur la peinture (90 toiles) et la sculpture (12). Tant dans les œuvres sur papier que dans les peintures, on retrouve l’asymétrie, les brisures, l’usage du double et de la métamorphose. Nourri de l’histoire de la peinture européenne et américaine, Baselitz joue avec la mémoire et sa réinterprétation. Son langage figuratif s’approprie des éléments stylistiques sans craindre l’ambivalence du sens, la contradiction. Il y a un cosmos Baselitz.

Dans les dessins comme en peinture, des images, des thèmes sont récurrents. Aussi des dessins on retiendra d’abord la richesse des techniques utilisées (fusain, craie, pastel, crayon, encre, aquarelle) et la création d’un espace créant un aller- retour «attirance-répulsion» autour d’une figure, d’un objet réinterprété conduisant le public à suspendre tout avis esthétique construit sur des critères classiques. Deux ensembles de 12 grands dessins noir et blanc rassemblés en mosaïque, nous entraîne pleinement dans cet univers arraché, morcelé, blessé «tête à l’envers».

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Un petit tour au Centre Pompidou : rétrospective César, Sheila Hicks, Jim Dine

— Par Dominique Daeschler —

Rétrospective César :

Le grand pouce de 6m de hauteur en bronze poli dressé sur l’esplanade ne manque pas de nous faire penser au signe utilisé dans les combats de gladiateurs : enfin semble dire César, nous y voilà ! A trop jouer les stars, l’institution l’avait snobé !
L’exposition thématique suit l’artiste dans cinq grands modes d’expression qui cohabitent parfois, nous renvoyant à l’importance essentielle que l’artiste accordait aux matériaux et à la conquête de nouvelles techniques. Allant glaner aux puces, chez les brocanteurs ou dans les « casses » où il se laisse fasciner par les compresseurs, César joue des formes, fait matière à partir de rebuts, d’objets de la vie quotidienne, fait sculpture, l’exprimant dans une perpétuelle mutation.
Les fers soudés
lui permettent en utilisant la soudure à l’arc de travailler avec souplesse, de cisailler, écraser en utilisant boulons, clous, vis…. De la ferraille naissent des animaux (poules, chauves souris) et déjà une série de grands panneaux reliefs avec des morceaux froissés (ailes et plaques de voitures) annonce les compressions et son goût de la polychromie.
Les compressions
César se saisit de ces voitures compressées de façon cubique dans les « casses » les considérant comme sculptures à part entière puis les travaille, en formes, matières, couleurs en choisissant certains éléments et le degré de compression.

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Pleins feux sur Kery James : théâtre, rap, portrait.

— Par Dominique Daeschler —

En trois temps, trois mouvements, Kery James décline avec efficacité, avec passion mais sans emphase la devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité, intervertissant l’ordre : pas de liberté sans avoir conquis l’égalité grâce à la fraternité.

Premier round : au théâtre avec A vif

Récemment en reprise au Rond Point à Paris, A vif, la pièce de et avec Kery James (rappeur né en Guadeloupe aux Abymes), créée en début d’année à la scène nationale bipolaire de Lons le Saunier et Dole dans une mise en scène du sénégalais Jean Pierre Baro fortement impliqué sur des sujets d’engagement politique et citoyen ( discriminations, racisme, identité, dérives du pouvoir..) conforte l’option de citoyenneté responsable prise par Kery James.
Dans A VIF, Jean Pierre Baro met en scène deux avocats (Kery James, Yannick Landrein) qui argumentent, en une joute oratoire, sur la responsabilité de l’Etat dans les divisions actuelles en « deux France ». Pour, le blanc, avec un côté bien propret et gentil garçon, contre, le noir, issu des banlieues.
Première intelligence : avoir donné à Kery le rôle valorisant, la responsabilité individuelle citoyenne, la maturation que nécessite la conscience collective et son urgence.

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Renc’Art : des rencontres cinématographiques fondées sur des avant-premières

— Par Dominique Daeschler —

Au nouveau Méliès flambant neuf, se succèdent programmation classique, travail avec les publics (sensibilisation, formation) et, en fleuron, divers festivals dont Renc’ Art qui cumule 12 films en avant –première et des invités prestigieux tels Tonie Marshall, Raoul Peck, Laurent Cantet….Une bonne idée : présenter parfois en « vedette américaine » un court métrage, un documentaire.
On retiendra Le Bleu, blanc, rouge de mes cheveux de la jeune Josza Anjembe. Son héroïne, jeune camerounaise née en France s’oppose à son père pour avoir la nationalité française et l’obtient, au sacrifice de ses cheveux qui ne rentrent pas dans le cadre de la photo officielle. Avec pudeur, dans une économie voulue de langage, la cinéaste privilégie les situations, donnant au sacrifice de la chevelure un poids symbolique exprimant toute la douleur qu’il y a à être d’ici et d’ailleurs exprimant la complexité de l’identité. Un travail fort, une jeune réalisatrice à suivre.
Des réalisatrices à l’honneur
Demain et tous les autres jours de Noémie Lvosky
Mathilde a une enfance particulière. Elle protège sa mère, aux bornes de la folie (sublime scène où cette dernière va s’acheter une robe de mariée qu’elle met pour traverser tout Paris sous la pluie).Fugueuse,

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