Ola nou yé ? Faire le point pour rebondir

— Le n° 382 de « Révolution Sociliste », journal du GRS —

Eu égard aux perspectives, les moments de pause de la mobilisation revendicative sont toujours propices aux questionnements.

Ces joursci, une vidéo circule largement sur le succès d’un vaste boycott des magasins et autres restaurants de Croatie, contre la vie chère. Le boycott peut en effet, être une arme très valable, et on notera que, dans le cas d’espèce, il était porté par des forces significatives, avec la bienveillance d’un premier ministre dont les propos légitimaient l’action.

Ainsi, ce serait une grande naïveté de croire que Manuel Valls va s’attaquer sérieusement aux Békés et autres capitalistes, mais ses propos inhabituels sont à prendre en compte. Les actions judiciaires contre GBH le contraignant de publier les comptes sociaux consolidés, et révélant ainsi les marges réalisées, sont un élément qui rebat les cartes, et accélère l’obsolescence du document signé à la « table ronde » des grands décideurs.

La charge du MEDEF contre la loi Bellay, avant même le débat au Sénat, est une invite, non à écouter leur diatribe très intéressée, mais à reprendre le débat. Et l’intérêt, ce n’est pas tant de faire la causette avec Valls que d’aller dans les masses, de solliciter encore toutes les organisations populaires, d’interpeller les trop silencieux élus.

Au lieu de rester tétanisé par l’impasse de la situation politique française et ses répercussions sur place, le moment est celui d’une initiative populaire large. Depuis le début de l’action, relancée avec fracas par le RPPRAC, nous répétons la proposition d’élargir le combat à toute la vie chère, et donc aux salaires et revenus de la majorité, aux services publics dont la qualité baisserait le coût de la vie, à l’emploi et l’autonomie alimentaire, qui augmenteraient assurément le pouvoir d’achat du plus grand nombre.

Reprendre réellement ce débat, sera aussi une contribution à la lutte contre la répression qui vise, avec un rare acharnement, à museler tout ce qui bouge ou menace de le faire.

Le « congrès des élu·e·s », avec sa visée de réforme « institutionnelle », à peine proclamé « de rupture », semble prisonnier des incertitudes politiques françaises. Au lieu de faire machine arrière, notre proposition est, comme nous le répétons sur tous les tons depuis 1991, de reprendre le mot d’ordre d’assemblée constituante, qui avait surgi dans la politique martiniquaise, guadeloupéenne, guyanaise, réunionnaise, 20 ans plus tôt au MorneRouge.
Les processus économiques, sociaux et politiques sont étroitement liés. Seule cette liaison permettra de lever les suspicions qui surgissent dans une grande partie de la population dès que l’on parle de
« changement de statut ».

La vision large ne s’oppose pas au soutien du quotidien. Le contenu social du débat sur les institutions est une condition de son intérêt aux yeux des masses. En quelques mois, beaucoup d’idées ont été énoncées contre la cherté de la vie. Abolition du secret des affaires, mise en place d’un contrôle avec participation citoyenne, indexation des salaires sur les prix, mise en place d’une centrale publique d’achat (par SCOP ou établissement public ou société d’économie mixte), réquisition de la grande distribution…

Le mouvement populaire ne part pas de rien. Les mobilisations du RPPRAC, et aussi l’implication de quelques syndicats, portent la preuve que la lutte est féconde. Le débat est nécessaire, et le rassemblement des forces est possible. La furie répressive du pouvoir montre en fait sa faiblesse.

Ensemble, on portera une réponse valable à la question du début : Quelle est la prochaine étape ?

Bakou et les colonies françaises : À propos d’une accusation d’ingérence

Une certaine presse fait ses choux gras de l’accusation portée par le gouvernement français contre le gouvernement d’Azerbaïdjan. Celui-ci serait coupable d’ingérence dans les affaires coloniales de la France.

Il n’y a aucune chance que nous devenions des défenseurs de Bakou dont la politique à l’égard de son propre peuple et de l’enclave arménienne, ne mérite que réprobation claire et nette. Mais l’accusation de la France prêterait à rire s’il ne s’agissait d’un sujet sérieux.

Ainsi, en accueillant des indépendantistes des dernières colonies, Bakou ferait de l’ingérence. Mais comment désigner l’intervention française en Libye ? Comment s’appelle l’opération de liquidation physique de Kadhafi ? Comment baptiser le soutien de fait au génocidaire Netanyahou ? La complicité avec Kagamé, le bourreau Rwandais du Congo ? Quel nom donner à la passivité du gouvernement français devant les violations éhontées du droit international par Trump, Musk et Netanyahou ?

En gros, lorsqu’un gouvernement impérialiste intervient, dans sa sphère d’influence ou pas, c’est du maintien de l’ordre et de la paix. Mais, quand des mouvements anticolonialistes exploitent les contradictions entre impérialismes rivaux pour tirer leur épingle du jeu, alors là, on serait dans l’ingérence pure, voire dans lintelligence avec l’ennemi.

Bien naïf qui se laisserait prendre à cette grossière propagande.

 

Samedi8 février : importante conférence de presse sur le dossier chlordécone

Une bonne cinquantaine de militant·e·s et une presse largement représentée ont écouté pendant plus d’une heure les explications des avocats et des militant·e·s de Lyannaj pou dépolyé Matinik et Gaoulé Kont Chlordécone. Aspects judiciaires, sociaux, économiques, environnementaux, politiques, ont été abordés. Nous y reviendrons au prochain numéro.

Communiqué de Lyannaj Pou Dépolyé Matinik :

Solidarité avec le  « Kolectif Awtis Rézistans » et Envie-Santé !

Ce collectif d’artistes Guadeloupéens et cette association de défense de la santé et de l’environnement sont confrontés à une incroyable tentative d’intimidation pour avoir, au moyen d’une exposition d’œuvres artistiques, dénoncé le crime d’empoisonnement au chlordécone de nos peuples.

Leurs membres, Blow et Antonwè (pour le Kolektif), Philippe Verdol (pour Envie-Santé), se trouvent menacés de poursuites parce qu’un tableau n’a pas plu aux sbires du système colonial.

Agissant « au nom du peuple français », (le peuple de Voltaire, de Courbet, de Picasso et de tant d’autres contestataires par la plume et le pinceau, de l’ordre établi), les représentants de l’État rêvent de réprimer ces éveilleurs de conscience.

Nous les assurons de notre pleine solidarité, et mettons en garde les agents de la répression. Des dizaines d’années de lutte pour obtenir Justice face à la chaîne de crimes du chlordécone, se heurtent toujours à l’impunité organisée par le système.

La moindre des choses serait de foutre la paix aux artistes conscients, libres et talentueux.