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Jardins de Rêves, Alberto Giacometti /Salvador Dali

— Par Dominique Daeschler —

Abritée par l’institut Giacometti dans l’hôtel particulier art nouveau -art déco du décorateur Paul Follot ,la fondation qui s’installera en 201- dans la gare désaffectée des Invalides, propose une exposition de dessins, maquettes, sculptures, toiles d’Alberto Giacometti autour de « jardins de rêves ».

Que de contraste entre l’écrin bonbonnière de l’hôtel particulier et le contenu de l’exposition ! La reconstitution fidèle à l’entrée de l’atelier de Giacometti ( à l’initiative de sa femme), nous permet d’aborder avec un zest d’émotion l’univers propre à Giacometti bien différent des correspondances établies dans l’exposition entre lui et Dali qui reposent beaucoup sur leur mutuelle appartenance , un temps, au mouvement surréaliste.

Inconscient, pulsions, hasard sont au rendez-vous d’explorations, divagations artistiques autour de la création de jardins imaginaires . Les mécènes Charles et marie Laure de Noailles lancent la balle en comandant une sculpture à Giacometti pour leur villa d’Hyères. Giacometti imagine trois personnages dans un ensemble de figures géométriques le tout sur un plateau annonçant « le projet pour une place ». Parallèlement Dali publie son essai sur les objets à fonctionnement symbolique définissant la sculpture surréaliste.

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« Fabrice Hyber : La vallée », à la Fondation Cartier

— Par Dominique Daeschler —

Fabrice Hyber a imaginé son exposition « La Vallée » comme les différentes classes d’une école, se partageant le savoir et ses méthodes d’apprentissage.

Cet ex-matheux veut incorporer dans le champ de l’art tous les domaines de la vie, il lui faut démonter, ouvrir l’équation. Pourquoi ce nom symbolique de vallée ? Fabrice Hyber met en application sa vision de l’art in situ : il a fait pousser une forêt dans le bocage vendéen sur cent hectares près de la ferme familiale et cette barrière naturelle est pour lui une façon de faire pousser des pensées, de poser les questions de l’enracinement et des mutations.

Sur d’immenses toiles assimilées à des tableaux d’école il écrit d’abord des formules, propose des solutions fait naître par le dessin, l’image, l’objet collé des correspondances , des liens, des spéculations. Le tableau, entre images et mots, révèle les mouvements de sa pensée.

Les toiles disposées dans des espaces fermés devenus salles de classe (çà et là un bureau d’écolier mais pas de bureau du maître),préau, gymnase appellent observation et transmission …Chacun est écolier Au rendez-vous, les arbres, les migrations, la science, le plastique on passe du concept au végétal, à l’objet, car ce sont les équations-mutations du vivant.

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Au Centre Pompidou… dans les petites salles d’exposition…

— Par Dominique Daeschler —

Guiseppe Penone

Peu connus, les dessins de Penone font l’objet d’un travail sériel, accroché de façon thématique, lié à son œuvre sculpté.

Sont utilisés mine graphite, aquarelle, pigments ,encre mais de façon plus étonnante, le papier adhésif( les feuilles de la peau), le frottage de lames de parquet, les empreintes digitales. De nombreux dessins d’éléments végétaux définissent mouvement, formes, contours. Le tracé reproduit en trois dimensions sur un modèle servira le plus souvent pour la sculpture en deux temps : argile puis moulage de bronze.

Six sculptures utilisant le bois, la terre, la pierre, la feuille, le bronze témoignent de l’aboutissement du travail des dessins. La représentation du souffle chère à Penone s’exprime particulièrement par la jarre empreinte du corps de l’artiste, la bouche de bronze greffée sur une branche, le lit de feuilles a la forme du corps de Penone. Un travail d’écriture soit directement lisible, soit indépendant accompagne toujours le geste de création.

Jusqu’au 6 mars 2023

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Sorcière, pirate et crocodile : un conte malicieusement troussé !

