Dans une tribune au journal « Le Monde », Olivier Py, le Directeur du Festival d’Avignon, se positionne pour un Ministère de la Culture ambitieux.
Alors que la crise sanitaire a durement touché le secteur culturel, Olivier Py appelle à un nouveau pacte entre les pouvoirs publics et le monde de la culture :
« Le 3 juillet aurait dû s’ouvrir la 74e édition du Festival d’Avignon. Je partage le désarroi des spectateurs, des artistes et de toutes celles et ceux qui rendent possible ce rendez-vous unique. Je pense à la ville d’Avignon et au Vaucluse qui, depuis soixante-treize ans, deviennent chaque été festival. Le Festival d’Avignon n’est pas qu’une liste de beaux spectacles, il est le lieu où les défenseurs de la culture tous azimuts pensent la culture comme la plus haute ambition politique.
Pour la culture, le « monde d’après » ressemble au monde d’avant, mais en ruines. L’étendue du désastre, symbolique, politique et financier est sans commune mesure, et il faut commencer par reconnaître l’ampleur des dégâts : l’annulation historique de tous les festivals, le déficit abyssal de grandes institutions, les inquiétudes sur le dialogue avec les publics… Pouvons-nous rêver que « l’après-Covid » soit l’occasion d’un nouveau pacte entre les pouvoirs publics et le monde de la culture ? Pour qu’au moins nous trouvions sens à la catastrophe ?
La culture a de nombreuses définitions, mais si nous demandons aux pouvoirs publics d’intervenir et de reconstruire c’est en premier lieu pour défendre le service public de la culture car c’est lui, le premier, qui risque d’être oublié dans l’organisation et les ambitions post-épidémiques…et pourquoi le devrait-il ?
Commençons par le sommet : à ce jour, le Président de la République n’a pas fait de grand discours, n’a pas dessiné les lignes d’un projet pour la France en matière de culture. Pourquoi ? Cela reste une énigme, aucun de ses prédécesseurs ne l’avait oubliée. On l’attendait dans le début de son mandat, sachant qu’il était a titre personnel un homme de culture. On l’attend toujours, mais cette fois avec une inquiétude sans limite. L’engagement du Président de la République manque, et rien n’est possible sans lui. Il n’est jamais trop tard. La culture n’appartient pas à telle ou telle gouvernance, elle est un projet de la République, et la continuité de ce projet doit être assurée.
En deuxième lieu, défendons le Ministère de la Culture. Depuis le début du quinquennat, il n’a cessé de voir son périmètre augmenter et ses budgets réduits. Il reste un second rôle du gouvernement, ce qui est absurde au regard d’un pays comme le nôtre. C’est absurde politiquement, car ce ministère est un des plus médiatisés ; c’est absurde territorialement, ne serait-ce que pour les collectivités locales qui sont en demande d’égalité et ne ménagent pas leurs efforts ; c’est absurde financièrement puisque la culture est un coût dérisoire dans le budget de l’État et fait plus pour le PIB que l’industrie automobile ; c’est absurde diplomatiquement puisque le monde entier voit la France comme « LE » pays de la culture ; c’est absurde socialement quand on sait que l’inclusion est d’abord une question culturelle… La culture n’est pas un luxe mais un devoir impérieux (…) ».
Le dramaturge et metteur en scène en appelle donc au chef de l’État pour que le prochain Ministère de la Culture ne soit plus un ministère de « second rôle » au sein du gouvernement. Les deux premiers ministres de la Culture d’Emmanuel Macron, Françoise Nyssen et Franck Riester, ce dernier toujours en charge des affaires courantes depuis la démission vendredi du gouvernement d’Édouard Philippe, n’ont pas réussi à convaincre les professionnels du monde de la culture.
Dans le journal « La Vie » : De la force du théâtre selon Olivier Py
« La liturgie du théâtre n’a aucune différence avec celle de la messe ».
