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Daniely Francisque met en scène Nèg Pa Ka Mo

— Par Roland Sabra —

Un talent prometteur

Daniely Francisque présentait à l’occasion du 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage une nouvelle version de Nèg Pa Ka Mo, pièce dont elle est l’auteure et qu’elle a créée en 1995 en région parisienne. On peut résumer le propos comme étant : de la capture en Afrique à la mise à mort, sous le fouet, d’un nègre insoumis, figure identificatoire proposée comme miroir valorisant dans l’espace de l’habitation où l’honneur, le respect, la dignité n’avaient droit de citer que pour la caste esclavagiste. Une mamie raconte à sa petite fille ce que ça a été et son récit est entrecoupé de représentations du dire. Disons le tout de suite, il s’agit d’un théâtre porteur d’une parole, d’une affirmation, d’une volonté d’exister, d’un désir de vivre debout tout à fait honorable. Et ce d’autant plus qu’il évite de tomber, de verser dans le théâtre militant réducteur. Si quelques passages pourraient être affinés, les enjeux politiques sous-jacents, les problématiques historiques sont assez bien restituées pour nous inviter à une véritable réflexion. On sort du spectacle non seulement envahi par l’émotion mais aussi habité par des questionnements qui travaillent encore le spectateur longtemps après.

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Nèg pa ka mô : par Daniély Francisque, interprétée par la troupe Mawon

— Par Selim Lander —

Théâtre populaire à l’Atrium

Une pièce écrite et mise en scène par Daniély Francisque, interprétée par la troupe Mawon

Voir la grande salle de l’Atrium complètement remplie pour une pièce de théâtre ! Qui voudrait bouder son plaisir. Sans doute le fait que ce spectacle ait été offert gratuitement a-t-il contribué à son succès, mais si c’est là la condition pour amener au théâtre de nouveaux spectateurs, on ne le regrettera pas. Cela étant, les spectateurs étaient-ils vraiment nouveaux ? Il est difficile de l’affirmer car la pièce a pu attirer les habitués des comédies créoles, Bankoulélé ou autres.

Nèg pa ka mô mêle en effet assez agréablement des genres différents. Des scènes de comédie pure, en créole, à des scènes plus dramatiques souvent en français, des évocations de la vie des noirs au temps de l’esclavage – déportation, travaux des champs, etc. – sous forme de tableaux chorégraphiés, enfin des scènes plus proches de notre présent, comme celle de la veillée qui suit l’exécution du nèg marron. Le tout relié par le récit du temps d’antan qu’une grand-mère adresse à sa petite fille.

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Traite des blancs, traites des noirs, par Rosa Amelia Plumelle-Uribe,

 

l’Harmattan, octobre 2008, 230 p.

par Maria Poumier

Sur l’origine de l’humanité, faute de la moindre science, on ne doit s’appuyer que sur la phylogenèse de nos mythes fondateurs. Ainsi, au lieu d’en rester à l’histoire médusante de la pomme et du serpent, qui fait que l’on soupçonne Dieu de malveillance imméritée en nous interdisant les fruits de l’arbre de la science, on devrait plutôt écouter sa conscience, et reconnaître que c’est le crime de cannibalisme contre nos semblables qui nous rassemble tous dans l’humanité pécheresse et à juste titre chassée du paradis. Comme les rats, comme les cochons, mais de façon bien plus systématique qu’eux, ce qui nous a rendus plus forts que d’autres espèces animales c’est que nous ne reculons pas devant le crime contre nos frères, et que c’est même notre nourriture hallucinogène, notre drogue vitale.

Les préhistoriens africains vont plus loin dans le dévoilement de notre inconscient coupable : ils affirment que du tronc noir, dans les contrées paradisiaques où l’on peut vivre nu et se nourrir simplement des fruits qui pendent aux branches, se sont détachés de pauvres types, des erreurs de la nature, blanchâtres et mauvais, probablement le fruit de quelque péché de leurs parents.