Un spectacle pour enfants au théâtre du Marais

— Par Dominique Daeschler —

Ça commence par  le «  il était une fois » des contes traditionnels et on se dit qu’on est parti pour un cocktail d’épreuves, de mystère, de magie avec bons et méchants, morale et bons sentiments. Eh bien non, tout de suite on prend un chemin de traverse. Les archétypes sont bien là : la sorcière, le pirate, le méchant prédateur … oui mais la sorcière est maladroite, rate tous ses tours mais veut impressionner Maléfique sa marraine , le pirate est peureux et très petit garçon et le crocodile menteur délivrera cependant à point nommé sa bave qui permettra à Maladroite de participer aux « golden crapauds » avec la complicité du capitaine Bourtouga.

Ouf ,on rentre dans le cadre avec une pirouette, une concession bon enfant. Mais ces personnages qui refusent d’entrer dans la légende manient humour, bienveillance, tolérance : ne seraient-ils pas un peu humains, acceptant finalement leurs faiblesses, apportant avec de pseudo standard bien choisis rythme et saut dans le monde d’aujourd’hui. C’est écrit très en jeu par Cecilia Fornezzo qui joue aussi le capitaine en duo avec une sorcière charismatique, rockabilly et un rien titi, ayant un grand sens du jeune public(Manuela Josset).

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Zadkine, une vie d’ateliers

— Par Dominique Daeschler —

Niché au fond d’une impasse de la rue d’Assas, le musée Zadkine est installé dans la maison atelier du sculpteur. La femme oiseau, sculpture monumentale du jardinet célèbre le quarantième anniversaire de ce musée voulu par le peintre Véronique Prax son épouse. L’exposition d’une centaine d’œuvres réparties entre les deux ateliers est accompagnée de dessins, de peintures et surtout de photos des grands photographes Morain, Vaux, Kertész, Maywald, précieux témoignages de la vie artistique d’un Montparnasse aux multiples ateliers.

Arrivé à Paris en 1910, Zadkine et un des pensionnaires de la Ruche, célèbre cité d’artistes. Plus tard, il enseignera à la Grande Chaumière créant une école d’art rue Notre Dame des champs d’atelier en atelier il ne quittera plus Montparnasse, s’installant en 1928 rue d’Assas avec quelques escapades dans sa maison du Lot ( hors période newyorkaise).

A découvrir ses nus aux longs bustes quasi hermaphrodites, ses têtes tourmentées de colère qui l’emportent sur des œuvres très composées. A New York, Venise, il côtoie Fernand Léger ,Chagall, Lipchitz. C’est dans l’atelier du jardin que l’on se sent plus proche de l’œuvre en train de se faire, les de l’artisan menuisier ( sa première formation),le modelage, le tournage étant mis à nu.

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Rétrospective Germaine Richier

— Par Dominique Daeschler —

Le centre Pompidou consacre une grande exposition rétrospective à la sculptrice Germaine Richier.

Chez son élève baptisée «  rossignol » car elle chantait en travaillant, Bourdelle remarque un talent singulier qui la fera entrer très vite dans la cour des grands.

Contemporaine d’un Giacometti ( certaines sculptures sont très proches )mais loin du surréalisme, Richier est fidèle au modèle, à la technique de la triangulation. Sensible à l’omniprésence de la nature qui lui permet d’inventer, de transformer à partir d’une vérité organique, elle y trouve ses marques.

Aux nus et aux bustes ( souvent en terre) succèderont des corps déformés, écorchés, déchirés, s’organisant autour du vide( période de l’exil en suisse pendant la guerre). Enfin la nature doit aider l’homme à se régénérer. Il y a fusion, hybridation avec des insectes( mante, sauterelle, chauve-souris : on pense parfois au travail de Louise Bourgeois).Les sculptures incluent parfois différentes matières : briques, branches d’arbres…). ainsi s’installe un sentiment panthéiste d’un monde peuplé de créatures hybrides : ogre, ouragane, cheval à six têtes ; de fusions : le célèbre christ d’Assy dont le corps fusionne avec la croix.