Tandis que l’événement « Un rêve d’Avignon » aura lieu du 3 au 25 juillet sur les antennes et les plateformes numériques de l’audiovisuel public, Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon et fervent catholique, nous livre ses réflexions sur « virtuel et présence réelle ». Dans le théâtre comme dans la foi.
La Vie : Que pensez-vous des (re)diffusions de pièces de théâtre sur les écrans, nombreuses en cette période ?
Olivier Py : Quand je suis arrivé à la tête du Festival d’Avignon, nous avons créé une structure, FXP-Festival Expériences, pour favoriser la diffusion de nos captations. Je trouve formidable de propager au maximum cet extraordinaire patrimoine et de faire des directs, mais cela ne se substituera jamais au théâtre.
L V : L’écran ferait-il écran ?
O P : Il ne faut pas opposer les choses : les captations ne fragilisent pas la pratique du théâtre, mais favorisent le désir du « présentiel », et grandissent le prestige du théâtre. Il est évident aussi que l’union lors d’un concert ou d’une pièce de théâtre est de l’ordre du sacré. En écoutant un disque, en regardant une captation, on peut se préparer au moment où l’on va avoir un dialogue avec le sacré. Le théâtre, c’est la communion, au sens d’un groupe de personnes qui sortent de chez elles et se réunissent librement, dans un acte engagé. Il est clair que l’écran ne remplace pas la présence réelle, or, le théâtre c’est la présence réelle, non seulement des acteurs, mais aussi des spectateurs. On ne sait pas ce qu’il va se passer lors d’une représentation, comment les comédiens vont jouer, comment le public va réagir ; il y a à la fois une conscience du présent et de la présence. Et c’est une vertu ontologique dont on ne connaissait pas tout le prestige avant l’enivrement virtuel dans lequel nous vivons.
L V : La rediffusion d’une pièce de théâtre, ancrée dans le présent, ne la rend-elle pas obsolète ?
O P : Une pièce de théâtre doit être vue « en live ». La captation théâtrale n’est pas un film ni une pièce, c’est autre chose, qui doit être considéré en soi et qui est intéressant en soi. C’est d’ailleurs un concept assez nouveau ; il y a 25 ans, quand on captait un spectacle, on faisait un film. Aujourd’hui c’est très différent : on peut avoir une captation live car la technologie le rend possible. Mais ce phénomène artistique n’est ni le cinéma ni le théâtre.
Quelques festivals maintenus en France
Certaines manifestations, intéressantes mais d’importance moindre, ont pu s’adapter et se maintenir cet été puisque ne rassemblant pas un public en un trop grand nombre, ingérable. Théâtre, musique ou arts de la rue, voici une sélection pour des vacances culturelles, source d’évasion et d’apaisement.
L’Impromptu Festival, festival de théâtre de Figeac, suivi à Saint-Céré de spectacles musicaux. Du 24 au 28 juillet, à Figeac (46). festivaltheatre-figeac.com
Festival international de piano, à la Roque-d’Anthéron. Du 1er au 21 août à la Roque-d’Anthéron (13). festival-piano.com
Humour et eau salée, à Saint-Georges-de-Didonne. Du 1er au 7 août à Saint-Georges-de-Didonne (17). crea-sgd.org
La Grande Balade, à Annecy. Les 18 et 19 juillet à Annecy (74). bonlieu-annecy
Festival d’été de la Maison Maria-Casarès, à Alloue. Du 27 juillet au 20 août à Alloue (16). mmcasares.fr.
Festival international de musique de chambre de Provence, à Salon-de-Provence. Du 31 juillet au 8 août à Salon-de-Provence (13). festival-salon.fr
Festival des Forêts, à Compiègne. Jusqu’au 15 juillet dans les forêts de Compiègne et de Laigue (60). festivaldesforets.fr
Festival de Rocamadour. Du 15 au 26 août à Rocamadour (46). rocamadourfestival.com
D’après France 24, Le Monde, La Vie, le 4 juillet 2020