— Guy Flandrina —
L’homme court vers les places élevées comme l’eau coule vers le bas
Proverbe chinois
La sécheresse et les coupures d’eau ont révélé la richesse des affaires juteuses pour certains cadres d’Odyssi et des élus qui baignent dans l’opulence de cet organisme.
La structure est mise à sac tandis que les gens de la Martinique sont à sec.
Ces faits ont aussi mis en évidence l’incapacité de certains de nos élus à défendre les intérêts de la Martinique, face à de puissantes sociétés. Les usagers de l’eau ont payé Odyssi et les entreprises privées pour que des canalisations soient entretenues et remplacées. Mais les opérateurs ont empoché l’argent et sont partis, sans faire le travail, avec la bienveillante complicité d’élus martiniquais.
La Martinique compte 161 rivières dont 70 principales et 43 ravines, 126 sources, 8 sites renfermant des eaux souterraines.
94% de l’eau potable est produite à partir des eaux de rivières, le solde provenant des eaux souterraines.
Dans ce pays, l’alimentation en eau potable de la population nécessite le prélèvement de 100.000 M3/jour.
Pour satisfaire les besoins des particuliers et des acteurs économiques ce sont, au total : 42.735.000 M3 qui sont prélevés en une année (2018). Cependant, en période de forte chaleur, la consommation en eau potable peut augmenter jusqu’à 10% de plus. Or, les périodes de sécheresse sont de plus en plus sévères. Les changements climatiques sont devenus une évidence. Le carême 2020 aura été d’une particulière sévérité. Le niveau des cours d’eau s’en est ressenti et les espèces aquatiques qui peuplent nos rivières sont de moins en moins nombreuses.
Eau abondante, robinet sec
La Martinique compte deux opérateurs pour l’approvisionnement en eau potable : La SME pour les zones couvertes par CAPNORD, ainsi que l’Espace Sud et ODYSSI pour le Centre, c’est-à-dire la zone CACEM.
Les réseaux d’adduction et de distribution d’eau s’étendent sur 3.546 km pour l’ensemble de la Martinique. Mais ils sont vétustes car en place depuis environ 40 ans ! Les casses sont fréquentes et les pertes en eau conséquentes. L’eau produite s’échappe çà et là arrivant péniblement au robinet du consommateur. Le rendement représente (selon un document de la SME daté de février 2021) 80% pour CAPNORD, 59% pour l’Espace Sud et 59% pour la CACEM.
Depuis 2018, les 3 communautés d’agglomération (CACEM, CAESM et CAPNORD) sont les autorités organisatrices du service d’eau. Elles peuvent opter pour une délégation à un opérateur public ou privé, exploiter en interne par une régie directe ou faire appel à un prestataire de service.
Dans tous les cas, elles déterminent les politiques locales de l’eau, votent les gros investissements et définissent les principales orientations. Elles fixent les tarifs, signent les contrats et sont responsables du bon fonctionnement du service, dont sa continuité en cas de coupures.
Océan de taxes
Le prix de l’eau en Martinique est un véritable scandale, l’une des eaux potables les plus chères de France !
La dernière étude comparative fournie par l’Observatoire National des Services d’Eau et Assainissement (2016) indique : que le prix de l’eau en Martinique est l’un des plus élevés de France au niveau départemental et régional.
Ainsi, en France, le prix moyen du M3 était de 2,03 €/ M3, contre 2,82 € en Martinique et 2,61 en Guadeloupe. A la Réunion le M3 est seulement à 1.16 € !!!
Aujourd’hui, chacun reconnaît qu’avec un tarif plus élevé de quasiment 71 % par rapport à l’Hexagone et un taux de pauvreté parmi les plus élevés (28 % contre 14% en France) que la question de l’eau fasse désordre !
Le diagnostic du niveau de pauvreté en eau, réalisé en 2017, reconnaît que près d’un abonné martiniquais sur deux est considéré comme « pauvre en eau ». Nous parlons ici de 70.000 ménages !