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« La Gioia », m.e.s. Pippo Delbono : une ode baroque à « Bobo »

— Par Dominique Daeschler —
Le metteur en scène italien Pippo Delbono, habitué du Festival d’Avignon, nous offre avec Gioia un spectacle conçu comme un hommage à Bobo, ce petit homme sourd et muet, aux exceptionnels dons théâtraux, avec il eut un long compagnonnage. Bobo, sauvé de l’hôpital psychiatrique par Delbono fut aussi, paradoxalement son rédempteur et le catalyseur de son inspiration.

C’est sans doute le spectacle le plus italien de Delbono : on y retrouve le Fellini de Huit et demi, les vibratos de l’opéra et côté parcours vers la spiritualité et la transcendance un lien avec les Fioretti de François d’Assise et la Divine Comédie de Dante.

Dans une cage Pippo Delbono danse : quand il sort pour raconter l’histoire, les fleurs ne cesseront de pousser jusqu’à envahir le plateau. Pippo s’installe sur le rebord de scène et égrène d’une voix monocorde ce temps vécu avec Bobo. Ses compagnons, pour la plupart des fracassés de la vie, entrent, sortent dans des séquences sans queue ni tête? Ils chantent, dansent le tango, performent avec des costumes extravagants aux couleurs vibrantes.

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Le Off : réflexion et restructuration en marche avec AF&C et FTIAA

— Propos recueillis par Dominique Daeschler auprès d’Harold David et Sylvain Cano-Clémente—

Le Off reprend souffle cette année, après le covid et des turbulences internes, l’heure est au changement. Les réflexions menées tout au long de l’année au sein de commissions largement ouvertes ont conduit AF&C qui assure la coordination générale du festival Off et la Fédération des théâtres indépendants d’Avignon FTIAA à se rapprocher. Au-delà des premiers effets constatés par le spectateur : supports de communication jouant bien leur rôle de facilitateurs dans l’organisation de son parcours théâtral, village du off plus central très fréquenté, équipes d’accueil efficaces, l’état d’esprit général concernant l’organisation a changé. Assumant un rôle différent mais complémentaire, AF&C et FTIAA ont misé sur des présidences collégiales. Harold David, co-président d’AF&C et Sylvain Cano-Clémente co-président de FTIAA ont évoqué avec nous les nouvelles orientations du festival.

Avant de laisser Harold nous exposer méthodiquement le projet conduit par AF&C, Sylvain qui doit vaquer à ses occupations de directeur du théâtre du rempart, avec une fougue toute méditerranéenne, nous balance d’un trait les 1570 spectacles créés cette année avec les 33000 levers de rideau, la nécessité de l’intervention financière de l’État tant en ce qui concerne les moyens et la légitimation à sa juste valeur du 0ff que le projet porté par AF&C et auquel la FTIAA s’associe pleinement, présenté à la ministre de la culture pour la filière du spectacle vivant.

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Avignon 2022: récapitulatif des comptes-rendus de spectacles

Avignon 2022 : « La Tempesta », « Futur Proche »

Par Dominique Daeschler —

La Tempesta. Shakespeare, m.e.s. Antonio Serra. Opéra théâtre.

Futur Proche. Chorégraphie Jan Martens. Cour d’honneur Palais des Papes.

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La Tempesta. Shakespeare, m e s Antonio Serra. Opéra théâtre.

Féru des travaux de Grotowski et Brook, Antonio Serra en a gardé la certitude que le théâtre c’est d’abord l’acteur, que c’est lui qui fait sens. Le décor sera minimaliste, se transformant comme un couteau suisse dont on retient d’abord l’efficacité, traçant une aire de jeu où vont se débattre des corps-énergie. L’île où Prospero s’est retiré est un monde oscillant entre sa magie et son bon vouloir. Des pouvoirs qui s’exercent sur les plus faibles (Caliban, Ariel esclaves) à défaut de pouvoir se venger des plus puissants. C’est compter sans la finesse psychologique d’ Ariel et une judicieuse tempête. Voilà le roi de Naples et sa suite à la merci de Prospero ! Se succéderont de joyeuses ripailles, un mariage de Miranda la fille de ce dernier , les pulsions meurtrières de Caliban, l’immersion dans un cérémonial proche de la transe … Lavie de la même essence que nos rêves se joue de ses excès et de ses incessants allers-retours sous l’impulsion discrète d’Ariel.

