Les clarinettistes et saxophonistes de l’atelier de musique de Gustave Francisque ont été ovationnés à l’Atrium ce week end dernier.
—Vu et dansé par José Alpha—
La salle Aimé Césaire pleine à craquer a vibré de plaisirs samedi soir et dimanche après midi aux mélodies créoles interprétées par la nouvelle génération de musiciens formés dans les ateliers du maestro.
Un orchestre composé de plus de 50 musiciens, eux aussi en formation, au sein duquel le groupe Sapotille bien connu des bals et « Midi-Minuit », placé sous la direction du talentueux clarinettiste et saxophoniste, a chauffé les oreilles, les coeurs et les corps disponibles à l’ouverture du Carnaval 2014.
C’est vrai que ce rendez vous musical annuel organisé cette année par Gustave Francisque, le Cmac et RCI, placé intelligemment à l’ouverture du Wélélé (défoulement) populaire, auquel répond massivement depuis trois ans les aficionados de la musique créole et caribéenne, a impressionné tant par l’originalité du répertoire orchestré pour la circonstance que par la qualité des musiciens, même si le niveau est quelque peu inégal. Mais les degrés de classes étant parfaitement identifiés, le public a encouragé, chanté et dansé les biguines, les valses créoles, les boléros, les mazurkas de Fernand Donatien, Faysal Vainduc, Francisco, Loulou Boislaville, Eugène Delouche, voire même celles de Saint Pierre, dans des orchestrations magnifiées par des groupes de danses traditionnelles comme Tchè Kréyol et Couleurs créoles.
Le big band dirigé par Gustave Francisque a assuré l’accompagnement des solistes et des chanteurs talentueux que nous connaissons bien et qui furent ovationnés, tels Guy Vadeleux « et son trombone d’or », la belle voix de Lorianne Zacharie, l’élégant Linlin Groscavla, le séducteur Roger Isauty, José Versol avec ses belles mazukas et « Mamie Suzanne », élève de 87 ans, qui joua de la clarinette assise, ont enflammé la salle placée sous l’œil vigilant des équipes de sécurité et des pompiers. Le crooner Mister Lof qui a rendu un vibrant hommage à Francisco avec un beau meddley a été annoncé par le mélodieux duo de Murielle Ragal et Philippe Rastocle. Tandis que Nico Gernet de l’Am4 et Tambou bo kannal soutenait l’ensemble avec le tambou bèlè majestueusement placé aux confluences des rythmiques créoles.
Mais la vibration était à son comble quand apparut l’immense Gertrude Seinin qui nous a élégamment emportés sur les ailes de la belle musique. Et puis, l’âme de Fernand Donatien pénétra l’auditoire quand Gustave Francisque, clarinette à la bouche, rendit un hommage très appuyé à la puissance musicale de Michel Godzom, l’un des plus grands clarinettistes auteur compositeur martiniquais, avec qui il interpréta une merveilleuse suite composée des inoubliables « Abandon », « Crépuscule » et « Supplication à l’amour ».
Il est indiscutable que la musique, la belle musique soit expression pure parce qu’elle convoque l’humanité des êtres. On irait jusqu’à dire qu’elle nous fait reconnaitre ce que nous n’avons jamais connu parce qu’elle fait émerger en nous des traces émotionnelles fortes qui viennent de loin pour nous traverser les générations.
Si la belle musique occupe l’âme, et la remplit, si elle nous conduit dans les chemins du souvenir de l’histoire artistique du pays, ce que nous entendons aujourd’hui des productions musicales trop influencées par la facilité des rythmiques numérisées et des mélodies fades mises en boucle comme si la créativité musicale s’était desséchée, pour paraphraser Christian Boutant, le directeur régional de la Sacem Sacd, tout cela a perdu le swing des harmonies négro américaines qui nous constituent depuis toujours.
Toute cette ambiance stimulante des bals, des sérénades et des concerts créoles où les instrumentistes (musiciens et chanteurs) rivalisaient de génie et de cadence, disparait comme engloutie par le mimétisme, les plagiats et les « samplings , ces assemblages de multiples petits extraits musicaux grappillés çà et là », selon Fernand Donatien ( La musique en Martinique – collection Sim’Ekol).
Encouragements doivent être adressés sans modération à Gustave Francisque, Tony Chasseur, Michel Godzom, la Perfecta, Michel Thimon, Joel Lutbert, Jacky Alpha, Léon Sainte Rose, Fal Frett, aux Ecoles de musique encore trop confidentielles, aux profs de musique marginalisés qui maintiennent envers et contre tout et avec des moyens dérisoires l’apprentissage musicale et la pratique de l’instrument dans les écoles de l’Education nationale. A toutes celles et ceux qui s’arc-boutent au dessus du vide pour rééduquer l’oreille et les sens de cette jeunesse qui glisse inexorablement vers le moindre effort, ce concert leur était dédié.
De telle rencontre musicale devrait marquer trimestriellement, le calendrier culturel de la Martinique.
« Lè mizik péyi-a ka kléré sé tout limiè péyi-a ki limen » – Quand la musique chante le pays ce sont toutes les lumières qui pays qui s’allument – a chanté la talentueuse Lorianne Zacharie.