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Le lycée Schoelcher et les schoelchéristes tardifs


 

Le mardi 29 juillet 2008, la Région entamait la destruction du bâtiment G du lycée Schoelcher. Le jeudi 31, le Conseil Municipal PPM de Fort-de-France dénonçait cette démolition ; un collectif pour la « sauvegarde » était créé, une pétition mise en circulation. France-Antilles du vendredi 1er août 2008 titrait : « Serge Letchimy part en guerre », et mettait en exergue le « oui, je m’oppose à la démolition du lycée Schoelcher » du maire. Assez étonnamment, il se trouve que c’est le même Serge Letchimy qui, peu de temps auparavant, avait donné un avis favorable à cette opération de destruction !

 

S’il est légitime que des points de vue différents s’expriment sur l’avenir de cet ensemble architectural datant des années 1930, l ‘observateur simplement attentif n’aura néanmoins pas manqué de s’interroger sur les silences, les absences, les incohérences et les insuffisances du PPM dans ce dossier. L’exemplarité douteuse de la « ville-capitale » en matière de politique patrimoniale et les effluves d’un schoelchérisme tardif dans la posture actuelle des letchimistes n’auront pas non plus échappé à sa vigilance.

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Daniely Francisque : « Je me considère depuis quelques années comme un metteur en scène « en chantier »

 Daniely Francisque, auteure, metteure en scène, comédienne, danseuse… :

Daniely Francisque, portrait (photo : Carlotta Forsberg)

 Engagée! Dans toutes les acceptions les plus nobles du terme. D’abord dans son métier dont elle explore systématiquement, avec méthode et détermination toutes les palettes, ensuite dans chaque le mode d’expression retenu, sur scène elle impose avec force une présence dont l’évidence n’est pas à questionner. Les arts de la scène sont pour elle les espaces d’une construction identitaire, artistique et culturelle, qu’elle s’approprie avec un professionnalisme, pas si courant en Martinique. Elle a voulu maîtriser les modalités de l’interview qu’elle nous  à accordé et qu’elle considère comme une des dimensions de son métier. Quand elle est interrogée sur son intérêt ou son désintérêt pour ce que tout un chacun connait comme les « auteurs du répertoire », à savoir les Tchékhov, Shakespeare, Brecht, Molière, etc. elle fait semblant de ne pas comprendre la question, quand celle-ci se précise elle cite des auteurs contemporains dont la plupart ont une aura limitée, il faut bien le constater, au champ culturel caribéen. Comme si la recherche identitaire qui la porte était confondue, absorbée par une recherche illusoire des racines ou la quête mythique des origines ( cf.

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Des nègres et des juges « La scandaleuse affaire Spoutourne » (1831-1834), de Caroline Oudin-Bastide

« Des petits juges » ballotés au gré de l’Histoire

— par Roland Sabra —

un ouvrage de Caroline Oudin-Bastide.

Caroline Oudin-Bastide est historienne, spécialiste de l’histoire de l’esclavage aux Antilles françaises. Après avoir publié en 2005 «  Travail, capitalisme et société esclavagiste », elle nous livre aujourd’hui, en un peu moins de deux cents pages une étude sur l’affaire Spoutourne qui défraya la chronique martiniquaise entre 1831 et 1834. Elle montre combien les colons martiniquais, dont l’opportunisme politique les conduisit à se « faire anglais » ou français selon le moment afin de préserver au plus près de ses origines le système esclavagiste, ont été incapables de prévenir et d’anticiper sur les mouvements de fonds qui allaient conduire à l’effondrement de l’exploitation servile. Pour échapper à l’abolition le refuge dans le giron anglais n’aura fait que retarder, trop longtemps certes, l’inéluctable. L’abolition de la Traite avant celle de l’esclavage était annonciatrice de la fin. Les engagements de la France, vaincue à Waterloo, auprès des autres puissances européennes, l’ont contrainte dans un premier temps à tenter de reprendre en main la justice coloniale, jusqu’alors totalement sous la coupe des colons.

