—Par Jean Samblé —
Le procès d’Alfred Mar ie-Jeanne, ancien président de la Région Martinique et figure du mouvement indépendantiste martiniquais, s’ouvre ce lundi 28 avril 2025 au tribunal judiciaire de Paris. Il est accusé de « prise illégale d’intérêt », de « faux » et d' »usage de faux » dans le cadre de l’attribution d’un marché public destiné à la reconstruction d’une école à la Dominique, après un séisme survenu en 2004. Aux côtés de Marie-Jeanne, sa fille, Maguy, et son compagnon de l’époque, Mark Frampton, sont également jugés. Cette affaire remonte à plus de vingt ans, mais elle a traversé plusieurs étapes judiciaires avant d’aboutir à ce procès tant attendu.
Le dossier concerne un marché public attribué par le Conseil régional de la Martinique à un cabinet d’architectes dans les années 2000, dirigé par Frampton, qui était alors le gendre d’Alfred Marie-Jeanne. L’attribution de ce marché a fait l’objet de soupçons de favoritisme et de conflits d’intérêts. L’affaire a été initialement portée à la connaissance des autorités en 2007 par une dénonciation anonyme, baptisée « Green Parrot », qui a lancé une série d’enquêtes. Après plusieurs rebondissements et une longue procédure judiciaire, l’affaire est finalement jugée en 2025, près de deux décennies après les faits.
Les soutiens d’Alfred Marie-Jeanne, notamment au sein du Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM), dénoncent ce qu’ils considèrent comme un « acharnement » judiciaire, voire un « procès politique ». Selon eux, les accusations portées contre l’ex-président de la Région s’inscrivent dans un contexte plus large de stigmatisation de l’indépendantisme martiniquais, visant à discréditer une personnalité politique qui a marqué l’histoire de l’île. Pour ces partisans, ce procès n’est pas simplement lié aux faits en question, mais constitue une attaque contre la figure d’Alfred Marie-Jeanne, dont l’engagement pour l’autonomie de la Martinique est perçu comme une menace pour certains secteurs politiques en France.
Le Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) a donc appelé à la mobilisation, avec des rassemblements prévus à Paris et à Fort-de-France, pour manifester leur soutien à Alfred Marie-Jeanne. Ces appels à la mobilisation reposent sur l’idée que l’attaque contre lui touche également l’ensemble du peuple martiniquais, et qu’il est injuste de faire porter à une seule personne la responsabilité de ce type d’affaires. Ils mettent également en avant une perception de double standard, soulignant que des affaires similaires n’ont pas donné lieu à de telles procédures.
Le procès, qui devrait durer trois jours, permettra d’entendre plusieurs témoins, notamment en visioconférence depuis Fort-de-France. En raison de son âge, Alfred Marie-Jeanne, 88 ans, pourrait ne pas être présent à l’audience. Cependant, sa défense se maintient solide, avec des avocats de renom, et la mobilisation de ses partisans est forte. Il convient de noter que, bien que la justice soit au cœur de cette procédure, elle se déroule dans un contexte marqué par des tensions politiques, la question de l’indépendance martiniquaise étant un enjeu de fond.
D’un point de vue judiciaire, l’affaire est d’abord une question de conflit d’intérêts et de gestion de fonds publics. L’attribution de ce marché, qui visait à reconstruire une école à la Dominique après un tremblement de terre, s’est faite dans un contexte de coopération régionale entre les îles de la Caraïbe. Cependant, les liens familiaux et personnels entre les parties impliquées, notamment le rôle de Mark Frampton, alors gendre de Marie-Jeanne, ont soulevé des questions sur la transparence du processus. La question de la légalité de l’attribution du marché et des motifs derrière ces décisions sera au centre des débats.
Au-delà de l’aspect judiciaire, ce procès soulève également des interrogations sur les rapports entre la Martinique et la France. Le MIM et d’autres acteurs indépendantistes estiment que ce procès est un symbole d’une volonté de maintenir un contrôle sur les élites politiques martiniquaises, et qu’il s’inscrit dans un contexte de tensions historiques entre la Martinique et la métropole. Dans cette perspective, l’affaire prend une dimension plus large, où les accusations de malversations financières sont vues par certains comme un prétexte pour attaquer un homme politique dont les idées et l’action ont souvent dérangé les autorités françaises.
Au final, ce procès pourrait avoir des conséquences importantes non seulement pour Alfred Marie-Jeanne, mais aussi pour la manière dont la justice traite les affaires impliquant des personnalités politiques de premier plan, en particulier dans les territoires d’outre-mer. Quelles que soient les conclusions de la cour, cette affaire restera une étape importante dans l’histoire politique et judiciaire de la Martinique.