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Avignon 2022 : « Pourquoi les lions sont-ils si tristes ? »,  » Bananas »

— Par Dominique Daeschler —

Pourquoi les lions sont-ils si tristes ? Leila Anis, Karim Hammiche, m.e.s. K.Hammiche. Le 11.
Bananas. Julie Timmerman, texte et m e s. La Factory .

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Pourquoi les lions sont-ils Modifier la date et l’heure si tristes ? Leila Anis, Karim Hammiche, m.e.s. K.Hammiche. Le 11.

La pièce écrite sur les mutations de la société du travail suit un processus désormais courant. Tout d’abord une collecte de témoignages (avec vidéo) dans différents milieux professionnels et statuts (santé, agriculture, industrie, cadre, ouvrier, retraité … ) suivie d’ une recherche documentaire, d’une première écriture modifiée au plateau constituent les étapes du travail. L’inter- vention de l’acteur sur le texte au plateau est désormais courante et change le rôle de ce dernier dans le processus de création. La plongée dans le réel, dans la connaissance de la vie des autres ( cheminement personnel, territoire) est l’axe de création choisi par la compagnie de l’œil brun : nous n’allons pas rêver, nous allons constater, nous faire une opinion pour mieux comprendre les hommes et la société dans laquelle nous sommes.

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Avignon 2022 : « La galerie. Machine de cirque », « Ici la nuit »

— Par Dominique Daeschler —

La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence
Ici la nuit. Jon Fosse, m.e.s. Frédéric Garbe. Théâtre Transversal.

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La galerie. Machine de cirque. La Scala Provence.

Nouveau lieu à Avignon, la Scala Provence a repris les salles d’un ancien cinéma : plus de places et de grands plateaux , ce qui est rare en off. Le luxe ! Comme à la Scala Paris, la programmation est axée sur des spectacles mêlant le cirque, la performance, la danse faisant souvent appel à des références plastiques.

Machine de cirque, compagnie québécoise composée de sept acrobates et d’une musicienne y présente un spectacle déboulonnant les codes d’une galerie d’art branchée terriblement monochrome, adepte d’un dépouillement ascétique. Tabernacle ! Ils foutent le souk, le boxon, le bordel en exécutant des numéros de haut vol, réglés à l’américaine, valorisant la performance en toute décontraction. Le décor bouge autant qu’eux : tout se transforme pour que l’imaginaire reprenne possession de l’espace et de la poésie qu’une musicienne intemporelle distille d’un saxo impertinent. La couleur éclate sur d’immenses toiles, avec un sourire de connivence à Pollock, barbouillant salopettes et cheveux.

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Avignon 2022 : « La diversité est-elle une variable d’ajustement? », « Jogging »

— Par Dominique Daeschler —

La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo.
Jogging. Hanane Hajj Ali. Théâtre Benoît XII. In.

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La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo. Le 11.

Trois écrivains de théâtre, Amine Adjina, Gustave Akakpo, Metie Navajo se plient à un exercice à la mode : la conférence où le public est pris à partie. C’est tout bénef, pas de décor, un minimum de mobilier qui fait qu’on peut jouer n’importe où sans compter qu’on s’économise car on peut très bien lire son texte quand on passe l’autre à la question ! Chiche ! en route pour la diversité car ces auteurs ont en commun soit d’être nés dans un autre pays que la France, soit d’être liés à d’autres pays par leurs ascendants. La diversité est un fait mais quelle est sa reconnaissance sociale, culturelle, politique ? Les auteurs qui jouent leur propre rôle vont, lors de leurs présentations respectives émettre des doutes, glisser quelques peaux de banane .