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Pour un Centre national à la mémoire des esclavages

— par Édouard Glissant  écrivain.—

Miguel Marajo. http://www.miguel-marajo.com


Au jour de la commémoration des abolitions de l’esclavage, le 10 mai, date proposée par le Comité pour la mémoire des esclavages et de leurs abolitions et ratifiée par l’ancien président Jacques Chirac, il manquera un élément essentiel à cette commémoration, le Centre national que le même Président avait décidé d’édifier à la mémoire des esclavages et dont il m’avait demandé d’assurer la conception. Une première réflexion, Mémoires des esclavages, portant sur l’esprit d’un tel Centre, sur son organisation, et sur les caractères du lieu qui l’accueillera a été remise à l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin qui en a préfacé l’édition par Gallimard et la Documentation française. Dans le temps que demanda la rédaction du texte, les services du Premier ministre et moi-même avons cherché en commun et pendant des mois un site, un immeuble, un emplacement qui eussent pu convenir à l’usage que nous envisagions, et rien n’a été trouvé, à ma grande stupéfaction.

Il avait été convenu avec ces services que nous continuerions les recherches, en nous appuyant sur les indications techniques exposées à la fin des Mémoires des esclavages, indications que je me proposais de reprendre, en les accompagnant de contributions que j’avais sollicitées de personnes ou d’organisations, antillaises le plus souvent, avec lesquelles j’avais pris contact.

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Aimé Césaire, Adieu au Nègre Majuscule

 

— Par Joël Des Rosiers, Poète et psychiatre —

 

aime_cesaire-9_300Je pleure Aimé Césaire aujourd’hui. C’est l’heure où j’ai autant envie de garder le silence car tout ne peut être dit de ce qui n’est pas chanté dans le chant. Je pleure Aimé Césaire aujourd’hui… J’entends les démons vibrant de mort qui versent la mort sur l’homme. J’entends le vent d’îles, « la brise de mer est sur les cayes ». La Martinique, caye qu’il a tant aimée et parcourue au gré des chemins-chiens. Mais la naissance, la vie, la mort et la résurrection du poète agrandissent son île à la démesure de l’univers.

 

 

Ce qui me rend son île encore plus proche, c’est la lutte que mène son peuple pour la survie en un étrange combat, subtil et raisonné selon moi, en « pays dominé », au moyen des « armes miraculeuses » qu’a fondues le poète. Et j’ai nécessité de dire combien nous chérissons la valeureuse Martinique dont beaucoup d’Haïtiens sont originaires y compris le plus sanglant de nos dictateurs. Et j’ai besoin de chanter qu’elle a fait don à notre histoire de tant de héros venus combattre à Saint-Domingue, à Savannah, au Vénézuéla pour la liberté.

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Habiter « le pan d’un grand désastre »

— Par Jeanne Wiltord —

Je remercie, Mme Suzanne Ravis et M. Georges Aliker de m’avoir transmis certains documents sans lesquels je n’aurais pu écrire ce texte.

«Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur à l’abrutir au sens propre du mot… et montrer que chaque fois qu’il y a au Viêt-Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère…il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.»

A. Césaire Discours sur le colonialisme (1950)

«C’était l’inconscient qu’on leur avait vendu en même temps que les lois de la colonisation, forme exotique, régressive, du discours du maître, face du capitalisme qu’on appelle impérialisme.»

J. Lacan, L’envers de la psychanalyse (18/02/1970)

Dans son numérod’Avril -Juillet 1955, la revue «Présence Africaine» publiait un poème d’Aimé Césaire intitulé :

« Réponse à Depestre, poète haïtien

(Éléments d’un art poétique).

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« Les mémoires de la faim », par Edouard Glissant

 

« DES IMAGINAIRES NOUVEAUX… »

Le scandale de la faim dans le monde, et de l’irresponsabilité affichée par ceux qui en sont la cause directe, les producteurs mondiaux et leurs systèmes impitoyables de rentabilité, nous oppose la double difficulté du rassemblement des opinions éparses dans l’espace international, et des mémoires des peuples, qui se dissipent rapidement dans les exaspérations de l’actualité.

