L’origine sociale et le sexe sont les facteurs les plus déterminants de l’inégalité des chances « Le lieu où l’on grandit et surtout l’ascendance migratoire jouent nettement moins ».
L’idée que l’inégalité des chances est particulièrement marquée dans notre pays est largement partagée. Afin de lutter contre ces disparités, il est nécessaire d’établir des constats clairs sur les caractéristiques qui influencent (ou non) les trajectoires des individus. Nous analysons ici le pouvoir prédictif du sexe, de l’environnement familial (profession des parents, ascendance migratoire) et territorial (région et type de territoire) sur le niveau de revenu d’activité perçu pendant la première partie de la vie active.
Des caractéristiques étudiées, l’origine sociale s’avère la plus déterminante en termes de revenu d’activité. En moyenne, 1 100 euros nets par mois séparent le quart des personnes d’origine favorisée du quart des personnes d’origine modeste, à origines migratoire et territoriale comparables.
C’est presque deux fois plus que l’écart entre hommes et femmes (600 euros). À origine sociale donnée, les écarts de revenus selon le lieu de résidence à l’adolescence (région, territoire urbain versus rural), et surtout l’ascendance migratoire, sont de moindre ampleur. Néanmoins, le sexe, l’environnement familial et territorial sont, dans l’ensemble, de faibles prédicteurs du revenu des individus dans la mesure où une hétérogénéité de revenus importante existe entre individus à caractéristiques observées identiques : à titre d’exemple, 11% des femmes d’origine modeste gagnent davantage que la moitié des hommes d’origine sociale favorisée.
Les écarts de revenus entre origines sociales sont d’abord liés à des parcours éducatifs diérents, notamment au diplôme obtenu (plus que la spécialité choisie ou que l’accès à une grande école).
Ce n’est pas le cas en revanche des écarts de revenus entre hommes et femmes qui ne sont pas tant liés au parcours scolaire qu’à leur situation professionnelle (caractéristique du poste et de lentreprise, de la quotité de travail, du taux d’emploi). Enfin, si la naissance des enfants n’accentue pas significativement les écarts de revenus d’activité entre origines sociales, elle explique près de 60 % des écarts de revenus entre hommes et femmes.
INTRODUCTION
L’expression « inégalité des chances » suggère que les individus ne disposent pas de chances équivalentes en matière de réussite sociale en raison de leurs caractéristiques familiales, individuelles ou du contexte dans lequel ils ont grandi.
Cette question s’est imposée depuis plusieurs années dans le débat public, en partie du fait de la position peu flatteuse de la France par rapport aux autres pays développés1.
En dépit des dispositifs existants ou créés récemment, pour lutter notamment contre le décrochage scolaire ou les discriminations, l’idée que l’inégalité des chances est particulièrement marquée dans notre pays est largement partagée.
Afin de lutter contre l’inégalité des chances, il est nécessaire d’établir des constats clairs sur deux points. D’une part, quelles sont les caractéristiques les plus prédictives de la position sociale des individus et quelles sont les catégories d’individus dont les trajectoires sont les plus défavorables ?
D’autre part, par quels canaux se créent les divergences liées à telle ou telle caractéristique individuelle ou familiale ? Quel est le rôle du parcours éducatif et du marché du travail ?
L’analyse est ici centrée sur quatre caractéristiques individuelles et familiales susceptibles d’exercer une influence sur la trajectoire des personnes : le sexe de l’individu, l’endroit où il a grandi, les professions exercées par ses parents, et le fait d’avoir des parents immigrés2. Ces quatre caractéristiques exercent une influence indéniable sur la trajectoire de vie, mesurée par le niveau d’éducation, la profession ou le revenu (les eets peuvent se cumuler)3. Pour autant, leur influence respective est très variable − ce qui est largement méconnu − et les canaux par lesquels elles aectent la trajectoire des individus, hétérogènes.
L’appréciation de la position sociale est subjective, elle peut être évaluée de plusieurs manières4. Pour cette étude, elle est mesurée à l’aune exclusive du revenu d’activité des individus (salaire et revenu non salarié). Ce dernier reflète l’insertion et la valorisation sur le marché du travail, qui déterminent pour une bonne part leur position sociale. Notre analyse porte sur un échantillon de trentenaires et de quarantenaires (voir Encadré 1), dont l’insertion sur le marché du travail s’est faite il y a plusieurs années et qui ont, pour beaucoup, déjà accueilli leur(s) premier(s) enfant(s).
Contrairement à la plupart des études portant sur l’inégalité des chances sur le marché du travail centrées sur les salariés, notre analyse concerne tous les individus d’une classe d’âge, qu’ils soient salariés du secteur privé ou public, indépendants, chômeurs ou inactifs. Les écarts de evenus entre catégories reflètent donc à la fois des différences de participation au marché du travail et de rémunération sur ce marché.