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Avignon 2022 : « La mort grandiose des marionnettes », « Double jeu de l’amour et du hasard », « Moi, Kadhafi », « Macbeth »

— Par Dominique Daeschler —

La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet.
Double jeu de l’amour et du hasard. m.e.s. Patrick Ponce.
Moi, Kadhafi. Véronique Kanor, m.e.s. Alain Timar
Macbeth. Shakespeare, m.e.s. Geoffrey Lopez

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La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet. Girasole.

Trois filles en frac manipulent des marionnettes à tige dans et devant un castelet, démystifiant l’histoire de la marionnette et la tentation d’une réception ébahie. La mort, la disparition, la dévoration, le rejet sont au rendez vous dans toutes les scénettes qui développent un humour sarcastique. Le travail est raffiné, inventif . Défilent à toute allure le chanteur d’opéra qui se fait régulièrement casser la gueule, l’animateur exsangue et mortifère, le grand cordon des intestins-tuyaux d’arrosage de l’homme mort devant le castelet. Tout est passage à l’acte, désinhibition, volte-face avec parfois, le temps de reprendre souffle une accalmie poétique (l’homme feuille). C’est avec férocité que les trois marionnettistes canadiennes enterrent leurs créatures nous renvoyant à un parterre de figurants dans le castelet, histoire d’enfoncer férocement le clou. C’est détonant : un seul regret on voit parfois les mains.

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Avignon 2022 : « Mon village d’insomnie », « Surexpositions », « Je te pardonne Harvey Weinstein »

— Par Dominique Daeschler —

Mon village d’insomnie. Samuel Gallet, m.e.s. Vincent Garanger. Le11
Surexpositions. Marion Aubert, m.e.s.  Julien Rocha. La Factory -Théâtre de l’Oulle.
Je te pardonne Harvey Weinstein Conception et écriture Pierre Notte. Théâtre des Halles.

Mon village d’insomnie. Samuel Gallet, m.e.s. Vincent Garanger. Le 11.

Huis clos à trois dans un centre pour mineurs migrants non accompagnés : Harouna angoissé par la disparition de son copain Drissa, Elise jeune éducatrice un rien rigide angoissée par ses responsabilités et André l’homme mûr qui débarque pour la remplacer. Dehors un village qui dort, ressenti comme hostile et la mer qui fait des siennes complètent une atmosphère pesante déjà lourde des mensonges des uns et des autres, d’une hostilité latente, d’une solitude tangible. L’ inquiétude monte, les téléphones coupés ou cassés c’est l’heure des peurs réelles ou fantasmées, de la paranoïa. Qui est qui ? Construite comme un polar, la pièce distille son poison à petites doses. Et si Drissa avait été assassiné ? André est-il l’éducateur qu’il prétend être ? La réalité de l’ici maintenant, c’est le café, le marathon pour obtenir des papiers d’identité, le cancer de la mère d’Elise, l’impression de tourner en rond dans une société qui ne sait que mettre des bâtons dans les roues.

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Avignon 2022 : « Toxique », « Kan lamour èk lo azar i zoué avek », « Spectre », « Une opérette à Ravensbrück »

— Par Dominique Daeschler —

Toxique de Françoise Sagan m.e.s. Cécile Camp- adaptation Michèle Ruivo – Théâtre des lilas.
Kan lamour èk lo azar i zoué avek- Le jeu de l’amour et du hasard. Marivaux. m.e.s. et traduction en créole réunionnais Lolita Tergemina. Toma.
Spectre – chorégraphie, mes : David Milôme. Toma.
Une opérette à Ravensbrück -Germaine Tillion-m.e.s. Claudine Van Beneden- Le Chien qui fume.

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Toxique de Françoise Sagan – m.e.s. Cécile Camp- adaptation Michèle Ruivo – Théâtre des lilas.

— Par Dominique Daeschler —

La comédienne Christine Culerier, familière de l’œuvre de Sagan, s’empare de son journal écrit lorsque l’autrice est en cure de désintoxication pour une dépendance à un dérivé de la morphine administré après un grave accident de voiture.