Ce qu’on a appelé les émeutes de la faim, dans les pays les plus pauvres du monde, émeutes déclenchées par les augmentations brutales des produits de consommation de base, le riz principalement, et dont une des explications les plus scandaleuses, avancée par ces mêmes producteurs, a été que « le marché donne ainsi le signal que la production agricole est insuffisante », explication outrageuse et indigne de l’humanité même la plus basse, nous devons nous avouer, quelques jours à peine après leur explosion, que l’écho s’en dissipe déjà dans les autres torrents de ce qui inlassablement court dans le monde, et que ces émeutes ne sont désormais commentées que dans les pays qui n’ont pas eu (encore) à souffrir de telles famines.

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Les pervers, entre le sublime et l’abject

—- par Pierre Assouline —-

    Aussi étrange que cela puisse paraître, il n’existait pas à ce jour d’histoire des pervers en librairie. Non une histoire de la perversion, déjà étudiée par lepervers.1200642959.jpgs psychanalystes, mais bien des pervers qu’ils fussent appelés anonymes, misérables, minuscules, infâmes, antiphysiques ou pervers. C’est dire si l’essai historique d’Elisabeth Roudinesco La part cachée de nous-mêmes (229 pages, 18 euros, Albin Michel) était espéré sinon attendu. De nos jours, l’adjectif est aussi galvaudé que le nom et il courant que “perversité” soit employé en lieu et place de “perversion”. Celle-ci a la particularité de pouvoir être considérée comme sublime ou abjecte selon l’angle de vue : artistique, créateur ou lystique, et donc fécond, il est sublime ; mais lorsqu’il n’aboutit qu’à la satisfaction d’une pulsion de mort, il est abject. On voit par là que l’affaire est risquée pour celui qui se lance dans une anthopologie culturelle du bonheur dans la destruction, cette jouissance du mal que l’on s’inflige ou que l’on fait subir à l’autre dans un débordement de sens. Dans une langue très fluide exempte de jargon médical ou psychanalytique, Elisabeth Roudinesco montre bien comment la perversion est cette chose chachée en nous que nous refusons de voir, la face nocturne de l’homme.

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Cahier d’un retour au pays natal : Le Film

–Par Christian Antourel —

Jacques Martial

Avec tout ce qui se passe sur nos grands et petits écrans, tous ces films dont l’image semble toujours être à bout de souffle, tant il faut greffer à ces histoires imprévisibles des suites artificielles, feuilletons griffonnés à la hâte sous couvert d’audimat, qu’elles en deviennent interminables et incontrôlables. Ou lorsque les armes sont plus loquaces que les textes qui les incluent, plus vrais que les acteurs tout couleurs hémoglobine, dont les rôles réflexes conditionnés, se résument à parler haut et remue-ménage, à appuyer sur la détente d’armes plus automatiques que leurs créations artistiques. Savez-vous qu’un film se tourne chez nous, qu’il se nomme : « Cahier d’un retour au pays natal ». Une adaptation audiovisuelle du texte d’Aimé Césaire, mis en scène par Philippe Berenger. Absolument ! Même que Jacques Martial en fait partie. Je vous le rappelle, il en est l’interprète principal et l’instigateur.

Un petit bijou de film,  poli comme une pierre précieuse

Après son rôle majuscule, grandiose, dans la pièce du même titre, au théâtre de Fort-de-France, c’est encore un retour au pays natal.

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« Un dimanche au cachot », de Patrick Chamoiseau