Si la consommation de l’eau potable est facturée à hauteur de 63,5%, tout le reste de la facture, soit : 36.5%, va à l’abonnement (20%) et taxes diverses (TVA, redevances ODE, Octroi de Mer).
Le prix de l’eau a augmenté en Martinique de 14,2% entre 2010 et 2019 (INSEE).
Là où le bât blesse c’est que la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte est due par les abonnés reliés au réseau d’assainissement. Son taux est de 15 centimes d’euros par M3. Or, les usagers payent pour un entretien qui n’est pas réalisé. Les élus concernés ont laissé les sociétés délégataires du marché partir avec 15 millions d’euros qui auraient dû être affectés à l’entretien et au remplacement des réseaux d’eau potable.
Hold up social
La même étude souligne que ce ne sont pas moins de 35.000 abonnés martiniquais qui dépensent 8% de leurs revenus mensuels pour acquitter leur facture d’eau.
En 2020, alors que la Martinique est touchée par la pandémie de covid 19, elle vit un torride carême et est frappée par de terribles coupures d’eau : pas moins d’une dizaine de jours pour le Centre et une vingtaine pour le Sud ! Certains habitants de quartiers du Lamentin ont connu jusqu’à 5 semaines sans une goutte d’eau au robinet !
La régie communautaire de la CACEM, ODYSSI, gère la pénurie par des « coupures tournantes ». Les écoles, les cantines… sont fermées et des journées de travail et d’enseignement sont perdues, faute d’eau !!!
L’usager Martiniquais, le consommateur Martiniquais ne peut, ne doit plus être le dindon de la farce !
Les abonnés, victimes de coupures d’eau, doivent être indemnisés, tout comme les 50 premiers mètres cubes d’eau potables doivent être gratuits, pour une consommation annuelle de 120 M3.
Mis à sec et à sac
Une grève a été déclenchée, le 10 mai, par le syndicat CGTM SOEM. Le directeur d’Odyssi, lui, porte plainte quant à « des actes de malveillance » sur le réseau. Si ces faits sont contestés par une partie du personnel, dans le même temps des ex-cadres sont soupçonnés de malversations, voire de détournements de fonds et des sanctions sont réclamées par la direction.
Mais qui contestera que la Régie des Eaux ait été un contributeur de l’équilibre financier de Fort-de-France, voire un bailleur de fonds d’un parti politique ?
Qui contestera que des liens de parenté ou des accointances politiques font que certaines personnes bénéficient d’avantages indus qui les placent dans le viseur du SRPJ ?
Qui contestera qu’un directeur viré d’Odyssi, ici, devient directeur à la CACEM, par-là, (Étang Z’Abricot) ? Car il a des dossiers compromettant pour ceux qui font partie du système en eaux troubles. La fuite sur le chiffre qui fait l’objet d’une enquête judiciaire est pire que la plus importante des casses de canalisations : 5 millions d’euros !!!
Mais cela n’a rien d’étonnant dans un système où des élus jouent à passe-moi le tuyau, je te passe l’arrosoir. Les juges ont désormais de quoi se rincer les yeux car les affaires coulent à flots à Odyssi tandis que l’usager est… mis à sec et Odyssi à sac !
Voilà pourquoi la transparence s’impose !
Voilà pourquoi il faut savoir qui est recruté, comment et pourquoi faire ?
Voilà pourquoi il faut savoir qui touche quoi pourquoi et comment ?
Voilà pourquoi le prix de l’eau doit être revu à la baisse avec la fin de la gabegie !
Voilà pourquoi les abonnés doivent être indemnisés car ils ont déjà payé pour l’entretien de canalisations qui n’en n’ont pas bénéficié !
Voilà pourquoi l’équipe de Mi Chans Matinik doit être portée massivement à la CTM afin de mettre un terme à l’ère des copains et des coquins, au népotisme et au despotisme.
Mi Chans Matinik !