La sobriété recherchée dans le décor ( un petit lit, une table de nuit qui croule sous les livres, une chaise) est également développée dans le jeu qui met en valeur la mise à nu d’un journal : point d’effet de voix et des déplacements de chat. La jeune Sagan se livre, avec déjà la distance de l’écrivain, avec une pointe de malice quand elle évoque la nature et sa légendaire mondanité quand elle évoque sa vie tumultueuse.

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« Penthésilé.e.s amazonomachie », texte Marie Dilasser, m.e.s. Laetitia Guédon.

— Par Dominique Daeschler —

Quand Laetitia Guédon s’empare de Penthésilée reine des amazones, elle fait équipe avec Marie Dilasser et ça décoiffe !

Juste un petit flash-back : nous sommes en pleine guerre de Troie. Penthésilée entre en combat aux côtés des troyens à la mort d’Hector, tué par Achille, car il a tué Patrocle, l’ami de cœur d’Achille. Œil pour œil, dent pour dent. Au cœur du combat Achille tue Penthésilée et est bouleversé par sa beauté( zoom sur Eros et Thanatos). Cette situation est renversée dans la pièce de Kleist où Penthésilée tue Achille le dévore et se suicide ( grandeur et misère de l’amour vache).

D’Eschyle à Homère les amazones sont des barbares femmes guerrières ne reconnaissant les hommes que dans leur pouvoir de reproduction, leur disputant place et reconnaissance sociales.

De cet héritage, Laetitia Guédon, gardera sans doute le mythe du phénix puisque la pièce commence peu après la mort de Penthésilée dans un au-delà brumeux ( entre Styx, sanctuaire , hammam)où elle règne en figure de proue, interrogeant l’âme d’ Achille qui lui répond sur grand écran.

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« Cendrillon » m.e.s. Joël Pommerat

— Par Dominique Daeschler —

La reprise de Cendrillon au théâtre de la Porte St martin, spectacle créé en 201, nous fait entrer de plein pied dans l’univers de Joël Pommarat , fondé sur un travail entre imaginaire et réel, entre savants jeu de cache -cache, de détournements, de non-dit et de révélé.

Un monde poétique qui part de sa propre écriture où les contes ( cf. le Petit Chaperon Rouge Pinocchio) sont d’âpres morceau de vie où l’on part à la conquête de soi. Cendrillon n’échappe pas à la règle, en apprenant, entre autres, à faire son deuil et à faire « résilience ». Dans une langue qui ne craint pas d’être crue, familière ou cynique nos personnages sont pleins de défauts, le père de Cendrillon est lâche, le prince est un petit rondouillard un peu falot, indécis, réfugié dans le passé, Cendrillon toute au deuil de sa mère se laisse un temps manipuler par sa propre culpabilité et une soumission aux ordres de sa belle-mère …. Tous sont soumis aux mensonges …bref ils nous ressemblent dans leurs faiblesses, leurs doutes, leurs chagrins, leurs rêves ou leurs difficultés à communiquer.

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Rencontre avec Laëtitia Guédon, metteure en scène

Penthésilé.e.s/ Amazonomachie du 6 au 22 mai Théâtre de la Tempête

— Propos recueillis par Dominique Daeschler —

Flash-back : Laëtitia guédon, sourire éclatant et yeux gourmands, vient présenter son projet Bintou et son travail sur le théâtre grec à la Drac Martinique. Bingo ! Le lycée Schoelcher, la scène nationale bénéficieront de son goût de la transmission et de son entrée en « mise en scène » une dramaturgie précise, un sens de la direction d’acteurs, bousculent le plateau.

Aujourd’hui la metteuse en scène , qui reprend ce mois-ci Penthésilé.e.s au théâtre de la Tempête, pièce créée en in au festival d’Avignon l’an dernier, dirige « Les Plateaux Sauvages », lieu culturel de quartier ( 20ième arr ) repensé, relooké. Aujourd’hui Les Plateaux s’affirment comme une véritable fabrique artistique, tout en gardant sens et missions d’un lieu partagé. L’espace d’accueil est déjà un lieu où l’on peut se poser, avec des murs où l’on peut afficher. Dans le bureau de Laëtitia, une toile d’Henri Guédon d’un jaune foudroyant nous invite à la lumière. Il est temps de dire.