Une lecture possible : un roman initiatique

— Par Michel Pennetier —

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Dans le dernier roman de l’auteur martiniquais, le lecteur intervient parfois dans l’œuvre en cours d’écriture, de manière bien intempestive, critiquant tel choix, en proposant un autre, bref agaçant l’auteur. Désormais, le roman est écrit et publié, et le lecteur reprend tous ses droits d’interprétation au risque d’ajouter à l’œuvre des sens qui n’avaient pas été pensés par l’auteur ou dont il n’était pas conscient. Mais c’est son droit et le pouvoir que le lecteur s’arroge de créer ainsi à partir de sa lecture est en fait un hommage qu’il rend à l’auteur dont l’œuvre par sa richesse et sa complexité est capable de donner naissance à une créativité nouvelle, se démultipliant ainsi à chaque lecture. La mienne se voudrait fraternelle et j’espère qu’elle aura l’heur de plaire à l’auteur.
Deux récits alternent, se chevauchent, s’interpénètrent ; deux temps, celui du présent et celui du passé de l’esclavage entrent en relation, deux jeunes filles dominent le roman, celle d’aujourd’hui, une jeune délinquante recueillie dans un centre de rééducation nommé «  la Sainte Famille », celle du passé, une jeune chabine, esclave sur l’Habitation où un siècle plus tard sera installé le centre.

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La Peinture en Martinique

Présentation par l’auteur de l’ouvrage

— Par Gerry L’Étang —

L’effervescence dont la peinture est l’objet depuis quelques années en Martinique, méritait qu’un ouvrage ambitieux présente les acteurs de cette efflorescence et donne accès à leurs œuvres. C’est ce qu’a voulu Alfred Marie-Jeanne (Président du conseil régional de Martinique) lorsqu’il a lancé le chantier de ce volume, qui fait écho à l’impressionnant essor de cet art dans le pays.
L’organisation soutenue de vernissages, de foires, la présence régulière de peintres dans les médias révèlent en effet une véritable floraison d’artistesi. Comme en rend compte la sortie de périodiques (revue, magazines) consacrés aux arts en général et à la peinture en particulierii, ainsi que la parution de monographies concernant des peintres martiniquaisiii.
Comprendre ce phénomène, l’accompagner, valoriser cet art et ses talents, offrir une étude globale sur la peinture en Martinique sont les objectifs de ce livre.
Dans la première partie, « Histoire et figures historiquesiv », René Louise exprime, au cours d’une « Histoire générale de la peinture en Martinique », sa vision de l’évolution de cet art, de ses prémices à nos jours.

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Le tambour dans la peau

Une voix, du rythme et beaucoup d’énergie : les ingrédients du bèlè sont simples. Longtemps méprisée, cette musique héritée des esclaves martiniquais reprend vie. Enfin.

Avec son tambour, il fait corps, il le chevauche, un pied à l’air, l’autre chaussé de cuir. Ce talon nu est ­essentiel à son jeu. Il glisse sur la peau de chèvre tendue pour en moduler les sonorités, tandis que les mains tambourinent frénétiquement. Par sa frappe précise, en rafales subites, en syncopes acrobatiques, Félix ­Casérus, 74 ans, un petit air de Paul Meurisse mâtiné de Cary Grant, ­dirige le pas des danseurs qui tournoient et sautillent, jambes écartées, buste en avant. Le bèlè (le « bel air »), revigorant chant au tambour martiniquais hérité du temps de l’esclavage, allie la jubilation des rythmes à la mélancolie des voix éraillées. Une musique qui soigne les plaies de l’âme et donne de l’énergie.

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Mémoires des esclavages et voltige des langues

— Par Edouard Glissant —

A l’heure où la France célèbre pour la deuxième fois, le 10 mai, les  » Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions « , l’écrivain Edouard Glissant, chargé par le premier ministre, Dominique de Villepin, d’ » une mission de préfiguration d’un centre national consacré à la traite, à l’esclavage et à leurs abolitions « , publie Mémoire des esclavages, chez Gallimard. Un ouvrage dans lequel il présente le projet qui lui a été confié, et repère les traces de cette histoire douloureuse.  » Le Monde des livres  » en publie un extrait.

