— Par Myriam Barthélémy —
Brillant hommage rendu à Paco de Lucia*, ce documentaire réalisé par son fils retrace le destin musical et artistique du génie de la guitare flamenco disparu en 2014. Avec les témoignages exceptionnels de Chick Corea, John McLaughin, Jorge Pardo ou encore Rubén Blades.
« Paco de Lucía no es ni flamenco ni músico, sólo tiene unos dedos listos« , cette citation du père de la guitare classique Andrés Segovia pourrait être le point d’entrée de ce magnifique documentaire dirigé par le propre fils de l’artiste Paco de Lucía.
Guitariste au talent exceptionnel, « Le » meilleur de tous le temps, ce qui frappe le spectateur c’est avant tout la force d’un homme effronté, audacieux, discret et doté d’une immense humilité qui a revendiqué toute sa vie et dans le monde entier ses racines andalouses et gitanes.
Parmi les mille mots, substantifs, adjectifs, qui pouvaient être choisis pour donner un titre à ce documentaire, pourquoi lui offrir seulement le mot « la busqueda » la recherche ? , ce mot sonne dans l’oreille du spectateur comme une ouverture, un désir à tout jamais inassouvi, celui d’atteindre la perfection absolue de la part de l’artiste lui-même.
Mais ce mot « busqueda » est également un clair symptôme de modestie de la part de son propre fils qui a commencé peut-être son regard avec cette aspiration, mais dont les circonstances, le décès rapide de l’artiste, son propre père, ont imposé une autre exigence au-delà de « la recherche », plus proche à la rencontre, la révélation, la catharsis.
Il y a un véritable parcours interne dans ce film, par son aura et sa signification intrinsèque, ce qui emmène un directeur comme Francisco Sánchez Varela, à travailler à travers le regard d’un fils à la recherche de la grandeur de son père vivant jusqu’au choc de ce regard avec l’immense noblesse de son père récemment décédé.
Ce travail que nous pourrions qualifier de modélisant dans lequel on ne révèle jamais un autre point de vue que ce qui est essentiel, celui, proche et brillant d’un Paco de Lucía immensément perfectionniste et philanthrope , obtient un majestueux degré d’invisibilité (on pourrait même parler de générosité, si nous entrions dans certains détails et circonstances strictement intimes qui pénètrent ce qui est cinématographique, en fermant les yeux , on pourrait presque imaginer une rencontre avec l’artiste).
Ce qui fait de ce film beaucoup plus qu’un cadre, il est la rencontre avec un homme qui nous raconte le sien avec sa circonstance, la musique, le Flamenco, la guitare, avec un commencement et un naturel qui abolissent cette idée d’élaboration millimétrique, de la note irrévocable, avec laquelle Paco de Lucía pensait sa musique.
Anecdotes, témoignages divers des plus grandes figures du flamenco, accompagnés de mémoires juteuses, capricieuses et respectueuses (comme celle avec « el hurracán » Camaron), nous procure cette sensation qui est l’ordre de la rencontre « unique ».
On entre dans le film avec l’espoir d’un un contact avec le génie, avec celui qui cherche toujours à braver la limite de l’harmonie et parfois incompris de ses contemporains « Je ne joue pas pour le public, mais pour moi «
Schoelcher, le 18/11/2015,
Myriam Barthélémy
*Paco de Lucía
Un film de Curro Sánchez
Avec Paco de Lucía, Pepe de Lucía, Rubén Blades plus
Genre Documentaire Lucía, 2014
Séances VO de Tropiques-Atrium à Madiana le 17/11/2015