D Daeschler : De quels outils disposez-vous pour créer, diffuser, transmettre ?

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« La nuit juste avant les forêts », Koltès, m.e.s Matthieu Cruciani

— Par Dominique Daeschler —

Il faudra dix ans à Koltès, musicien émérite, égaré un temps dans une école de journalisme puis repéré par Robert Gignoux ( TNS ) pour faire entendre son écriture. En 1977, alors que se joue à Lyon sa pièce Sallinger commandée et mise en scène par Bruno Boeglin, il crée, pour Yves Ferry, acteur au TNS «  la nuit juste avant les forêts » au festival d’Avignon ( off). C’est un succès, le milieu théâtral s’ouvre à l’écriture de celui qui fera un long compagnonnage avec Chéreau.

Comme toujours chez Koltès, le lieu est interlope ( pont d’autoroute, parking, , quais…). Ici les verticales des piliers vont aider à tracer un parcours, un jeu de cache- cache qui introduit le trouble, les tensions, le goût du secret. Cruciani semble jeter dans ce décor l’acteur Jean Christophe Folly : à lui d’y introduire fiction et réel. L’homme anonyme s’y débat, et débat : son monologue est de fait un soliloque, un face à face où seul un interlocuteur parle. Jean Christophe Folly empoigne la poésie sombre de Koltès à bras le corps, dispersant les énergies , laissant rebondir sa parole sur le silence.

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« Arlequin poli par l’amour », m.e.s. Thomas Jolly : un Marivaux plus féroce que bien léché

— Par Dominique Daeschler —

Il n’y va pas de main morte Thomas Jolly ! Le jeune directeur du Centre Dramatique National D’Angers nous avait habitué au festival d’Avignon à sa façon d’aller « farfouiller » dans l’âme humaine sans ménagement ( Thyeste, Henri VI, Richard III ).

En reprenant Arlequin poli par l’amour créé en 2006 avec sa compagnie La piccola famiglia, il décape la pièce de Marivaux, passe le verbe au scalpel, découpe les situations et prend les sentiments au collet. Pas de psychologie mais toujours un punching ball incessant entre « maître et esclave » au sens hégelien, entre faible et fort. C’est aussi le temps d’aujourd’hui ,celui des avatars et des jeux de rôle . Temps de l’amour ou de la manipulation ? Arlequin est bien vite déniaisé quand il comprend ce que peut lui apporter le pouvoir, son amour pour Silvia apparait comme une tocade où la valorisation de sa propre personne par le fait d’être amoureux passe au premier plan . Chacun rêve d’une liberté définie par son propre désir. Folle, inconsciente et impatiente jeunesse : je fais comme je veux, comme je sens…De simples petites ampoules se balancent au bout d’un fil pour éclairer personnages et discours.

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Le cinéma anticolonial de Sarah Maldoror

— Par Dominique Daeschler —

Bel hommage à cette pionnière du cinéma consacré en majeure partie à l’Afrique , conjuguant Marie Galante et le Gers dans sa filiation.

L’interrogation, la révolte, le regard sur d’autres cultures et modes de vie est au cœur de l’œuvre de Sarah Maldoror. Avec son pseudonyme évoquant le personnage tourmenté de Lautréamont, cette dernière entre de plein fouet dans l’esthétique surréaliste. A la Sorbonne c’est la rencontre avec Toto Bissainthe et Bassori qui sera à l’origine de la fondation de la compagnie des Griots où elle montera Les Nègres de Jean Genet dans la mise en scène de Roger Blin ( voir l’interview faite par Marguerite Duras). Toute son œuvre photographique s’attache à valoriser une identité noire en s’opposant au racisme, à la colonisation , à l’assimilation. Le quotidien des gens et particulièrement ls parcours de femmes sont ses sujets favoris.