La même douleur de l’arrachement, et la même totale spoliation. L’Africain déporté est dépouillé de ses langues, de ses dieux, de ses outils, de ses instruments quotidiens, de son savoir, de sa mesure du temps, de son imaginaire des paysages, tout cela s’est englouti et a été digéré dans le ventre du bateau négrier et, par opposition au migrant armé venu du nord-ouest de l’Europe, et qui entreprend tout de suite de forger les instruments de sa domination (qui sera le capitalisme industriel puis technologique et financier), ou ensuite au migrant domestique ou familial, venu d’Italie ou de Chine ou de la péninsule Ibérique, d’Ecosse ou d’Irlande, les régions pauvres des îles Britanniques, avec ses poêles et ses fourneaux, les portraits de tout son clan, et qui fait commerce (c’est le capitalisme marchand, soumis au premier), l’Africain est le migrant nu, et qui n’a plus même à nourrir l’espoir d’un retour au pays natal, sauf dans les obstinations suicidaires des Ibos.

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Quelle mémoire de l’esclavage ?

esprit

(Table ronde)

MAXIMIN Daniel, POCRAIN Stéphane et TAUBIRA Christiane

Pourquoi faire une loi instituant une commémoration de l’esclavage re­connu comme crime contre l’humanité ? En revenant sur l’origine de ce projet de loi, cette discussion contradictoire permet de comprendre les tenants et les aboutissants des demandes adressées au législateur.

ESPRIT – La loi Taubira, qui définit l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2001. Cinq ans après, quel bilan dressez-vous de l’adoption de cette loi ?

Christiane TAUBIRA – La loi est le fruit d’un travail laborieux mené pendant deux années et demie. Le projet de loi fut déposé en 1998 et la première lecture à l’Assemblée eut lieu en février 1999. Le projet a d’abord soulevé l’enthousiasme, surtout chez les responsables socialistes. Mais très vite, la perspective des conséquences possibles de la loi a gelé cet enthousiasme. Certains faiseurs d’opinion au sein du parti socialiste ont souhaité que le texte proposé soit réduit à un article déclaratoire, dans la lignée de ce qui fut fait pour le génocide arménien. L’article sur la réparation, qui visait à faire évaluer le préjudice et proposer des politiques publiques de réparation, a notamment posé problème.

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L’aventure ambiguë d’une certaine Créolité

— par  Rafael Lucas —

« La boulimie de reconnaissance littéraire a transformé les majors créoles en apprentis sorciers, ou en apprentis quimboiseurs. Et c’est dommage. On peut regretter que les réels talents littéraires des écrivains créolistes aient été pervertis par les liaisons dangereuses avec l’idéologie. »


Le mouvement de la Créolité, popularisé en France métropolitaine par un manifeste de trois auteurs martiniquais publié en 1989 (Éloge de la Créolité) (1) et par un large succès éditorial, prétend redéfinir l’identité créole et codifier une nouvelle démarche littéraire. Or, qu’il s’agisse du contenu du manifeste ou de la stratégie pratiquée, il est facile d’observer chez les défenseurs de ce courant un ensemble confus de contradictions et de simplifications, qui est dû à au moins trois facteurs : l’obsession de la reconnaissance littéraire de la métropole française dont ils dénoncent la politique d’assimilation coloniale, l’attitude totalitaire parfaitement visible derrière le discours culturel, et une manipulation hâtive du concept de métissage, phénomène dont les Antilles représenteraient le modèle idéal… Notre propos ici n’est pas de mettre en question l’énorme travail de création et de novation de ce mouvement, mais de montrer comment la créativité des écrivains et l’élaboration de leurs œuvres ont été perverties par les diktats idéologiques et par un certain galimatias, ou « manger-cochon », théorique.

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Pour faire de l’Un, il faut de l’autre

— par Roland Sabra —

« la prescription première du politique doit être la reconnaissance du particulier de l’altérité comme moment de l’universel de la citoyenneté. »

François Wahl

La Martinique importerait elle outre des marchandises, des conflits européens? Comment se fait-il que le conflit du Proche-Orient structure aujourd’hui la vie politique non seulement en France mais aussi en Martinique? L’émotion soulevée par la guerre du Liban en juillet 2006 débordait largement le cadre habituel de la sphère politique dans laquelle se déploient les protestations convenues de l’Association France-Palestine. N’a-ton pas vu des lycéennes que rien ne prédisposait à l’action militante s’émouvoir au point de demander dans leur établissement l’organisation de débats sur le conflit?