Formée à l’école cinématographique de Moscou ( technique de l’œil ciné), elle produit Monazam beé (Algérie 69) puis Sambizanga( Congo 72). Ecorchée vive, méticuleuse au franc parler qui lui ferme des portes, elle est l’auteur de portraits de belles personnalités d’Outremer : Léon Gontran Damas, son ami Aimé Césaire (cinq films de 1997 à 2008) sans oublier Edouard Glissant qui apparaît dans Devoirs de mémoire .Elle

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DEAL : une magistrale mise en demeure de la fraternité du désespoir.

— Par Dominique Daeschler —

Dans la solitude des champs de coton marque le début du long compagnonnage de l’auteur Bernard-Marie Koltès avec Patrice Chéreau . Ce texte est la source d’inspiration de Deal. Jean Baptiste André s’en empare , pour nous donner, entre cirque, théâtre, danse, un spectacle criant d’intelligence et de talent sur la relation à l’autre, sur le désir d’altérité et son rejet.

Dans un lieu improbable, deux hommes, entre chien et loup, errent, se voient, se heurtent, se parlent : sans qu’on ne sache jamais – et ce n’est pas innocent -ce qu’il y a à vendre. S’établit un rapport marchand entre vendeur et client, un deal un peu louche, dans un dispositif scénique carré qui joue joliment de la quadrature du cercle. On se cherche, on se rencontre, on s’esquive, on se détourne : chasse à l’autre mâtinée de danses, d’acrobaties, de bouts de textes proférés dans le souffle de l’effort. Debout ou au sol, le mouvement dit à la fois le refus de l’autre et son désir, le désir du désir de l’autre : juste, pas juste, oui, non.

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Exposition Georg Baselitz au Centre Pompidou : comment renverser le sens de la représentation.

— Par Dominique Daeschler —

Dans une exposition chronologique, le centre Pompidou a fait le choix de jouer son va-tout avec l’immense, le démesuré, qu’il s’agisse des toiles ou des sculptures. On y découvre un Baselitz brut de décoffrage avec souvent un clin d’œil à l’expressionnisme. Enfant en RDA, Baselitz naît près de Dresde dans une Allemagne détruite par la guerre, coupée en deux, subissant les conséquences du nazisme. Que faire de la violence, comment vivre dans une société sans dessus – dessous ? Baselitz confesse être reparti à zéro : à lui de trouver ses propres mythologies, à lui de trouver sa propre renaissance et son style. La déformation des corps, des choses sera un de ses traits distinctifs. Alors ses peintures sont chaotiques, blessées, à vif. Les personnages sont cabossés, aux aguets de leur vie intérieure. Reste à tout renverser : que faire de l’héroïsme et de la définition d’une virilité triomphante ? Entre blessés de guerre, pénis hypertrophiés, Baselitz prend le contrepied d’une imagerie normée.

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« Les Démons », d’après Dostoïevski, m.e.s. Guy Cassiers

— Par Dominique Daeschler —

Ces « démons » ,que l’on connaît le plus souvent sous le nom des possédés, « kaléidoscopés » par Guy Cassiers, directeur artistique de la Toneelhuis d’Anvers, ne manquent pas, dans la solennité de la salle Richelieu de la Comédie Française, de solliciter le spectateur.

Ce récit choral qui joue de la dérive, adapté du roman de Dostoïevski par Erwin Mortier, nous plonge dans la Russie tsariste. Un vieil intellectuel (Stepane) et Varvara, son amie et soutien financier, sont confrontés à une jeune génération qui, d’une façon ou d’une autre va bousculer la société russe (opposition à Nicolaï 1er, terrorisme, athéisme, nationalisme religieux). Autour de leurs fils respectifs (Piotr le terroriste nihiliste et Nicolaï le séducteur manipulateur charismatique) , des individus caricaturaux : Dacha séduite et naïve, Maria mystique et folle, Liza riche et poète de salon, entourées d’une flopée d’hommes aux idées virevoltantes. Chacun combine, se fourvoie ou laisse faire : convictions politiques, foi reniée… tout se défait. Le monde de demain ne peut être construit dans la violence et l’absence des valeurs traditionnelles russes auxquelles tient tant Dostoïevski, peu sensible à l’apport des Lumières.

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