La réponse la plus communément acceptée est celle de la montée du communautarisme comme l’analyse avec brio Michel Feher dans un article de l’ouvrage passionnant écrit sous la direction de Didier et Eric Fassin, publié à la Découverte et qui s’intitule : « De la question sociale à la question raciale ».

Dans un monde marqué par la mondialisation et le risque d’uniformisation des modes de vie qui l’accompagne, on assisterait à un repli identitaire sur des communautés de proximité seuls vecteurs d’une construction identitaire autonome.

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Une tête qui ne revient pas

Un entretien de A. Jacquard et J-B Pontalis

 

Albert Jacquard – Pour moi c’était évident, au moment où nous préparions le premier numéro du Genre humain, il fallait le consacrer à La science face au racisme. On y admettait, a priori, que le racisme est une tare. A l’époque, il me semblait clair que, pour lutter contre le racisme, comme contre n’importe quoi, contre le diable en général, la meilleure arme, c’est la science. Pourquoi? Parce que la science est ce merveilleux effort de l’homme pour se mettre en accord avec l’univers, pour voir clair en lui, pour être cohérent, rigoureux, lucide… Et puis, grâce à la biologie, on apportait avec le constat de l’impossibilité d’une définition de races humaines, un argument décisif. C’était sans doute prétentieux. En fait, grâce à la biologie, moi le généticien, je croyais permettre aux gens de voir plus clair en leur disant: «Une race, vous en parlez, mais de quoi s’agit-il?» Et je leur montrais qu’on ne peut pas la définir sans arbitraire ni sans ambiguïté. Cette démarche s’apparente aux théorèmes les plus fondamentaux, ceux qui démontrent qu’une question est mal posée, que telle affirmation est indécidable.

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Statues du Cap 110 de Laurent Valère : abolir le mal

Abolir le mal

— par Pierre Pinalie —

Statues de Laurent
Valère au Cap 110

Face au rocher-vaisseau du Diamant, stigmate dressé d’une ancienne puissance coloniale, quinze blanches silhouettes hurlent silencieusement leur appétit de respirer libres. Tournées vers la mer qui les a amenées, prisonnières, sur ces rivages, bien plantées dans la terre martiniquaise devenue la leur, elles clament la souffrance. La masse imposante de chacune d’elles, à l’image d’un totem, force l’espoir dans la revendication muette, exigence d’esclave qui ne tolère plus de ramper sous le joug. La tête inclinée vers le sol, le corps fiché dans le socle du malheur, chacune a laissé pendre ses bras jusqu’à ramasser la dignité en allée. Chacune s’apprête à rebondir hors du champ imposé par la volonté de l’Autre, parce qu’il n’est pas tolérable de demeurer attaché au sillon comme une bête de somme.

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« Entre assimilation et émancipation – L’Outre-Mer français dans l’impasse ? », de Thierry Michalon

une lecture de Selim Lander

Lire aussi la recension du Monde

 Quelques réflexions à propos d’un livre dirigé par Thierry Michalon

L’Outre-Mer français dans le piège.

une lecture de Selim Lander

La problématique de l’Outre-Mer français est probablement unique dans le monde. Ne serait-ce que parce que le processus de décolonisation a laissé dans la République française un certain nombre de territoires, généralement insulaires (mais la Guyane fait exception), qui se trouvent aujourd’hui enfermés dans une dépendance d’autant plus traumatisante qu’elle apparaît à tous comme une fatalité. Il faut donc saluer comme ils le méritent les efforts des vingt-six auteurs réunis par Thierry Michalon pour décrypter cette réalité éminemment complexe et qui résiste souvent à l’analyse (1).

 La dépendance « massive » à l’égard de la « Métropole » demeure la caractéristique commune à tous les territoires considérés qu’il faut étudier. On peut à cet égard regretter que les études transversales (qui couvrent l’ensemble du champ de l’Outre-Mer) restent minoritaires dans le recueil (8 sur 26), à égalité avec celles qui concernent la Martinique. Pour le reste, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Bartélémy-Saint-Martin ont droit chacune à deux contributions, tandis que la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte se voient consacrer chacune un article.

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« Les Antillais au miroir des autres » d’Émile Désormeaux

Nouveau portrait du colonisé

—Par Pierre Pinalie —

 

C’est un surprenant ouvrage que nous a livré Émile Désormeaux, sous un titre poétique et attirant. Peut-être en effet est-il le premier à écrire que les militants locaux sont quasiment tous fonctionnaires avec leurs 40 %, et que parmi eux les retraités sont nombreux. Et quand il nous dit qu’aux yeux des étrangers, les Français sont des professionnels de la contestation, il n’oublie pas d’ajouter que l’élève a dépassé le maître dans la promptitude à faire grève. Avec d’innombrables citations et un recours permanent à l’Histoire, l’auteur nous promène de par le monde afin de décrire l’état des choses dans une très grande objectivité. C’est par exemple en faisant appel aux écrits d’Albert Memmi, l’auteur du « Portrait du colonisé » qu’il propose un meilleur avenir, le jour où n’importe quel homme sera chez lui n’importe où, et pourra œuvrer ailleurs aussi bien que chez lui.

L’ASSERVISSEMENT

 

Ne manquant évidemment pas de rappeler qu’aux Antilles rien n’a pu soigner à court terme le traumatisme de l’asservissement, il n’omet pas non plus de révéler qu’en Russie les serfs ne furent libérés qu’en 1861, soit treize ans après l’abolition aux Antilles.

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La bicyclette créole ou la voiture française


Un entretien avec l’écrivain antillais Raphaël Confiant, qui définit son paradoxe de romancier : vouloir faire vivre une langue et en écrire une autre

confiant_raphL’  » extrême Europe « , c’est aussi, pour la littérature française, ce qui vient d’autres horizons et, en particulier, des romanciers antillais. Depuis quelques années, deux noms se sont imposés en France, originaires de Martinique : ceux de Patrick Chamoiseau et de Raphaël Confiant, qui, outre leurs romans respectifs, ont signé ensemble deux essais sur la créolité (1). Raphaël Confiant, auteur de cinq romans en langue créole et de deux autres en français, dont Eau de café (2), paru l’an dernier, a bien voulu nous accorder un entretien lors de son passage à Paris, avant son intervention au Carrefour des littératures européennes.


René de Ceccatty : Pourquoi avez-vous commencé par publier en créole ?

Raphaël Confiant :_ Les créoles, en général, ont un rapport traumatique avec la langue française. Nous sommes des descendants de personnes qui ont été privées de leurs langues originelles (africaines) et qui ont été sommées d’inventer une nouvelle langue dans l’enfer esclavagiste.

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Fonctions et enjeux de la parole dans Texaco (Patrick Chamoiseau)

 

— Par Luce Czyba —

 

Résumé

 

C’est de mémoire collective et d’affirmation, par l’écriture littéraire, d’une créolité qui n’est pas que langage mais promeut une esthétique, que procède le projet de Texaco. La présentation par L. Czyba du roman et de la perspective dans laquelle il s’inscrit privilégie la dialectique de l’écriture et de la parole. Le « marqueur de paroles », relais et témoin de la narratrice principale qui le nomme « oiseau de Cham », accomplit en quelque sorte le rêve d’« oraliture » de son auteur Chamoiseau.

 

Texte intégral

 

Dans l’Éloge de la créolité1, Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant se proclament créoles, ce qui, pour eux, ne signifie pas seulement être né et avoir été élevé aux Amériques, sans en être originaire comme les Amérindiens, mais surtout être « en quête », et souvent de façon douloureuse, « d’une pensée plus fertile, d’une expression plus juste et d’une esthétique plus vraie ». Ils refusent en effet de continuer à voir le monde à travers le filtre des valeurs occidentales, à se percevoir eux-mêmes « exotisés » par la vision française qu’ils ont dû adopter, autrement dit à se regarder eux-mêmes avec le regard de l’Autre.

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